Le manque de stabilisation
10/12/2014
Témoignages > Se soigner
Les constantes de mon tempérament instable
Même si mon tempérament est de nature instable, il présente quand même des constantes qui définissent ma nature affective depuis mon enfance. De tout temps à jamais, cʼest à dire du plus loin que je me souvienne, jʼai toujours été une enfant puis une adolescente et enfin une femme adulte assez frondeuse, en recherche de démarcation, voulant tracer sa propre voie et mener une existence intense avec son lot de défis à relever. Les situations dʼurgence, à haute tension, mʼont toujours considérablement stimulée au contraire des ronrons bien huilés, des lenteurs, des quotidiens, des routines qui mʼennuient et me font souvent décrocher. Jʼai toujours recherché les responsabilités, la prise dʼinitiative. Les évidences, quant à elles, tout comme les apparences, mʼont toujours ennuyée. Lʼadrénaline, lʼapprofondissement, la recherche de solutions/idées alternatives ou neuves et lʼanticipation ont toujours été des moteurs ou des sources importantes de stimulation. Cʼest grâce à elles que je me suis toujours sentie vivante dans ce monde. Les voies toutes tracées mʼindiffèrent trop souvent. Jʼai toujours eu besoin dʼindépendance et dʼautonomie. En cela, lʼécole, une fois devenue quasi adulte, puis lʼuniversité ou encore mes relations familiales ont été vécues avec difficulté et mʼont souvent fait me sentir ralentie, obstruée, empêchée, freinée plutôt que le contraire , cʼest à dire encouragée et stimulée pour ma réalisation personnelle et mon épanouissement. Ce qui a eu comme conséquence un décrochage scolaire puis étudiant et beaucoup de dissimulation en famille.
A lʼécole primaire puis au collège, déjà, jʼétais une élève plutôt compétitive qui montrait sans ambiguïté sa volonté de gagner et dʼêtre la première mais pas uniquement. Jʼaimais le principe de repousser mes limites et de pousser ma pensée toujours plus loin.
Physiquement, pour lʼexemple, je me retrouvais, avec un gabarit pas à mon avantage (petite et fine) en compétition avec des jeunes femmes athlétiques en finale des courses de cross ou des paliers, pourtant à bout mais avec le mental adéquat grâce auquel je me suis souvent retrouvée en situation de remporter les épreuves. Cette façon dʼêtre nʼa jamais tellement encouragé lʼétablissement de liens empathiques, calmes avec mes congénères et en particulier avec les plus tranquilles dʼentre eux. Je nʼai jamais été une personne reposante pour mon entourage amical, sans cesse en quête de complexité, de challenges, de régler les comptes, etc. Je nʼavais pas cette insouciance dont faisaient preuve une grande partie des enfants ou jeunes adultes de mon âge. De plus, très entière, je nʼétais pas dotée dʼun sens du compromis ou de la demi-mesure. Jʼoptais souvent pour des positionnements tranchés et sans trop de nuances, ce qui avait pour effet parfois dʼeffrayer mes camarades. Je passais volontiers pour une personne à la volonté de fer qui avait beaucoup de capacités scolaires et qui était dans le rang. Et pourtant, jʼétais aussi une petite et une jeune fille très sensible et émotive.
Aussi, cʼest dans lʼinterdit que ma nature euphorique sʼest épanouie, ou dans les transgressions à partir de lʼâge de 15 ans. Je pense notamment aux excès de vitesse en scooter, à la consommation de cannabis, au vol dʼargent dans le portefeuille de mon père, au rejet des règles scolaires ou plutôt dʼun système éducatif que jʼavais déclaré déficient et trop lent pour moi. Le fait de me situer dans lʼopposition et ce de manière de plus en plus officielle (absentéisme ) me donnait lʼimpression en faisant front de parvenir à mʼimposer et mʼoffrait lʼopportunité de me donner le droit dʼimposer qui jʼétais ou pour le moins ce que je ressentais.
Jʼécoutais la musique extrêmement fort et ressentais le besoin de marcher, de ne pas rester en place dans ces moments-là. Et mes rêves, mes excitations explosaient en fanfare dans mon esprit qui se grisait dans lʼexcès, la désinhibition et surtout le grandiose. Je parlais très fort et très vite, supplantant mes interlocuteurs en analyses éclair et en considérations sur tel ou tel sujet. Mon assurance avait tendance à impressionner mes amis plus quʼà me rendre réellement sympathique. Ils venaient me demander mon avis sur leurs problèmes ou mon opinion sur des actualités. Je me montrais très avenante et sociable et préférais fréquenter des adultes. Je jouais souvent comme un rôle de « coach » et souvent de leader avec mes amis. Il est vrai que finalement, mes relations nʼétaient pas symétriques et que jʼaffectionnais avoir une forme de contrôle et de pouvoir sur mes amis. Ou alors jʼappréciais de fréquenter des individus très libres et affirmés dont je faisais facilement des acolytes. Je me couchais fort tard, écoutant de la musique jusque tard dans la nuit. Je ne me sentais en rien fatiguée physiquement. Hormis concernant lʼheure des repas, mes rythmes sociaux ont donc été perturbés à partir de cette période-là.
Malheureusement, cette habitude dʼévoluer en marge à un rythme indompté et de manière libre a fini par avoir des conséquences néfastes sur mon moral. Ce qui ne va plus du tout, cʼest que les longs moments de banalité inévitables de ma vie mʼennuient de plus en plus. Je décroche un peu plus du réel et poursuis la stimulation dans ma bulle, via lʼimaginaire et les émulations cinématographiques, littéraires. Je deviens de plus en mélomane, je mʼenvole. Cette façon de vivre mʼéloigne de la vie pratique, je deviens de plus en plus apragmatique. Le besoin impérieux de se vivre intensément et librement au quotidien en tuant le train-train et en ignorant mes obligations me font faire lʼimpasse sur les objectifs que tout adolescent de 18 ans doit avoir pour rentrer dans lʼâge adulte, étudier et travailler. Mes objectifs ne sont pas réalistes ni réellement réfléchis, cʼest ce quʼils me permettent dʼêtre et de ressentir en pensant qui me motivent. Donc cʼest lʼexcitation qui devient lʼessence nécessaire à mon moteur personnel pour pouvoir me lancer, approfondir, me projeter. Ce besoin me rend facilement distraite par tout ce qui attire mon attention et mʼexcite dans le réel sur le moment comme certaines rencontres. Ainsi dès la première année universitaire, je me sur investis dans la vie des autres, dʼamies dépendantes qui mʼappellent toute la nuit pour me parler. Je fume alors de plus en plus de cigarettes, après avoir arrêté rapidement le cannabis à 17 ans.
Ma bipolarité nʼest quʼune caricature de mon tempérament
Et cʼest ainsi que sera rythmée ma vie entre 2003 et 2009, déchirée entre des périodes dʼhyperactivité mentale et physique durent lesquelles jʼaccumule les connaissances, les expériences, de grands projets souvent en lien avec lʼétranger, des émulations amoureuses souvent très passionnelles et des moments de grande détresse durant lesquels je ne me lève plus, pleure dans heures dans mon lit jusquʼà hurler de douleur, ne mange plus, oublie de boire, vis dans un désordre sans nom, totalement aboulique et sans plus dʼobjectif ni de lumière devant moi. Ces temps tombent très vite et dʼun coup comme une énorme lame. Ils sont secs et tranchants. Sans appel. Le pire étant la dissimulation. Malgré le fait que je sois à bout, endettée, épuisée, anorexique, isolée, dépressive, je cache mon état et la situation à ma famille. Seules mes amies très proches savent. Je comprends aujourdʼhui quʼen fait jʼétais dans un tel état que jʼaurais du me faire hospitaliser.
Le plus dur étant que quand je suis dans ces périodes hautes, jʼai lʼimpression de donner le meilleur de moi, dʼêtre dans le juste et le vrai, dʼêtre méritante. Je me vois courageuse et non pas aventureuse ou irresponsable. Je dépense un argent que je nʼai pas en me persuadant quʼun simple petit travail, dʼun ou deux mois, me paiera de la haute-couture ou des excès en tout genre. Pourtant, je suis fatiguée et je décroche du prosaïque qui mʼennuie. Trouver un travail temporaire ne me stimule pas, je ne parviens pas à faire remonter ma motivation qui est au plus bas. Parfois coupable, parfois accusatrice, je passe dʼétats anxiogènes intenses pendant lesquels je mʼaccule de honte, de reproches et ne vois plus que la fin à des états vengeurs pendant lesquels cʼest de la faute de tout le monde. Je me débats contre moi-même puis contre les autres. Tout le monde est coupable et passe à la barre.
Jʼaccumule les aventures sentimentales sans lendemain. Je ne suis pas dans le lâcher-prise avec les hommes, je suis à la fois assurée et réservée parce que je ne veux pas lâcher le pouvoir. Je suis aussi méfiante, jʼai peur au fond de moi. Jʼaccepte les relations passionnelles sans suite, jʼaime impressionner les hommes en leur parlant de mes passions, de mes points de vue, de mon expérience humanitaire. Je séduis assez fougueusement, je nʼhésite pas à faire le premier pas, à me montrer très entreprenante. De gentils jeux sʼinstallent, pleins espiègleries et dʼexcitants échanges de lames. Mais mon attitude distante et ma tendance à fuir les fait tous partir ventre à terre, ils ont peur dʼêtre blessés et de se faire mener par le bout du nez. Paradoxalement, jʼai désespérément besoin de temps, que le voile se lève sur ces moments trop intenses qui ne permettent pas de vraies mises à nue.
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