TRAMES-BP ou le diagnostic de la bipolarité
12/09/2010
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Spectre bipolaire : dépistage
Le constat
La maladie bipolaire est par définition assez complexe comme l’atteste la multitude des classifications proposées par les experts de ce trouble. S’il existe tant de classifications, c’est qu’on connaît peu des causes ou des mécanismes essentiels de la bipolarité.
Le fait est que la majorité des patients et des praticiens médecins se retrouve face à un "flou" magistral et se pose pas mal de questions sur bipolaire-info.
Comment j’aborde la question de la bipolarité dans la pratique ?
Je trouve que le mot "TRAMES" correspond bien à mon approche (elle ne s’applique pas à moi mais à tout le monde, notamment aux praticiens censés soigner les malades bipolaires)
Quelques définitions sur le mot "TRAME"
La TRAME-BP de CTAH-RECHERCHE
Pour établir mon diagnostic, jʼai besoin :
- Polarité, intensité et sévérité
- Mixité (épisodes purs typiques versus mixte)
(TRAMES-BP : une approche développée par le Dr Hantouche, tout usage doit faire la référence à cette source)
Et en plus, cette trame ne sera complète sans obtenir des renseignements sur :
lʼhistoire familiale (bipolarité, suicide, alcool).
Ce sont des "ingrédients" cliniques qui présument de la complexité et de la multitude des formes cliniques et des classifications possibles. En effet, plus on dispose de points, de fils, de paquets d’informations, plus le canevas est complexe, mais surtout "complet" pour décrire au plus près la nature des dérèglements affectifs.
Un peu de détails sur ces variables
Ainsi beaucoup de médecins attendent de voir les "vrais épisodes de manie ou d’hypomanie" pour porter le diagnostic et mettre le traitement qu’il faut. Mais dans ce cas, c’est quoi "un vrai épisode (hypo)maniaque" ?
- quel symptôme principal ou essentiel (hyperactivité / exaltation / euphorie ?)
- combien de symptômes faut-il observer (2, 3, 4 ou plus ?)
- quel score sur un questionnaire spécifique (7 ou plus sur MDQ, 10 ou plus sur la CLH-20, 14 ou plus sur la CLH-32 ?)
- quelle durée des symptômes (1, 2 à 3 jours, 4 jours ou plus ?)
- que faire des épisodes induits par les AD ? on les considère comme BP ou non ?
Bilan au CTAH
- Questionnaire de santé générale
- SCL-90, genre de check-list générale des symptômes (90 items) qui donne une idée sur l’ensemble des syndromes psychiatriques
- Questionnaire BP-Cyclo* (50 items) développé par Marie et moi-même
- Questionnaires d’Hypomanie : MDQ et HCL-32 (Angst)
- Questionnaire AIM mesurant l’Intensité Affective
- Questionnaire des 4 tempéraments : Hyperthymique, Dépressif, Cyclothymique et Irritable
- Questionnaire ATQ ou Tempérament de l’Adulte (de Rothbart et Evans) qui mesure les 4 dimensions : Affects Négatifs / Extraversion / Contrôle Exigeant de l’Effort / Sensibilité
* des analyses statistiques dérivant de l’ensemble des ces questionnaires permettront de valider ce nouveau questionnaire (BP-Cyclo-50)
Passons aux choses pratiques
Pour moi, le trouble "BP-I" (présence d’épisodes de Manie) ne pose pas de problèmes épineux pour son dépistage ou sa classification, quoique on peut toujours affiner la sémiologie en tenant compte par exemple des formes juvéniles, des manies mixtes ou dysphoriques, des cycles rapides, des manies délirantes, des formes circulaires (sans intervalles), des tempéraments (hyperthymie ou cyclothymique), comorbidité (abus d’alcool,...).
En revanche, le talent d’expert est dans la connaissance des formes où les indices de bipolarité sont moins intenses, flagrants ou typiques.
Voilà mes repères par ordre décroissant d’importance pour les cas dépressifs hors catégorie "BP-I" :
1. Traits cyclothymiques spontanés : BPII ou trouble cyclothymique
2. Hypomanie spontanée (en l’absence de 1) : BP-II
3. Hypomanie chronique (1 mois ou plus) qu’on désigne parfois BPI
4. (Hypo)manie exclusivement pharmacologique (absence de 1 et 2) : BP-III
5. Instabilité secondaire induite par des stimulants ou l’alcool (absence de 1, 2 et 3) : BPIII
6. Hyperthymie (absence de 1, 2 et 3) : BP-IV
7. Histoire familiale de bipolarité (absence de 1 à 6) : BP-V
Pour faire plus simple, en appliquant le critère "mode d’évolution",
- Formes épisodiques : grande partie de "BP-I" et environ 20% des BP-II, ce qui représente environ 10% de l’ensemble des dépressifs
- Formes avec instabilité persistante : BPII et 80% des BP-II, ce qui représente environ 30 à 40% des dépressifs
Pour les autres formes particulières, je garde les diagnostics ?"BP-III" (environ 5 à 6% des dépressifs), "BP-IV" (environ 3 à 4%) et "BP-V" (assez rares dans ma consultation ; toutefois, en cas de présence d’une histoire familiale bipolaire chez des patients n’ayant jamais présenté de signes bipolaires, on observe une incidence plus élevée de conduites suicidaires, de troubles anxieux et des troubles d’abus de substance).
Pour plus de détails, le site ctah.eu / ctah.org propose aux internautes pleins de documents sur le spectre bipolaire, les troubles BP-II, BP-III et BP-IV, la cyclothymie et les classifications de la bipolarité.
Ce post a été rédigé à la demande des administrateurs du forum Bipolaire-Info.
questionnaires de diagnostique
Définition et utilité du spectre bipolaire selon Hagop Akiskal
Spectre de lʼHumeur de Cassano et Frank