De la complémentarité du rôle de psychiatre â celui de lami
1/01/2009
Témoignages > Information-Psychoéducation-Découverte du diagnostic
Quand un psychiatre s’adresse â son patient, il le considère comme un sujet de recherche. Certes, il souhaite le guérir et le ramener â une vie normale. Toutefois, son approche ne se limite pas â l’aide qu’il apporte â cette personne. Il désire en outre, accumuler des données sur les hommes en général, afin d’élargir ses connaissances. Il y a donc ici un intérêt propre au professionnel qui peut induire des séances â l’infini pour le patient. Surtout si ce dernier a un profil bipolaire, le cas se révélant alors éminemment intéressant selon les propres dires du célèbre psychiatre et écrivain Irvin Yalom.
A l’inverse de cette approche, un ami peut faire littéralement don de sa propre personne. Je veux dire par lâ qu’il n’a pas d’intérêt autre que celui d’aider son ami sans aucune contre partie.
Lorsqu’un homme vient chercher une solution auprès de cet ami ce dernier ne mène pas une étude. Il est émotionnellement impliqué en tout ce qui le concerne.
Si cet ami a besoin d’une aspirine pour guérir, son ami lui dira d’aller â la pharmacie et de l’acheter. Ce qui est valable pour ce médicament l’est également pour un régulateur de l’humeur â l’instar du lithium ou du dépakote.
Il n’essayera pas d’échanger ce médicament contre quelque chose d’autre et si son ami a besoin d’un psychiatre pour guérir il ne cherchera pas â prendre le rôle du psychiatre, que son ami doit consulter pour la guérison.
Mais il lui conseillera le meilleur spécialiste, l’encouragera â le consulter pour définir le diagnostic le plus précis, il partagera ses expériences si il a affronté des épreuves semblables, lui fera partager ses connaissances au travers de ses lectures, l’encouragera â avoir une bonne hygiène de vie et sera pour lui une source de réconfort moral.
Cela pourrait se faire notamment en invitant son ami â des sorties organisées où de nouveaux liens amicaux et interculturels l’enrichiront, â la découverte de méthodes de relaxation, et â des échanges libres autours de sujets partagés ou de moment vécus.
Il semble évident que l’action de cet ami n’entre en rien en conflit avec le rôle du médecin ou du laboratoire.
Bien au contraire, ainsi perçue, elle devient un complément indéniable de stabilité dans l’existence du cyclothymique ou bipolaire.
Par ailleurs, il est â souligner que le simple fait de savoir qu’il n’est plus le seul â souffrir d’un tempérament difficile où même d’une fragilité récurrente mais que d’autres visages en apparence si différents au sien sont en attente d’un équilibre et se soutiennent pour l’atteindre est pour ma part la pierre d’angle d’un nouvel édifice.
Si j’ai contribué par ma présence â l’élaboration du Projet Philadelphia c’est en raison d’un sentiment partagé avec M. Régis BLAIN.
Sentiment de frustration face â la non reconnaissance et au déni profond du monde social mais aussi parfois familiale face aux troubles de l’humeur.
Nos réunions actuelles sont le lieu unique où celui qui amène son lot de peines vécues voit son passé douloureux se transformer dans le regard de l’autre en reconnaissance. Et l’on arrive ainsi chaque jour â une métamorphose impossible ailleurs : Nos douleurs et de notre honte d’hier se muent naturellement en une source vive et actuelle d’expériences pour son ami.
Et cela aucun psychiatre, le meilleur soit il n’est en mesure de le faire aussi facilement et rapidement.
Nous arrivons enfin â rire de nos états passés, chose impensable ailleurs !
Je ne suis pour ma part qu’une jeune femme sans prétention, ma connaissance de la cyclothymie et de la bipolarité est celle d’un vécu traumatisant que plus de deux pourcents de la population partage de façon plus ou moins légère et cachée.
Je sais pourtant que face â un problème il peut y avoir de nombreuses solutions, plus ou moins douloureuses et parfois complémentaires.
La cyclothymie est un tempérament complexe, un shadow syndrom qui a sans doute besoin de nombreux garde-fous – vous me pardonnerez l’expression mais je la trouve plein d’humour.
Aujourd’hui comme toujours la nouveauté fait peur.
Une approche nouvelle suscite toujours une certaine froideur, une méfiance aussi bien du côté des malades déjâ fragiles que de leurs entourages souvent très fatigués de situations cycliques sans issues apparentes.
Elle réclame aussi une volonté courageuse empreinte de créativité et sous entend une humilité des professionnels de la santé mentale pour reconnaître le bien fondé de notre action.
Agir n’est jamais simple.
Les mentalités évoluent lentement.
La société n’aime pas toujours les individus qui la compose et elle se bande les yeux ou détourne la tête â ce qui ne la glorifie pas.
Voilâ pourquoi et en quoi consiste l’absolue nécessité du projet.
Le Philadelphia Project c’est faire en sorte que des gens isolés parce que souffrants puissent enfin entrevoir la possibilité de se lier d’amitié, de retrouver par lâ même une dignité au sein d’une relation égalitaire et â travers elle entrevoir la possibilité de mieux vivre leur cyclothymie.
A l’heure actuelle s’ajoutent â nos rendez vous mensuels une offre gracieuse d’un accueil chaleureux du Docteur Elie HANTOUCHE.
Ses conseils avisés et â la pointe du progrès médical au Centre du CTAH ainsi que les réponses des différents spécialistes et psychologues de son équipe sont un geste généreux et novateur.
J’ai bon espoir que très prochainement nous récolterons des progrès inespérés de cette collaboration amicale et studieuse.
Cordialement.
Emilie - Membre de
Philadelphia Project