05 : Je donnerais n’importe quoi pour sortir de ce puits sans fond
31/12/2007
Témoignages > Bipolarité > La vie bipolaire de Melle M
Mercredi 20 octobre 2004
12h00 :
Suite du post "pourquoi autant de plaintes sans fin"
Je n’en peux plus. Je fais tout ce que je peux pour trouver du courage, de la volonté, de la raison, de l’objectivité. J’essaye de me raccrocher autant que possible â des principes philosophiques assez simples car pousser la réflexion, faire marcher le cerveau est impossible. Je me raccroche â quelques automatismes pris pour combler le vide du quotidien. Je me dis une fois de plus que ce n’est qu’un passage, un sal moment â passer.
Mais tous ces efforts demandent une énergie démesurée de surpassement de soi. Hier encore je suis allée chez des gens pour visionner un film sur la dernière femme kenyane â avoir remporter le prix Nobel de la paix. Rien â faire, pas une seule idée intelligente ou constructive ou analytique ne se présentait â moi alors que tout le monde était en effervescence et émettait des paroles fort justes.
Et toujours ces flots de pensées, d’images, de sons incohérents, incapables de s’emboîter correctement, de se lier par la logique. Rien qu’un déballage continu, un fleuve en crue incontrôlable. C’est bien loin des daydreaming (rêverie diurne), très loin.
Je suis obligée de prendre du Melleril et autres calmants, sans quoi je ne parviens pas â m’octroyer des instants calmes et une stabilité factice, histoire de reprendre mes esprits de façon â se tourner vers un cerveau quelque peu sorti d’une ébullition si harassante et surtout démentielle que je ne dors pratiquement plus depuis plusieurs jours. Combien de temps encore avant que j’arrive au seuil de tolérance que j’ai involontairement dépassé â deux médicaments.
Je reste toujours intimement convaincue que pour qui ne connaît pas la dépression ou l’état mixte, aucune description ne peut donner un aperçu de ce que c’est ; tout comme je ne peux imaginer ce que c’est que d’être paralysée physiquement ou d’être en apesanteur et bien d’autres maux ou merveilles, ou encore de connaître un véritable état maniaque poussé alors que j’ai vu plus d’une fois ma mère y plonger. J’ai souvent regretté d’être née, même si j’ai déjâ éprouvé un sentiment de reconnaissance sincère d’être en vie. Je pense souvent â en finir même si je demande, parfois, sans réfléchir, â Y. de me surveiller.
Demain je vais vous voir et je pense déjâ au fait que vous allez me donner des explications dont je suis avare sans parvenir â les retenir. Je pense au fait que bientôt je vais commencer un travail et que, dans cet état, je ne vais parvenir â rien faire de bon.
Je n’en peux plus de tout donner pour être plus forte, plus courageuse, plus tenace, plus et toujours plus â chaque instant, â chaque fois que je vois quelqu’un pour parler ou dépanner son ordinateur. Je me damnerais pour revenir un bébé, je donnerais n’importe quoi pour sortir de ce puits sans fond, stopper la machine ne serait-ce que quelques semaines, ne serait-ce que pour offrir un sourire qui vient du coeur. Je ne sais plus comment m’aider car je suis la seule â détenir ce pouvoir. Je n’aspire même plus â retrouver ces doux mois de légère manie dont je suis séparée depuis quatre ans. Ces mois d’effervescences intellectuelles, d’imagination fertile, de cette conscience que tout est possible, de don et de respect envers tout le monde, de ces journées où â aucun moment on ne s’ennuie ni ne regarde le côté face de la pièce dont le côté pile est un fait de journées si belles, si humaines, si emplies de rires, si pleines d’envolées de l’esprit que tout est d’une facilité â ne jamais tarir l’envie d’apprendre et de réfléchir.
Je sais que suis en train de me plaindre tel une gamine gâtée qui pleurniche parce qu’on lui a refusé un bonbon. Je sais que je ne devrais même pas écrire tout ceci car cela n’a strictement aucun intérêt pour autrui. Je sais que gémir n’apporte rien pur soi et épuise les autres. En réalité j’ignore totalement pourquoi je déblatère toute cette bave. Raconter ma vie en toute impartialité me fatigue d’avance et, qui plus est, cela ne donne aucun renseignement précieux.
Alors â demain pour un lynchage mérité en bon et du forme, qui sait, me fustiger quand je suis plus bas que terre peut peut-être fournir une solution.