Définition de la bipolarité résistante qui prend en compte lʼensemble des difficultés qui empêchent lʼaccès du patient à un état de «bo
Il nʼy a pas de consensus pour définir une « Bipolarité Résistante ». Cʼest pour cette raison je préfère parler de « Bipolarité Difficile » - une définition qui tient compte de lʼensemble des difficultés qui empêchent lʼaccès du patient à un état de « bonne santé » (rémission clinique au long cours, fonctionnement préservé).
Un certain nombre de paramètres doit être pris en compte quand on parle de « bipolarité résistante » (cf. tableau)
En premier, il importe de préciser la nature de lʼépisode actuel qui résiste au traitement (Manie, Dépression, Etat Mixte). Dans la plupart des études, il est question dʼépisode maniaque difficile à soigner ou dʼépisodes émergeant au cours dʼun traitement au long cours. Peu de choses sont écrites sur la dépression bipolaire résistante ; ainsi les critères habituellement utilisés pour définir une dépression unipolaire résistante sont utilisés à ce propos (1) avec la mention : échec de réponse aux thymorégulateurs qui doit être ajouter à celle précisant lʼéchec des antidépresseurs (un ou plusieurs). De même, certains auteurs exigent dans la définition de résistance de lʼépisode maniaque ou au traitement au long cours, lʼabsence de traitement antidépresseur, qui est présumé responsable dʼexacerber la manie ou accentuer la cyclicité bipolaireEn second, il convient de tenir compte dʼautres paramètres que ceux basés sur les symptômes ou les syndromes cliniques, comme par exemple, le niveau de fonctionnement psychosocial ; bien que les paramètres cliniques et fonctionnels soient souvent liés, une évaluation du fonctionnement est nécessaire.En troisième lieu, la définition de résistance doit tenir compte de lʼévolution du trouble au long cours, comme la fréquence des rechutes ou des récidives malgré un traitement bien conduit et réputé être un régulateur de lʼhumeur (cʼest-à-dire capable de protéger le patient contre les récidives ou au moins atténuer leur fréquence et leur intensité). Une résistance au traitement de maintenance peut être évoquée après un échec avec un certain nombre de traitements (habituellement 2 à 3 essais) – ce qui semble représenter un seuil « logique » pour parler de résistance.En quatrième lieu, certaines études incluent à côté des échecs aux traitements, les cas ayant mal toléré les traitements (2,3). Bien que la tolérance des traitements anti-bipolaires soit une condition nécessaire pour le succès thérapeutique, le risque est de diluer les cas inclus dans les études, notamment quʼil sʼagit de deux phénomènes différents. Dans la littérature concernant la dépression unipolaire, on a coutume de parler de « pseudo résistance » pour les cas dʼintolérance à un essai thérapeutique adéquat (1). Dans la pratique, on est souvent confronté avec le problème de vraie résistance ou de « fausse » (traitement pris de manière irrégulière, arrêts complet ou partiel à cause des effets indésirables) ; Cela dit, dans les deux cas, il sʼagit de bipolarités difficiles à traiter.Un problème de définition réside dans le fait que la majorité des patients bipolaires sont traités avec des combinaisons médicamenteuses, la définition de résistance doit considérer la notion dʼéchec à une ou plusieurs combinaisons réputées agir dans le trouble bipolaire (en aigu ou au long cours).Lʼensemble des ces paramètres est important à explorer devant un cas bipolarité difficile ou apparemment résistant à un traitement donné (ou plusieurs). Les stratégies thérapeutiques dépendent de cette exploration, avec la recherche constante et systématique des cas observant mal leurs traitements. Dans cette recherche, il est important de faire la part entre :
les cas qui rechutent après arrêt du traitementles cas où le début dʼune hypomanie est responsable de lʼarrêt du traitement ; ce qui ne peut que compliquer la rechute maniaque.Donc, pour définir une BP Résistante, il convient dʼavoir de :
Spécifier la phase du trouble - Manie aiguë
- Dépression aiguë
- Survenue au cours dʼun traitement au long cours
Obtenir le diagnostic les plus affiné du trouble (BP-I vs –II, -III, Cyclothymie…)Evaluer la qualité du fonctionnementExplorer le profil des tempéraments affectifsSpécifier le nombre des essais cliniques adéquatsDéfinir un seuil minimum de dosesFaire la part entre « vraie » résistance et pseudo résistance (intolérance, arrêts, oublis du traitement)Exclure les patients avec antidépresseurs avant de se prononcer sur la résistance de la manie ou de rechute sous traitement au long coursDéfinir la réponse au traitement (comme une baisse de 50% sur des échelles de manie ou de dépression ou avoir un score inférieur à un seuil)Exiger un certain nombre dʼessais avec des combinaisons pharmacologiquesQuelle définition peut-on appliquer ?
Malgré toutes les difficultés citées, il est possible de proposer comme définition de la résistance :
une réponse clinique peu satisfaisanteau moins deux essais thérapeutiques adéquats (dose et durée)censés traiter la phase spécifique du trouble bipolaire (manie, dépression ou une récidive sous traitement) au moins une durée de 6 semaines pour la Manie, de 12 semaines pour la dépression bipolaire et de 12 mois pour un traitement de maintenance ; garder à lʼesprit que certains épisodes peuvent exiger des durées plus longues pour obtenir le maximum de réponsedes facteurs sociaux, somatiques et psychologiques (4) peuvent interférer avec la qualité de réponse au traitement, ce qui rend toute définition de résistance, un vrai défi dans la pratique de tous les jours ; Cela dit, on a besoin dʼun minimum de repères pour rendre le traitement plus cohérent et le plus complet possible en ajoutant à la pharmacothérapie des approches psychologiques adaptées comme :
• la psychoéducation,
• la thérapie cognitive,
• la thérapie des rythmessociaux,
• la thérapie par acceptation et engagement,
• la remédiation cognitive et fonctionnelleRéférences
Gitlin MJ. Treatment-resistant bipolar disorder. Molecular Psychiatry 2006; 11, 227–40.Gitlin MJ. Treatment of refractory depression. In: Licinio JWL (ed). Biology of Depression. Wiley VCH: New York, 2004, pp 385–410.Sachs GS. Treatment-resistant bipolar depression. Psychiatr Clin North Am 1996; 19: 215–36.Colom F, Vieta E, Martinez-Aran A, Reinares M, Beinabarre A, Gasto C. Clinical factors associated with treatment noncompliance in euthymic bipolar patients. J Clin Psychiatry 2000; 61: 549–55.septembre 2013