21 : Besoin de construire un présent, penser au futur
31/12/2008
Témoignages > Bipolarité > La vie bipolaire de Melle M
Vendredi 15 avril 2005
10h30
J’ai passé une semaine et demi dans un état stable et me suis posé la question : ? comment vivre une fois stabilisée ?.
On parle toujours d’acceptation de la maladie, des traitements, des crises mais on ne parle jamais de l’acceptation de la stabilité. Pourtant ce n’est pas rien, car pendant des années je me suis coupée de tout. Je n’ai plus rien â faire, il faut passer â une autre étape de la vie alors que la maladie a été mon joujou pendant des années, il faut trouver un joujou hors je me retrouve devant une situation où il faut tout construire, où il n’y a aucune base solide, où il faut envisager de nouveau le futur mais lequel, dans quelle direction, dans quel sens, je suis au même point de départ que lorsque petite on me demandait ce que je voulais faire une fois grande.
Il me faut construire un présent, penser au futur
en termes de projets et je suis au milieu de tout ceci sans aucune piste comme après mon baccalauréat dont je ne savais pas quoi faire du tout et quand j’ai enfin trouvé au bout de plusieurs années, Sainte-Anne a tout détruit. Et me revoilâ au milieu de nul part, sans repère, sans point de départ. Si je pouvais retrouver la légère hypomanie d’il y a plusieurs années je pense que naturellement tout s’enchaînerait plus naturellement sans me préoccuper des moyens choisis puisque ce qui importe c’est de ne pas rester surplace, l’important est d’être dans un mouvement, une dynamique, un processus qui aille vers un but sans fin pour ne jamais avoir â se reposer de ses humanités. On ne recule jamais par contre on peut stagner et c’est la fin de son humanité. Que puis-je donc faire â présent que je suis madame tout le monde, avec un travail ennuyeux, un quotidien plat, sans passion, sans grande raison de penser plus outre.
De toute façon depuis deux jours je suis au fond du gouffre,
je vais au travail en pleurant, je ne supporte plus ce studio minable, je ne fais que dormir pour oublier la vacuité de ma vie. A part Yannick, je n’ai rien en construction rien â quoi me raccrocher. Trouver une activité plaisante â Paris demande toujours de l’argent. On a vidé toutes les économies pour éviter la saisie de l’appartement. On arrive â joindre les deux bouts avec 500 euros par mois, mais la question se pose de savoir comment payer la prochaine rentrée universitaire de Y. pour son doctorat ; quant â moi il me faudra retrouver une travail d’ici novembre prochain pour ramener du beurre dans les épinards, encore un boulot â la con comme j’en ai tant l’habitude depuis toujours sauf qu’avant je pouvais le supporter car c’était pour financer des études. A présent la donne a changée, il s’agit d’offrir la belle vie â Yannick. Pas besoin pour lui d’aller en cours, une simple bibliographie de trois livres lui suffit â avoir tous ses examens, il peut passer ses journées sur ses jeux vidéos, il trouve très amusant de faire la cuisine, passer l’aspirateur et autres corvées.
Je recommence â penser au suicide,
mais cette fois je n’ai plus autant d’issues qu’avant, celle de ma mère est condamnée car elle m’est devenue plus qu’incompatible, je n’ai plus non plus envie de me réfugier â la clinique du Grand Pré, je sais que ça ne changera rien â l’histoire, je ne cherche plus â me délivrer de la souffrance puisque j’ai appris â la contrôler et la laisser en arrière plan au lieu de la laisser m’envahir au point de n’être plus qu’elle. Où que je regarde, je me retrouve dans l’impasse, cette fois si je pense au suicide c’est uniquement parce que je ne trouve pas de sortie de secours et puisque je ne peux plus avoir mes TOC suicidaires il faut attendre que la volonté ne soit plus que ça et rien d’autre.
C’est un peu comme ces derniers jours, pour cause de déménagement de bureaux, je suis au dernier sous-sol dans quatre murs bétonnés, ça ressemble beaucoup â un garage avec la ventilation qui fait un bruit infernal. Hors comme c’est un comité d’entreprise, deux heures par jour, les gens se pointent sans amabilité car tout leur est dû, ils critiquent les locaux et je dois garder le sourire, supporter les remarques qui normalement doivent être formulées auprès des élus.
Ce local, je ne peux pas parler de bureau puisque c’est une cave, ressemble beaucoup, de très près â moi, on a vite fait le tour, c’est exiguë, il fait froid, la souffrance des gens est agressive, il faut parcourir un labyrinthe pour y accéder.
Il va y avoir des passages dont vous allez vous servir pour votre bouquin qui va faire un carton puisque vous êtes sommité et je reste sur le carreau, la vache â lait, ça ne me changera pas. De toute façon je n’ai pas assez de talent pour écrire quelque chose qui tienne la route du début â la fin alors autant vous le faire gratuit.