01 : Comment être bipolaire aujourdʼhui
31/12/2007
Auteur : Dr Hantouche
Témoignages > Bipolarité > La vie bipolaire de Melle M
Je suis du bon pôle, merci. ?
A ce moment-lâ , épargnez vous la question piège : ? Et toi ? ?
Soit vous risquez de vous retrouver face â quelqu’un qui ne demande qu’â s’épancher, soit vous allez devoir faire un effort incommensurable pour suivre votre interlocuteur. On peut faire ce constat en parcourant les discussions virtuelles des atteints. Il existe aussi ceux qui ne comprennent pas que ce serait injuste si seuls les membres de notre secte avaient la capacité d’être des génies. Certains intervenants vous diront qu’ils sont dans un état mixte, ce qui peut se comparer â une expression populaire faisant référence â une partie anatomique du corps que l’on peut approximativement situer â mi chemin entre les pieds et la tête, appelé vulgairement : cul. Insérez ce mot dans une phrase consacrée et vous obtiendrez : ? Avoir le cul entre deux chaises ?, position très inconfortable qui demande une propension â l’équilibre, jamais égalée sans un minimum de souffrance.
Il se peut qu’une chaise bascule et c’est â terre que votre postérieur atterrit entraînant avec lui tout le reste du corps tel une masse qui s’effondre sur elle-même. A ce moment-lâ , on se souvient d’une phrase prononcée en d’autres circonstances plus humoristiques : ? On ne peut pas tomber plus bas ? et c’est une image fort bien choisie pour un dépressif car se présentent quatre positions essentielles : être couché sur le dos, sur le ventre, côté flanc droit, côté flanc gauche. Peu d’options s’offrent â vous pour varier sur le même thème comme s’assoir et fixer le mur face â vous ou rassembler le peu d’énergie qu’il vous reste afin d’aller satisfaire vos besoins naturels â moins que votre kit de survie du dépressif prévoit des couches très absorbantes mais pas assez pour éponger votre douleur. Il y a toujours de bonnes âmes qui, pour se déculpabiliser, commencent par essayer de jouer au curé qui vous confesse, puis qui se lasse et vous offre la phrase magique la plus redoutable : ? Bouge ! ?. Il y a quelques secondes vous pensiez déjâ â votre trépas, â présent vous l’imaginez sans transition dans sa propre tombe.
Dans un autre cas de figure, on assiste â l’ascension de la personne sur l’une des chaises comme si elle aller gravir le Mont Everest sans autre équipement que l’euphorie. On peut dire sans exagérer qu’elle est passée du côté du pôle sud, aux environs du tropique du Capricorne où il fait bon y vivre, si bon qu’on en oublie sa raison ou bien qu’on est tout dévoué â la (ré)création qui s’étend de l’art â des positions hédonistes sans pareilles. Lorsque le temps devient plus maussade, on assiste â des ouragans voir des séismes de magnitude jamais atteinte. Face â la fastidieuse aventure de faire la queue â l’administration derrière un guichet qui n’aura d’autre plaisir indicible que de fermer lors de votre tour, autant le quidam se fera une raison et poursuivra son épopée dans une autre file d’attente, autant le maniaque vous enflammera la salle en injures sans fins et des grands gestes qui traduisent des pensées peu recommandables â un enfant innocent.
Le jeu des chaises tournantes est très attrayant du point de vue extérieur car on peut aussi observer ceux qui passent de l’une â l’autre, cherchant désespérément l’équateur et s’y poser tel un bourlingueur qui veut mettre fin â ses tours du monde sources de tournis. Une personne profane définit ce va et vient comme un caractère lunatique, ce qui n’est pas sans rappeler la fameuse lune entre deux chaises. Ce â quoi les spécialistes vous annonce que non seulement vous êtes ? bi ? et que ce sera dur de faire votre comeback mais qu’en plus vous êtes ? cyclo ? et c’est alors que pendant des semaines voir de mois, vous ne cesserez de chercher la relation entre ? bi ? et ? cyclo ? pour finalement aboutir â la conclusion lamentable que vous avez deux roues.
Ainsi se décline la météo du monde d’un bipolaire