02 : descente aux enfers
1/01/2008
Témoignages > Cyclothymie > Chroniques dune cyclothymique
Rock and Roll? Ma vie est rock and roll.
Partie 2
Je travaillais vite fait dans une Université â cette période, comme en ce moment encore dailleurs. Jétais contente, je gagnais un peu ma vie. Et puis javais rencontré un mec. Un mec avec qui je passais le temps, souvent le jeudi soir dailleurs. Ca avait commencé de manière spontanée avec lui aussi. Comme très souvent, cest moi qui lavait branché. Cest clair que je lui ai fait du rentre dedans, mais parce que je le sentais assez réceptif aussi, faut dire.
Un soir, je lui envoie un sms, et je lui demande ce quil fait. Il me dit de passer. Il est déjâ tard?Je dîne avec Clément â ce moment-lâ , alors je lui demande sil croit que je dois y aller. Il me dit de faire attention. Lautre habite loin, en banlieue. Moi, je suis une vraie parisienne, du Marais. Je maventure pas souvent en banlieue si tard.
Je joue avec mon portable, jhésite, mais jai envie dy aller, me laisser aller.
Je lui demande son adresse, cest décidé, jirai. Je vais prendre un taxi, tant pis si je paie cher.
Tout sest décidé en une heure. Je devais passer une soirée tranquille avec Clément, et me voilâ dans un taxi en direction de Houilles.
Houilles, langoisse, cest quoi ce nom ?
Bref, je me confie au conducteur, je lui raconte ma vie, mon angoisse de débarquer chez un mec que je connais pas tant que ça. Et si cétait un traquenard. Sil me posait un lapin, ou quil mattendait avec trois potes pour me sauter dessus ? Il fait nuit, il est plus dune heure du matin. Le conducteur est sympa il me dit quil attendra que je sois bien en sécurité avant de repartir.
Je paie quand même 36 euros.
Ouf, ça va, lautre est bien au rendez-vous. Il a lair un peu éméché mais bon. On passe une bonne soirée. Japprends quil se drogue. Et comme une conne, je baise avec lui sans capote. Gros stress ensuite. Ca va, il est cool, il accepte de faire le test direct. Je men sors bien, il a rien, moi non plus.
Quelque temps plus tard, mon contrat se termine, je me retrouve seule â la maison. Finie leuphorie, plus de raison de se lever le matin. Je commence â sérieusement mennuyer. Lennui. Ma plus grande compagne? Je la connais bien, jai eu le temps de létudier â fond. Elle ma même bien écrasée de son poids étouffant. Je me suis sentie dégringoler. Comme tirée vers le bas. Enchaînée â une sorte dinévitable descente aux enfers.
Je commence par pleurer.
Pleurer sans savoir pourquoi je pleure. Je suffoque.
Je suis spectatrice de ce qui marrive â ce moment-lâ . Je ne comprends rien, je constate simplement que je suis impuissante, que rien ne me console.
Ma mère est lâ , présente comme toujours, fidèle alliée depuis maintenant si longtemps. Elle ne peut que mécouter, sécher mes larmes, mais cest tout. Je me lève, je massied â ses côtés et je pleure. Je commence â avoir mal au ventre. Un peu comme si on creusait un trou â lintérieur de moi, quon mavait vidée de mes entrailles et recousue. Quon cherchait un trésor ou plutôt quon remuait la merde.
Et puis, ça dégénère. Je me sens vidée, je commence â distinguer le manque denvie. La pire des choses qui me soit arrivée. De navoir envie de rien.
Rien. L?envie de rien.
Je sens que ça dégouline en moi, comme des pleurs internes. Je ne ressens plus rien dautre quune lente tristesse. Un sentiment dinutilité. Alors, je me couche. Je reste couchée. Je narrive ni â lire, ni même a regarder les conneries â la télé. Si, un soir, jarrive â maccrocher au patinage artistique. Pas besoin de suivre. Mais jéteins avant la fin. Je peux pas.
Je cherche le sommeil, mon seul répit. Quand je dors je ne me rends compte de rien. Je dors pour oublier, pour que ça passe plus vite.
Le matin, cest le pire, je me dis quil y a une journée de plus â tirer. Je me lève quand même, je me lave et puis je me recouche. Jattends le soir avec impatience, pour pas culpabiliser dêtre couchée. Tous les jours le même rituel. Je suis un zombie.
Je nai envie de rien.
Avec un bon traitement, je reprends le dessus, mais depuis cest la crainte, langoisse de voir réapparaître lennui. Toujours cette peur au ventre qui minterdit doublier. Je sens quil ne faudrait pas grand chose pour que je revive lenfer? Le soir, je me couche tôt pour oublier en fait. Oublier que je suis seule. Que ma vie ne ressemble pas â ce que je voudrais.