Cet article explique les différentes obsessions impulsives, agressives et/ou sexuelles que l’on rencontre le plus souvent dans les TOC, la Phobie Sociale et les troubles bipolaires.
Il n’est pas rare de rencontrer des patients souffrant d’images ou de phrases agressives qui reviennent en boucle toute la journée. Il est alors important de ne pas se tromper dans le diagnostic (et donc dans le traitement et la thérapie qui vont suivre), les psychiatres et psychologues ayant trop tendance à cataloguer "psychotique" ou "schizophrène" ce type de symptômes.
Ces intrusions sont très classiques dans les TOC :
peur de hurler malgré soi dans un lieu public et d’être pris pour un fou, ce qui entraîne de l’angoisse et des rituels pour se rassurer ("Personne n’a l’air de me regarder ")
peur de devenir pédophile ou homosexuel (bombardement d’images d’enfants ou de personnes du même sexe, ou de prénoms) ce qui entraîne de l’angoisse et un rituel pour bloquer ces images ou les remplacer par des images plus saines ou sans danger,
peur de faire du mal (images de scènes violentes qui surviennent, scénarios dans le futur), avec une montée d’angoisse et des tentatives de se rassurer (preuves que l’on n’est pas fou, vérifications des mains, tentatives de se souvenir, évitement des couteaux, ?)
peur de penser des blasphèmes (insultes répétitives sur la religion qui surviennent sans cesse), avec de l’angoisse et des prières pour annuler les insultes ou des répétitions de l’action jusqu’à ce que la pensée disparaisse,
images agressives (meurtre, accident) survenant spontanément, qui entraînent une angoisse et demandent un rituel du type "non je ne souhaite pas cela" ou "ce n’est pas moi qui pense cela".
Nous sommes dans des mécanismes classiques du TOC : l’image ou la pensée entraîne de la peur, elle est reconnue comme venant de l’imagination, elle est reconnue absurde, et la personne tente de la chasser, bloquer ou la remplacer. Rien de bien psychotique dans ce descriptif. La peur de faire du mal (phobies d’impulsion) ou de devenir pervers est décrit depuis de nombreuses décennies dans les ouvrages sur le TOC, et se soigne très bien par l’exposition en imagination pendant plusieurs minutes, puis en situation avec prévention de la réponse (ne pas ritualiser).
Ces intrusions peuvent aussi se retrouver chez les patients bipolaires (trouble cyclothymique) :
phénomènes ruminatoires de phrases, images, musiques survenant avant l’endormissement, dans une phase d’épuisement ou suite à un conflit, ?.
Images sexuelles ou agressives (viol, meurtre, ?) survenant spontanément sans tentative de les repousser (la personne est choquée, reconnaît que cela est choquant mais il n’y a pas de rituel).
Nous sommes dans des mécanismes d’excitation mentale appelés "hypomanie" ou "état mixte" que l’on retrouve très souvent chez les cyclothymiques lorsqu’ils sont excités, fatigués ou à fleur de peau. Le premier pas est le changement du traitement médicamenteux (augmentation des thymorégulateurs, du lithium) et l’apprentissage de l’hypostimulation (apprendre à moins faire, protéger le sommeil, éviter le bruit et le trop plein de stimulations).
Enfin, ces phénomènes se retrouvent aussi dans la Phobie Sociale :
Insultes ou images violentes qui surviennent spontanément, sans aucun rituel, de temps en temps (pas journalier), mais après un conflit ou une situation d’interaction sociale complexe.
Dans ce type d’intrusions, il est important de bien écarter un syndrome Gilles de la Tourette (insultes orales, tics moteurs des yeux, des épaules, des jambes, et manifestations mentales), un TOC (angoisse et rituels), ou de l’excitation mentale dans un trouble bipolaire. Dans la Phobie Sociale, l’idée est que ces images ou ces insultes se manifestent en raison du manque d’affirmation de soi, de la difficulté à dire ce qu’on a sur le coeur, à verbaliser son mécontentement, son sentiment d’injustice ou son refus. Exemples :
Noémie, 10 ans, a presque tous les soirs des images violentes qui arrivent â son esprit pendant quelques secondes, le plus souvent son père qui la tue, elle ou sa mère. Elle ressent une forte angoisse, se sent mal. Elle n’a aucun rituel pour annuler ses pensées mais on soupçonne un TOC naissant. Nous demandons à Noémie, quand elle a des images violentes, de ne pas les bloquer, ni les remplacer afin que son TOC ne s’aggrave pas, mais plutôt de les répéter, s’y confronter. Les images diminuent et disparaissent presque complètement, sauf 1 à 2 fois par mois... L’analyse du contexte montre que ces 1 à deux fois correspondent aux jours où le père a crié sur Noémie sans raison et sans lui donner le droit de lui répondre. Lors de la thérapie, nous avons demandé à Noémie d’écrire à son père à chaque fois que celui-ci la disputerait sans raison, et ce, avant d’aller au lit, une lettre de mise pour lui souligner l’injustice de la chose et ainsi se donner le droit de réponse qui lui est interdit. Les intrusions ont disparu d’elles mêmes suite à cette technique.
Cédric, 25 ans, a des insultes qui surviennent suite à des conflits lors desquels il n’a pas pu ou su comment défendre ses idées. Cela dure quelques jours puis s’estompe, pour revenir lors du prochain conflit ou non-dit.
L’idée est que l’accumulation de non-dits, le manque de verbalisation, entraînent une forme de "vidange" par le cerveau sous forme intrusive. Cela n’est pas étonnant déjà quand on voit les ruminations naturelles qu’une personne non malade a après un conflit (se refaire la discussion, parler tout seul, la colère qui remonte alors que cela fait des heures que le débat est clos). La thérapie se focalisera alors sur l’affirmation de soi (apprendre à répondre, à refuser, à donner son avis, empathie, ?), l’hypothèse étant que plus on sait se défendre et plus l’émotion sortira naturellement, moins on sait se défendre et plus le cerveau saturera sous l’accumulation des non-dits.