03 :Ma descente progressive dans lenfer du TOC
31/12/2007
Témoignages > Comorbidité > Mon combat contre les TOC
Un soir je me suis mise â plier mes vêtements de façon minutieuse avec des difficultés de concentration et je me souviens même mêtre surprise â penser : ? mais pourquoi je fais çâ ? ?.
Un autre jour, le matin cette fois, jai mis longtemps â mhabiller car javais peur de mettre mes vêtements â lenvers pour aller travailler. Je regardais donc si les étiquettes dentretien étaient bien derrière moi.
Sans men rendre compte, je venais daccomplir mon premier rituel.
Le mercredi après-midi, censé être un moment de repos, je faisais du ménage. Je passais laspirateur plusieurs fois dans la même pièce car je ne savais plus où çâ avait été fait. Jappréciais de moins en moins les visites imprévues.
En fait, je narrivais simplement plus â récupérer physiquement et psychiquement puisque je dormais au maximum 3 ou 4 heures par nuit.
NOVEMBRE 1992 : Deuxième grand choc émotionnel non soigné.
Consciente quune grosse fatigue sest installée jobtiens , â ma demande, un poste â mi-temps que je complète en donnant des cours dInformatique dans le même établissement. Je nai donc plus de longs trajets â faire en voiture (auparavant Dieu a du veiller sur moi car malgré mon état comateux je nai jamais eu daccident).
Un jour en entrant par hasard dans la salle de bain je me rends compte que mon ami a une grosseur â lun de ses testicules. Comme je dois voir mon gynécologue je loblige â venir avec moi pour lui en parler (bien men a pris !). Celui-ci nous envoie directement chez un chirurgien qui pratique une opération en urgence quelques jours plus tard. Diagnostic : tumeur cancéreuse. Pendant 10 jours, le temps de lanalyse de la tumeur, je dois attendre pour savoir sil va vivre ou mourir. Je reste seule chez moi. Jai le même comportement quen 1986 : je narrive pas â réagir cest trop fort â encaisser.
Mon frère, touché par cet événement tragique et ? reconnu ?, a été présent Jaurais aimé quil soit pareil quand moi-même je suis tombée gravement malade car je me souviens très bien lui avoir expliqué ce que javais. Mais pour lui il ny a pas de maladie psychique : tout résulte des mauvais choix que lon fait dans la vie. Il a raison mais en partie seulement.
Il a fallu que je fasse bonne figure devant mon ami qui na rien su durant tout ce temps. Cest moi qui lui a expliquer ? quil allait peut-être avoir un traitement qui pourrait lui faire perdre des cheveux ? sans jamais employer le mot exact : ? chimiothérapie ?.
Durant cette période les familles, choquées elles aussi, ne savaient pas quoi dire ni faire. Les amis, eux, on ne les a carrément plus vu. Finalement il sen sort plutôt bien avec un traitement préventif de radiothérapie pendant quelques mois.
Avant le début de celui-ci, nous sommes allés voir le professeur qui allait en être chargé. Javais du mal â marcher tellement la fatigue me faisait monter des crampes dans les mollets?
Il ma pris â part et ma vivement déconseillé davoir un enfant avec mon ami car il pourrait être ? anormal ?. Je crois que cest une des choses les plus affreuses que jai entendues et que lon peut dire â une jeune femme. Je nai rien dit de ces propos â personne. Jétais prête â prendre le risque â cette époque.
Nous avons donc fait un prélèvement de sperme en vue dune conservation (le traitement étant censé altérer la fécondité). Quelques jours plus tard lorganisme mappelait au téléphone pour mannoncer que notre démarche était inutile car mon ami était déjâ complètement stérile. Ceci â cause dune opération subie vers lâge de 12 ans aux testicules. Jétais tellement assommée par tous ces évènements que je nai presque pas pleuré. Je les ai ressentis comme des coups de poignards en plein coeur. Quelque chose sest cassé en moi que je ne peux pas expliquer. Jai donc pris sur ma personne ENCORE et la vie a repris son cours.
JUIN 1993 : ACCENTUATION DES SYMPTOMES.
Je rentre des notes dexamen â lordinateur avec une collègue de bureau jusque minuit. Quand je quitte le lycée je me sens bizarre. Je conduis doucement. Jai la tête dans le brouillard. En plus il fait nuit. Juste avant darriver chez moi je suis pris dune terrible angoisse. Jétais tellement pris par mes pensées â cause du travail que je crois ne pas avoir fait attention â la route et que, peut-être, jai renversé quelquun sans men rendre compte. Comme si mon cerveau ne pouvait pas faire 2 choses en même temps ! Cest absurde !
Pourtant je fais demi-tour avec la conviction que ce nest pas ? normal ? bien sur et je recommence mon trajet en voiture pour me rassurer. Enfin, je peux rentrer. Les jours suivants jai la même obsession qui revient et je la chasse avec la même compulsion (le même comportement).
Je me mets â faire linventaire ? â voix haute ? de mon sac â mains tous les soirs par crainte dégarer quelque chose dimportant comme mon chéquier ou ma carte bleue. Je ne sais pas pourquoi mais le fait de parler ainsi me rassure.
Cest un piège car ce sont des choses que lon fait par automatisme.
Cest une autre sonnette dalarme â laquelle je nai pas prêté attention. Je démarrais ma carrière et il aurait été mal perçu par tous que je marrête de travailler un moment ? pour me reposer ?.
Pas assez mûre encore pour comprendre que la santé est le bien le plus précieux et que je navais de comptes â rendre â personne je suis rentrée dans un engrenage infernal qui ma fait tout perdre.
En effet je sais maintenant que je souffrais depuis des années dune dépression non soignée â laquelle se sont ajoutés des troubles du comportement causés par un épuisement. Les conséquences ne pouvaient être que très graves dans lavenir.
Le cerveau et le corps peuvent installer des réflexes de manière incroyable pour nous permettre daller au delâ de nos moyens, jusquâ ce que notre organisme peut endurer. Passée cette limite cest la chute ! Tous ces réflexes surhumains vous allez passer le reste de votre vie â vous en débarrasser?
Je deviens très maniaque.
Jai de plus en plus de mal â me concentrer, â faire plusieurs tâches ensemble. Le bruit me gêne. Je ne réponds pas quand quelquun frappe â la porte ou que le téléphone sonne car cela moblige â recommencer ce que je viens de faire. Jai besoin de tranquillité. Je laisse toutes sortes de rituels envahir ma vie. Je ne me rends pas compte que cest le début dune longue descente aux enfers. Et la remontée nen sera que plus éprouvante encore.