Bonheur et Optimisme selon Seligman
28/04/2014
Auteur : M Trybou
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Traitements
Cette façon de raisonner se développe à partir de lʼâge de 7 ans. Les parents et enseignants jouent un rôle essentiel dans la construction des façons de penser de lʼenfant. Lʼenfant entend ses parents parler et interpréter le monde, il reçoit des critiques quand il échoue, il vit des traumatismes passagers ou durables. Il se rend alors compte si ses actions ont une influence sur le monde ou pas.
Lʼoptimisme consiste à considérer que la probabilité de survenue dʼéléments positifs est supérieure à celle de la survenue dʼéléments négatifs. Il repose sur la façon dont les gens sʼexpliquent ce qui leur arrive. Il sʼavère que les gens qui sʼexpliquent les choses selon leur capacité interne (« je mʼestime capable ») ont un meilleur accès au bien être. Ses travaux sur lʼoptimisme ont permis de dégager certaines idées :
Sont plus enclins au pessimisme les individus qui attribuent leurs échecs à des causes internes et stables (« jʼai toujours été mauvais en géographie») et globales (« je suis nul pour apprendre »), et leurs réussites à des facteurs instables et spécifiques (« Jʼai eu du bol ce jour là »).
Sont plus enclins à lʼoptimisme les individus qui attribuent leurs échecs à des facteurs instables (« je nʼétais pas bien réveillé ») et spécifiques (« Je nʼai pas beaucoup travaillé lʼanglais »), et leurs succès à des facteurs stables et globaux (« Je suis compétent »). Ils considèrent toute situation difficile comme un défi à relever, une incitation à se surpasser.
Les soucis de la vie tombent autant sur les optimistes que les pessimistes, mais là où le pessimiste va baisser les bras et sombrer dans la dépression, lʼoptimiste se relève et part à lʼattaque. Comme on le voit, la confiance en ses ressources est un facteur vital pour se motiver et sʼengager dans lʼaction, ou rebondir après un échec. On rejoint Bandura : la croyance dans le pouvoir de produire des résultats par nos propres ressources. Pour Seligman, « être doué » nʼexiste pas : à Q.I. égal, les personnes optimistes réussissent mieux dans leur vie que les pessimistes. Leur mode de pensée les protège, leur permet dʼavancer, de démultiplier les initiatives et, à terme, réussir. « Les pessimistes ne réalisent pas leur potentiel. (…) Cʼest lʼindividu au mode dʼexplication le plus optimiste qui gagne, et ce parce quʼil sʼacharne généralement plus que les autres, surtout face à un défi ou à la suite dʼune défaite ».
Seligman montre la portée de sa théorie de lʼimpuissance acquise et le lʼimpact de ce ressenti sur le système immunitaire en citant les travaux de sa collègue Madelon Visintainer : « Elle divisa un ensemble de rats en 3 groupes : au premier elle administrait des chocs électriques de faible intensité auxquels ils pouvaient se soustraire, au deuxième des chocs équivalents mais auxquels ils ne pouvaient échapper, quand au troisième groupe, il nʼen recevait pas du tout. La veille du début de lʼexpérience, elle avait pris soin dʼimplanter quelques cellules de sarcome à chacun des rats. Notons que, si elles se développent sans être neutralisées par le système immunitaire, les tumeurs de ce type tuent inéluctablement. (…) Au bout dʼun mois, la moitié des rats du groupe témoin était morte et les autres avaient neutralisé la tumeur : résultat escompté. 70% des rats qui pouvaient arrêter le choc électrique en appuyant sur une barre sʼétaient eux aussi débarrassés de la tumeur. Par contre, cette proportion nʼétait que de 27% parmi les rats privés dʼinfluence sur le choc électrique ».
Les pratiquants dʼune religion dépriment moins que les gens qui vont peu ou pas du tout à lʼéglise car « les différentes religions donnent la conviction que le monde est meilleur quʼil nʼy paraît. Elles rendent supportable lʼéchec de lʼindividu en le situant dans un contexte large dʼespoir qui se porte soit sur la perspective concrète dʼune vie après la mort, soit de lʼidée abstraite de faire partie dʼun dessein divin ou tout simplement de la continuité de lʼévolution ». On peut réduire le pessimisme et entrainer son optimisme par la pratique de la thérapie cognitive classique (Aaron Beck) : douter de nos habitudes de penser trop automatiques, les réfuter en leur demandant des preuves, les contrebalancer par du réalisme, dʼautres alternatives possibles, « on adopte le rôle du détective en sʼinterrogeant sur le fondement dʼun telle interprétation », et on va passer à lʼattaque en cherchant tous les moyens dont on dispose pour modifier la situation la prochaine fois, ou comme Seligman dit « rabattre le caquet » à notre cerveau.
Exemple cité par Seligman : « Je me suis inscrite il y a peu à des cours du soir en vue dʼobtenir une licence. Jʼai été très déçue par mes résultats aux premiers examens. Quelle honte ! Jʼai eu sans doute les plus mauvais résultats de toute la classe. Il faut voir la réalité en face : je manque dʼintelligence.(…) Au moment de mʼinscrire, je me berçais dʼillusions -> Doucement ! Jʼespérais obtenir une note de 17 ou 18 alors que je nʼai eu que 14. Cʼest quand même un résultat respectable (…). Mon résultat quelque peu décevant sʼexplique plutôt par mes nombreuses responsabilités, professionnelles, familiales et autres, qui mʼempêchent de me consacrer entièrement à mes études. Maintenant je connais les domaines quʼil me faut travailler plus à fond ».
A propos de lʼavenir de notre monde
A la fin de son livre fondateur de la psychologie positive « La Force de lʼOptimisme », Seligman quitte son axe de départ et part dans une réflexion assez sombre sur lʼavenir de notre monde. « Pourquoi une telle épidémie de dépression dans les pays industrialisés ? » Pour lui lʼessor du moi (égocentrisme, volonté de plaisir, refus des contraintes et de la souffrance, publicité omniprésente qui renforce la volonté de jouir sans cesse et remet toute satisfaction en cause avec sans cesse un nouvel objet à posséder), la perte du sens de ce que nous faisons, et la perte du sentiment dʼappartenance à un pays ou à un idéal (il nʼy a plus ni nation, ni Dieu, ni famille ni idéal : nous ne pouvons que nous reposer sur nous mêmes) : « On se dit : étant seul maitre à bord, je ne peux attribuer mes problèmes à personne dʼautre. (…) La défaite personnelle prend dʼemblée les proportions dʼune catastrophe ». Il nʼest donc pas étonnant de voir lʼémergence de fondamentalismes religieux pour compenser.
Seligman doute de la capacité de lʼhumanité à quitter lʼindividualisme et la jouissance effrénée. Il pense que cette idée ne sera pas mise en route. Pas plus quʼil doute que ses théories ne puissent sauver lʼhumanité : elles ne toucheront que ceux qui ont fait lʼeffort de se plonger dans la lecture de son livre. Alors il mise sur une dernière optique : « Par pur égoïsme, par désir dʼamélioration, il déciderait de réduire sa propre importance afin dʼéviter la dépression et le sentiment de vide. Il sʼagirait alors de garder la préoccupation de soi tout en diminuant lʼobsession du bien être immédiat qui en découle si souvent ». En gros, lʼhomme va se sentir un jour bloqué, et se sentira obligé de modifier sa façon de faire, par pure adaptation comme il lʼa toujours fait. Et alors, peut être se saisira-tʼil de ce que la psychologie positive propose.
Références
