Comment transformer une cyclothymie en une bipolarité instable et sévère ?
31/12/2008
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Evolution / Risques
Tout a commencé par une dépression à l’âge de 18 ans, traitée par Effexor (150 mg), un traitement sans aucun effet, à part l’apparition d’une addiction aux jeux sur Internet. Depuis cet épisode, on note 5 hospitalisations en psychiatrie pour envies suicidaires ou tentatives de suicide.
Il a fait deux tentatives à 18 ans et 21 ans par prise de médicaments. Dans ces phases, il décrit une grande tristesse, de l’anhédonie, un mauvais appétit, une hypersomnie, un ralentissement, de la fatigue, une forte auto-dévalorisation, des idées noires, et parfois un état mixte avec des crises d’angoisse. Les envies et tentatives concernent le plus souvent les études : "Je commence les études en étant en hypomanie puis tout retombe après un mois." En phase de dépression, une plus grande inhibition sociale est trouvée, notamment la peur d’être regardé, critiqué, jugé, ainsi qu’une peur de la foule.
Des phases d’hypomanie déclenchées par une rentrée scolaire, une nouvelle activité, ou parfois sans raison, et durant de quelques heures à 3 semaines sont trouvées depuis l’enfance, avec euphorie, tachypsychie, diminution du besoin de sommeil, augmentation du débit de parole, distractibilité et problèmes de concentration, plus grande confiance en soi, hyperactivité, augmentation des projets, des dépenses d’argent et de la libido. Le score sur la checklist Hypomanie est 15/20.
Les épisodes hypomaniaques sont en majorité associés à une exposition aux antidépresseurs Un trouble cyclothymique est trouvé depuis l’âge de 14 ans avec hypersensibilité, hyper-réactivité émotionnelle, hypersensibilité à la critique et au rejet, changements d’humeur brusques et perpétuels, absence d’intervalle libre, conséquences négatives sur le quotidien et les relations interpersonnelles, incapacité à maintenir de l’enthousiasme pour des projets. Il décrit des variations au sein de la semaine ou de la journée, principalement vers le bas. Aucune impulsivité ni colère n’est trouvée, mais des automutilations sont décrites dans des phases de douleur morale (état mixte). Le score sur le questionnaire de cyclothymie est de 18/21.
Des syndromes obsessionnels sont également présents ; des vérifications (portes, confirmer un rendez-vous, gestion de papiers) sont présentes depuis l’âge de 14 ans et ne sont pas envahissants. A 16 ans, une peur de mourir a entraîné deux rendez-vous par semaine chez le médecin est trouvée, ainsi que des vérifications compulsives du pénis à cause de traces. Des Tics sont trouvés de 10 â 14 ans avec le besoin de marcher sur la pointe des pieds. Une anxiété généralisée avec la peur d’être débordé, de ne pas savoir s’organiser, principalement sur des choses nouvelles ou inconnues, depuis l’âge de 18 ans.
Mais c’est l’histoire médicamenteuse qui est édifiante :
On remarque qu’en aucun moment, l’anti-dépresseur n’a pas été arrêté ; de plus, on est consterné par les échecs des traitements assez lourds.
Il aurait été plus simple de faire dès le départ un bilan clinique complet en recherchant la cyclothymie, l’hypomanie et l’histoire familiale de bipolarité avant de donner des AD.
Actuellement et depuis plus d’un an, ce jeune patient est totalement déscolarisé ; malgré son penchant pour la littérature, il est incapable de poursuivre une activité scolaire régulière. Ce cas ressemble aux dizaines de cas similaires vus récemment au CTAH où :
Si on tient compte de la prévalence de 6% de la cyclothymie en population générale et de plus de 30% des dépressifs qui consultent en psychiatrie, je n’ose pas imaginer les conséquences !

