Dépression pure ou bipolaire : débusquer les hypomanies
15/10/2010
Auteur : M Trybou
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Hypomanie / Manie
La clé, pour nous experts des troubles bipolaires, est de rechercher la cyclothymie (oscillations permanentes de l’humeur, montagnes russes) et les hypomanies (phase d’excitation tranchant distinctement avec l’humeur normale).
Voici deux exemples de patients diagnostiqués NON BIPOLAIRES et qui se révèlent l’être. Dans les deux cas, l’hypomanie n’a pas été explorée par les médecins précédents. Nous avons souligné les éléments importants pour le diagnostic de troubles bipolaires. Dans les deux cas, on remarquera les antécédents dans la famille.
Premier cas
Les antidépresseurs provoquent des hypomanies claires, ou des hypomanies cachées (excitation de la pensée uniquement), ainsi que l’arrêt des antidépresseurs. En dépression, il y a une tension volcanique dans le corps (états mixtes) contrairement aux dépressions non bipolaires qui sont surtout des dépressions "vides".
Monsieur xxx décrit deux Episodes Dépressifs Majeurs (EDM).
Le premier serait survenu à l’âge de 30 ans : quand j’ai quitté l’Allemagne et suis arrivé en France, avec des problèmes affectifs, avec de fortes attaques de panique.
Cet EDM aurait duré 3 semaines et se serait résorbé avec un traitement antidépresseur et du Temesta, mais les attaques de panique ont continué.
Le second EDM serait survenu à l’âge de 37 ans, à l’arrêt des antidépresseurs : "J’ai arrêté mon traitement et j’ai eu une phase d’excitation pendant 3 mois sous Seresta seul, puis une rechute en dépression avec les attaques de panique qui ont suivi".
Monsieur xxxx est alors hospitalisé et on lui donne de l’Anafranil.
A l’âge de 45 ans, les crises d’angoisse reprennent, ce qui provoque une Dysthymie : "On m’a donné du Deroxat qui a permis que cet état ne dérape pas en dépression totale, cela a calmé les crises d’angoisse mais ce n’est pas satisfaisant sur le moral et cela traine depuis des années". Un essai de Prozac aurait rendu Monsieur xxxx "pile électrique pendant 24 heures". Un test de Depakote avec diminution du Deroxat n’aurait pas été satisfaisant.
Monsieur xxxx décrit dans chaque EDM une grande tristesse, de l’anhédonie, un mauvais appétit, une hypersomnie, un ralentissement, de la fatigue, des difficultés de concentration, une forte auto-dévalorisation, des idées noires, des états mixtes par phases. Les EDM sont accompagnés d’irritabilité, de crises d’angoisse, d’isolement, de violence verbale, et de dépenses d’argent. Aucune tentative de suicide n’est trouvée.
Une phase d’hypomanie sans Seresta aurait duré 3 mois à 37 ans avec euphorie, diminution du besoin de sommeil, tachypsychie, augmentation du débit de parole, plus grande confiance en soi, hyperactivité, augmentation des projets, perte de poids et suractivité sportive, prise d’alcool, augmentation de la libido, baisse de l’appétit.
Monsieur xxxxx sent que d’autres hypomanies seraient présentes depuis l’âge de 45 ans "comme si elles étaient là mais étaient cadrées ou empêchées sous le Deroxat". Monsieur xxxx décrit en effet une accélération de la pensée: "Je suis mélancolique, fatigué et j’ai néanmoins fait un double cursus universitaire entre ces dernières années ans, alors que mon corps est paradoxalement fatigué et éteint".
Aucun élément de cyclothymie n’est trouvé en entretien, ce qui est opposé au score au questionnaire.
Des Attaques de Panique sont trouvées depuis l’âge de 30 ans, surtout dans les EDM à 30 et 37 ans, mais aussi entre ces deux EDM : "Cela me prenait tous les jours, avec une sensation d’étouffement, de l’angoisse, sans aucune pensée ni scénario. A 45 ans, le Deroxat a diminué ces crises d’angoisse mais j’ai comme l’impression qu’elles ont été remplacées par une excitation de la pensée". Une peur de la foule et de ne pouvoir s’enfuir est décrite.
L’arbre généalogique de la famille montre une mère instable et impulsive, divorcée deux fois, et deux cousines maternelles instables. Un frère du patient est instable, et son autre frère est caractériel.
Deuxième cas
Mélancolie pour l’humeur et hypomanie uniquement au niveau de l’hyperactivité (absence d’euphorie) à l’intérieur des phases de dépression, et hypomanies entre les dépressions avec cyclothymie.
Monsieur xxx décrit 4 Episodes Dépressifs Majeurs (EDM) par an, de 3 à 4 semaines chacun, depuis l’âge de 35 ans, sans aucun déclencheur : "J’ai à peu près 4 dépressions par an, avec une forte prise d’alcool pour tenter de ne pas ressentir les émotions dépressives. Entre chaque dépression, je suis en zigzag, plutôt mélancolique, je ne reviens jamais vraiment complètement à zéro niveau moral, mais je suis hyperactif, j’ai beaucoup d’énergie, et entre deux dépressions l’alcool s’arrête".
Monsieur xxx décrit dans chaque EDM non pas de la tristesse mais une impression de fadeur, de l’anhédonie, un ralentissement, de la fatigue, une forte auto-dévalorisation, des idées noires, et des éléments hypomaniaques en dépression. Les EDM sont accompagnés d’irritabilité, d’isolement et de prises d’alcool. Monsieur xxxxx a toujours été un petit dormeur et a des soucis constants de concentration. Prozac, Deroxat, Anafranil, Effexor, Norset, Depamide et Depakote auraient été sans effet.
Des phases d’hypomanie provoquées par le travail et durant quelques heures à quelques jours, sont trouvées depuis l’âge de 20 ans, avec euphorie, tachypsychie, augmentation du débit de parole, plus grande confiance en soi, hyperactivité, augmentation des projets, impulsivité, prise d’alcool (par le passé pour maintenir les hypomanies, actuellement pour tester s’il arrive à se contrôler, ce qui ne marche pas car l’hypomanie entraine une perte des limites), conduite dangereuse en voiture, augmentation de la libido. Aucune fréquence claire n’est décrite. Après chaque hypomanie, Monsieur xxxx a une phase de dépression.
Un trouble cyclothymique est trouvé avec hypersensibilité, hyperréactivité émotionnelle, hypersensorialité (bruits), hypersensibilité à la critique et au rejet, changements d’humeur brusques et immotivés (même en EDM), incapacité à maintenir de l’enthousiasme pour des projets, impact sur les sphères professionnelles, relationnelles et motivationnelles. Monsieur xxxx sent des variations au sein de la semaine, principalement vers le bas. Des colères sont trouvées par le passé. Monsieur xxxx a toujours dormi 6 heures par nuit. "Je ne sais pas si je suis un grand travailleur, mais j’ai préparé des concours importants en quelques années alors que j’étais mélancolique". Une hypothèse de tempérament hyperthymique est à approfondir.
Une consommation d’alcool est trouvée depuis l’âge de 16 ans : "au début les week-end, de façon festive et déjà à l’époque j’avais du mal à trouver une limite et à m’arrêter. A 35 ans, c’est passé du festif à boire seul, pour apaiser la déprime ou provoquer des excitations. Cà peut être du vin, de la bière, whisky ou vodka".
Monsieur xxxx décrit des problèmes au travail et à la maison, une augmentation des doses prévues au départ et des échecs d’arrêt ou de réduction. 10 hospitalisations sont trouvées depuis 1996.
L’arbre généalogique de la famille montre une mère dépressive et mélancolique, un oncle maternel mélancolique, un père extraverti, colérique, un grand père paternel alcoolique. La soeur du patient est divorcée, consomme de la cocaïne et de l’héroïne, serait dépressive et aurait été hospitalisée pour désintoxication. Le patient est divorcé.
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