Angoisse, spasmophilie, timidité, mutisme, panique, TOC : mosaïque bipolaire atypique
26/02/2012
Témoignages > Cyclothymie
Mon histoire
J’ai 22 ans. Il aura fallu des mois de discussions et de négociations avec mon entourage et le corps médical pour que j’accepte (quoique, je n’en suis pas encore complètement encore convaincue) de qualifier ce mal-être (j’ai dis mal être ?) cet état qui me pourrit la vie (voilà qui me semble plus adapté) de « Trouble Panique ».
Pour commencer par le commencement, depuis ma plus tendre enfance, en tout les cas, d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu peur du noir, je n’ai jamais pu dormir seule dans une chambre, je me suis toujours rongée les ongles jusqu’au sang (que c’est laid ! Heureusement que les faux ongles existent) j’étais terriblement timide en société et très agitée à la maison. Mais surtout, j’ai toujours été fourrée dans les jupes de ma mère...
Je me rappelle qu’on a déménagé plusieurs fois (avec une quinzaine de nourrices) et que mon père était souvent absent. Mon frère, mon aîné de 6 ans, est tombé gravement malade. A l’âge de 3 ans, j’ai subi des expériences répétées de maltraitance avec séquestration dans une pièce obscure par une nourrice malveillante. A l’âge de 13 ans, je suis tombée amoureuse d’un adolescent qui m’a frappée et maltraitée pendant un an.
Jusquʼà 14 ans, j’étais dans un état de quasi mutisme et d’inhibition uniquement en famille (notamment en présence de ses parents). J’étais une grande timide et je somatisais sous multiples formes.
A l’âge de 14 ans, je faisais des crises de tétanie et de spasmophilie à raison de 2 ou 3 par jour, comme si cette rage que j’avais en moi sortait soudain de manière démesurée, incontrôlable… Me voilà sous antidépresseurs, ce qui, entre vous et moi, n’y fait absolument rien car qui était efficace, c’était le Lexomil que je prenais en grande quantité et qui me rendaient complètement « stone ». Etait-ce une solution ? Non, ça cachait juste l’état dans lequel je me trouvais sans pour autant me soigner.
Jusqu’au jour où ça s’est calmé et où les TOC sont arrivés. Comment ont-ils commencé ? Je ne saurais vous le dire, une chose est sûre, je me souviens être allée voir un psychiatre, et lui avoir dit « Soit vous me mettez sous cachets, soit vous m’internez, soit je mets fin à tout cela par mes propres moyens ». Moi qui étais devenue « anti-cachets » suite à mon expérience à 14 ans, c’est que ça allait vraiment mal !
Rendez-vous compte, je comptais dans ma tête, de 8 en 8 à longueur de journée, je souhaitais les pires choses à mon entourage, et culpabilisais du lever au coucher, pour moi il y avait une gentille et une méchante en moi, l’ange et le démon ! Me revoilà sous antidépresseurs qui une fois de plus n’y ont absolument rien fait ! Cà a duré plus de
2 ans et croyez moi c’est long, jusqu’à une rupture amoureuse et du jour au lendemain plus aucune pensée intrusive. J’avais sans doute autre chose à penser car je suis rentrée dans un chagrin affectif pendant plusieurs mois. Petit à petit tout est rentré dans l’ordre, j’ai rencontré la personne avec qui je vis actuellement et tout allait pour le mieux, mis à part les problèmes de la vie quotidienne que vous pourrez lire dans le compte rendu de ma vie (ci-joint).
Jusqu’au mois de juillet dernier, alors que j’étais en vacances à l’étranger, j’ai fait un malaise suivi d’une crise de spasmophilie… Quand mon corps s’est mis à trembler, chose que je n’avais pas ressentie depuis des années, j’ai vite compris que c’était reparti pour un tour, mais ce tour là m’a vite semblé plus insurmontable que les précédents... Je n’ai plus mangé pendant une longue semaine, avec la conviction que ma mort était proche, j’avais des douleurs terribles au niveau du coeur, comme si celui-ci foutait le camps, j’étais dans un état semi conscient, je disais adieu à mon compagnon chaque soir en lui disant que cette fois-ci je ne me réveillerai pas, j’étais alitée toute la journée.
On m’a hospitalisé pour me faire tous les examens possibles et ils m’ont dit « Mademoiselle, vous êtes angoissée ». J’ai fait des électrocardiogrammes, je pensais que leurs machines étaient défectueuses et qu’il fallait que je rentre en France de toute urgence pour que l’on m’annonce la maladie grave dont j’étais persuadé d’être atteinte... J’ai donc été rapatriée et rebelote, toute une batterie d’examens et on me parle encore d’angoisses, je pensais profondément que le corps médical était incompétent et que j’allais mourir incessamment sous peu, mais tout les jours je me réveillais… Je suis resté alitée tout le mois d’aout suivant.
Je me suis dépassée à un point dont je n’imaginais pas être capable en septembre pour reprendre mon activité scolaire...
Mes symptômes
Voici mes symptômes permanents
Et mes symptômes majeurs pendant une attaque
Voilà maintenant 7 mois que je vis ce calvaire, et je pense que le mot est faible car régulièrement de nouveaux « symptômes » se greffent à mon état. J’ai peur de me jeter du 7ème où j’habite, parfois j’ai l’impression que mon corps agit sans que je ne commande et de ne plus être moi tout en restant cohérente dans mes propos (on appelle cela « la dépersonnalisation ») et j’ai des migraines, accompagnées de nausées.
Un antiépileptique pour me soigner ?
Il y environ 3 semaines, j’ai fais un bilan clinique au CTAH où on m’a expliqué que tout cela vient de mon anxiété et que j’ai développé un « Trouble Panique avec éléments obsessionnels ». J’ai aussi compris que je suis résistante aux antidépresseurs (voir même capables d’aggraver mon trouble), et plutôt susceptible de réagir à un stabilisateur de l’humeur – un médicament qui agit sur le GABA (neurotransmetteur qui calme le cerveau émotionnel) ; il paraît que ça soigne aussi les épilepsies. Mes crises de panique sont-elles des équivalents de convulsions ?
Dans le passé, on m’a soignée avec du Seropram pour les crises d’angoisse (à l’époque je faisais 3 crises de tétanie par jour), Ca a duré un an et ça s’est transformé en TOC de pensées intrusives. Mon cerveau était assailli par des pensées comme s’il y avait une gentille et une mauvaise personne en moi, et ca disait ‘bien fait !’ dans ma tête quand j’entendais que quelqu’un était malade, ou ‘sors avec les copains de ton mec’ et la peur que ces pensées provoquent une catastrophe ». J’ai suivie une thérapie et en même temps on m’a prescrit du Zoloft qui aurait été inefficace. J’en ai parlé à ma mère pour qu’elle me rassure, pour être sûre que ce n’était pas mon vrai moi. J’ai aussi fait des pas en séries de 8, répété des actions pour effacer les pensées, fait répéter les autres (« bonne nuit, à demain »). Les TOC se sont arrêtés avec la dépression à 18 ans. Actuellement, j’ai encore des pensées intrusives mais je me dis que ce sont des idioties et ça passe. Il m’arrive parfois de croiser les orteils pour éviter une catastrophe ».
J’ai l’impression aujourd’hui de revoir le jour avec ce rayon de soleil qui commence à pointer le bout de son nez… Depuis maintenant une semaine, je prends cet antiépileptique, et bizarrement ou peut-être logiquement pour d’autres, je me sens plutôt bien même si je sais que pour combattre ce trouble panique, ce sera un travail sans relâche, mais pour la première fois depuis longtemps, j’ai de l’espoir…
Commentaire Dr Elie Hantouche
Les cas de Mlle M. évoque évidemment le diagnostic de Trouble Panique – Cependant la résistance aux antidépresseurs, la transformation des crises d’angoisse en obsessions sous traitement sérotoninergique, l’intensité et la richesse des symptômes, ont orienté le diagnostic vers une dépression mixte agitée avec un niveau élevé d’intensité affective.
Mlle M. a présenté 2 épisodes dépressifs caractérisés par de la tristesse, de l’anhédonie, un manque d’appétit, des insomnies, de la fatigue, des difficultés de concentration, de l’agitation mentale avec une surabondance des pensées, de l’irritabilité, des crises d’angoisse, une libido excessive. Ce qui évoque la mixité des épisodes dépressifs.
D’autres indices trouvés dans le tempérament de base comme une hypersensibilité et hyperréactivité émotionnelles (« pour des choses futiles »), une hypersensorialité tactile, hypersensibilité à la critique et au rejet, une tendance à l’impulsivité et à la colère, des automutilations à 13 ans (avec une aiguille), et des coups sur elle « pour me calmer ».
Ainsi le choix du valproate en monothérapie et à une dose modérée (500 mg) a été guidé par ces éléments et par sa capacité d’agir sur les attaques de panique. La réactivité rapide à ce traitement représente un argument supplémentaire sur la connexion anxio-bipolaire dans ce cas même si les indices typiques de bipolarité ne sont pas évidents.
Dernier indice de bipolarité, c’est le mélange de 3 anxiétés (panique, TOC, timidité, phobies…). Dans une étude clinique, mon ami, le Pr Perugi a bien montré que cette comorbidité anxieuse complexe était un témoin de trouble bipolaire de nature cyclothymique.
Attaques de Panique : est-ce de la cyclothymie ?
La cyclothymie n’existe pas ?