02 : Ma Mélancolie, mon Haine-Amie
1/01/2008
Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan
Comme tant dautres, je flirte bien malgré moi avec la déprime.
Mélancolie pathogène, Javais limpression que telle mon ombre, elle était cette part de ténèbres qui me suivait partout.
Fidèle et implacable, je lavais baptisée mon ? Haine-amie ? pour me moquer un peu delle tout en soulignant lambivalence de nos rapports. Cet avatar pseudo manichéen caractérisait parfaitement son ambiguâ?té manifeste, sa nature trouble et révélait la dimension caractérielle de ma propre personnalité. Ce nom était aussi pour moi â limage de léquivoque des latitudes de mes attitudes, tantôt permissif et agaçant car aussi vrai que je haâ?ssais mes longues descentes vers mes humeurs les plus glauques, javais lair de ne rien faire pour les combattre, je semblais même les entretenir. En contre balance, jéprouvais pour ma personne énormément de haine, du dégoût face â linacceptable et répugnante image que javais de moi et qui minterdisait la compréhension de mes propres actes et dépravations pendant mes épisodes psychotiques. La déprime se conçoit plus facilement que la schizophrénie, les mensonges, les black-out qui paraissent trop dâ -propos et le toc des excuses qui sonnent creux. Tout ça formait une Alchimie morbide, empreinte de raisons et déraisons mêlées. Une panacée amère qui virait au vitriole.
Dans cette mélasse visqueuse et absconse, mes cogitations sembourbaient pitoyablement au cours des 4 premiers mois, la science qui maurait permis de comprendre les incohérences de ma personnalité restait encore obscure. Il suintait de ce marc de sentiments exacerbés lâ?lixir dune vie biaisée par une convulsive dualité, résister ou se résigner, Lutter ou se laisser glisser, se battre ou rendre lâme. Et dans cette réflexion circomplexe, de Caâ?n ou dAbel de qui intrinsèquement je me rapprochais ? Le criminel ou la victime ? Parfois remplis despoir ou vide de tout mes sens, en panne sèche, mes méditations hoquetaient et bégayaient. Je peinais alors â transcrire â travers des mots ces geysers de pensées, ce tumulte de sentiments fusants tous azimutes qui laissaient â la relecture un limon alambiqué qui pouvait être difficile â appréhender. Même si ça ne me permettait pas ou si peu datténuer le mal, cétait lécho de mon esprit torturé par ma conscience et qui criait sa rage de savoir toutes les souffrances que je tavais causées par mes actions les peines engendrées?
Dans le souvenir de tes yeux inondés de larmes, je me sentais monstre. Je balançais alors entre la colère et la honte, cétait dans cet état mixte que resurgissait le plus souvent le spectre de cette ? Haine-amie ? intime qui se matérialisait, qui dessinait ses contours vils et affilés, tranchant en blanc et en noir la palette de mes humeurs. Il marrivait parfois de lentrevoir, sans pour autant pouvoir lattraper et lui tordre le cou une bonne fois pour toute. Le fait même de la nommer, la sentir monter en moi, menvahir sans jamais parvenir â la contenir était très dur â supporter ou â concevoir. Comment dans ce cas pouvais-je espérer de la compréhension ou de la compassion des autres, de tous ceux qui ne vivaient pas intimement les duplicités de leurs propres sens, de leurs comportements qui peuvent prendre des aspects si extrêmes. Tout nétait alors que frustration, rage, culpabilité, dégoût de sois puis résignation. Autant de germes malins qui ensemençaient le terrain anormalement fertile de mon obsessionnel attrait â lauto destruction physique ou psychique. Un grain de folie furieuse que mon impuissance fustigeait.
Dans cette tourmente, sans réponses â apporter aux questions que tu me posais, que je me posais sans cesse machinalement dans ma tête, une hypothèse me paraissait impossible â écarter, tout tendait même vers elle. ? Je plongeais peut-être dans la folie en fait ?. Elle avait probablement un peu de cela la folie. Etait-elle peut-être le résultat dun esprit constamment soumis â des forces divergentes qui finiraient â la longue par scinder les rapports entre lintérieure et le monde autours. Cela serait alors comparable â se retrouver submergé par des lames démotions, en bataillant tant bien que mal sous des déferlantes de sentiments incontrôlés et contradictoires. Je suppose quon finirait par perdre toute coordination dans nos actes, on boirait la tasse, se noierait dans le délire.
Comment ne pas léviter dailleurs en se retrouvant soudain ou progressivement incapable de faire entre le faisable et linconcevable le moindre discernement. Bateau fou pris dans la tempête de nos illusions, on deviendrait totalement inapte â garder une gouverne suffisamment assurée sur locéan de la réalité. Pourrait-on alors sexpliquer ou expliquer une telle détresse ? Comprendre pourquoi les sons, les mots, les lumières auraient subitement changé ? Et dans cette déroute ne pas partir en vrille ? Perdre le contrôle ? Alors que certains se cramponneraient pour tenter de garder le cap, dautres se laisseraient dériver pour finir par sabîmer contre la réalité capitonnée des principes du monde qui nous régit.
Quand la raison des autres nous renvoi â la face lécho de notre irrationalité, se sentant marginalisé, il ne resterait alors pour seul salut, telle une bouée de sauvetage quâ saccrocher â sa démence pour tout de même subsister. Pour trouver malgré tout dans son illogisme un espace dabandon.
Certains se réfugient dans lalcool, la drogue pour anesthésier avec des ivresses chimériques la violence des batailles intimes. Les folies seraient alors autant dîlots dinconsciences où il règnerait ses propres règles dialectiques, on y parlerait des jargons obscurs aux profanes, on trouverait du sens la où personne nen voit, sentirait des couleurs dont personne ne percevrait les saveurs. La psychiatrie et ses institutions leurs donnent peut-être des noms, définissent des symptômes et des échelles, les malades eux ny verraient probablement que des logiques de survies. Qui sait ? Ou bien je devenais bel et bien fou punis davoir abusé sans retenue.