EMDR
31/12/2007
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Traitements
Définition
Introduction
L’EMDR est une technique de thérapie qui permet de retraiter l’information. Elle a été mise au point par Francine Shapiro pour traiter les souvenirs traumatiques (Shapiro 1989, 2006,2007).D’abord utilisée pour soigner les états de stress post traumatique (PTSD) observés chez des soldats revenant de combats, elle est maintenant utilisée dans le traitement de tout type de traumatismes (accidents divers, deuils, situations conflictuelles, viols), ainsi que dans différentes pathologies de type troubles de l’humeur, troubles anxieux, troubles liés à une substance, troubles du comportement alimentaire, et dans la gestion de la douleur.
Il existe cependant des contre-indications à la pratique de l’EMDR : pathologies cardiaques, schizophrénie, troubles dissociatifs, grossesse, certaines pathologies oculaires etc., c’est pourquoi il est important de faire une évaluation spécifique pour éviter de provoquer une abréaction (haut niveau de perturbation émotionnelle) ou un autre effet indésirable. L’EMDR s’appuie sur des techniques de thérapie comportementale et cognitive (TCC), plus particulièrement l’exposition, la désensibilisation et le flooding, au cours desquelles il est demandé au patient de bouger les yeux de gauche à droite à un rythme régulier tout en pensant à des éléments anxiogènes ou à des éléments d’ordre traumatique. D’autres formes de stimulations bilatérales alternées, auditives ou tactiles sont parfois utilisées à la place de la stimulation visuelle.
Quelques effets neurobiologiques des stimulations alternées et de l’EMDR
Plusieurs travaux ont montré que les mouvements oculaires diminuaient la fréquence cardiaque et respiratoire, ainsi que la conductance cutanée (Sack 2005, Wilson et al 1996, Barrowcliff et al 2003, Aubert-Khalfa, Elofsson et al 2008). Une autre étude (Elofsson et al 2008) a montré que les mouvements oculaires modifient la balance entre système nerveux autonome sympathique et parasympathique En effet, outre la diminution du rythme cardiaque déjà mentionnée, cette étude montre que l’EMDR s’accompagne également d’une augmentation du rythme respiratoire (modification de la consommation d’O2 et libération de CO2) ainsi que d’une diminution de la température cutanée (mesurée au bout des doigts). Les auteurs en concluent que les mouvements oculaires conduiraient à une activation du système parasympathique (cholinergique) et à une inhibition relative temporaire du système sympathique (adrénergique). Par l’intermédiaire de relais centraux, ils pourraient ainsi moduler le système nerveux autonome.
Les mouvements oculaires ont été rapprochés des mouvements rapides présents dans les phases de sommeil paradoxal (Stickhold 2002). Les modifications physiologiques (diminution du rythme cardiaque et de la conductance cutanée, modification du rythme respiratoire) qui sont observées pendant ces périodes sont très proches de celles décrites au cours des mouvements alternés volontaires (Elofsson et al 2008). Les mouvements oculaires pourraient donc stimuler le processus de mise en mémoire comme cela se passerait au cours du sommeil paradoxal.
Les mouvements oculaires facilitent le rappel des souvenirs traumatiques (Christman et al 2003). Ils réduisent les affects négatifs en diminuant la clarté des images négatives chez des sujets ne présentant pas de PTSD (Antrade et al 1997), Barrowcliff et al 2003). Ceci pourrait faciliter les processus de désensibilisation au traumatisme observé durant les séances d’EMDR.
Dans un travail réalisé sur des sujets présentant un PTSD (Lee et al 2006) il apparaît clairement que l’effet de l’EMDR va au delà des effets obtenus dans les thérapies d’exposition traditionnelles. Dans l’EMDR, l’exposition est brève et les mouvements oculaires constituent un stimulus qui dédouble l’attention du sujet, ce qui lui permettrait de se remémorer le trauma, en ayant la sensation qu’il n’en fait pas partie et en est détaché. Cette sensation de mise à distance a été évaluée et a été significativement corrélée avec l’amélioration clinique du PTSD (Lee et al 2006).
Discussion et conclusion
Mon expérience me conduit à dire que l’EMDR apporte d’excellents résultats que j’ai évalués dans un certain nombre d’études de cas, pratique à laquelle j’ai été familiarisée lors de ma formation (TCC Lyon 1 sous la direction de J. Cottraux). Cependant, l’expérience montre que certains patients bipolaires non traités par thymorégulateurs, rechutent, malgré une excellente évaluation en fin de TCC et d’EMDR. Je remarque aussi, que vos traitements permettent de diminuer de façon significative la durée de prise en charge en thérapie.
Je travaille peu sur les TOCs, mais j’ai remarqué en milieu hospitalier que l’EMDR n’apportait pas d’amélioration, du fait peut être que les sujets ne lâchent pas le contrôle. Je pense qu’il serait possible de travailler sur leurs peurs en TCC avant de pratiquer l’EMDR : je propose de tester ce protocole avec votre aide. La pratique de l’EMDR apporte un apaisement : elle fait chuter temporairement pendant une durée variable l’anxiété et les tensions internes.
La prise en charge se déroule ainsi : après deux séances d’évaluation et l’instauration de la relation thérapeutique, deux séances permettent l’apprentissage d’une technique simple de relaxation, utile entre autres dans les cas d’abréaction. On commence ensuite les expositions en EMDR, dont les résultats sont renforcés par la pratique en alternance de techniques de restructuration cognitives (Beck).
Bon nombre de patients réclament actuellement une "thérapie" EMDR qu’ils présentent comme la solution à tous leurs maux. L’évaluation à l’aide de vos questionnaires permet de remettre l’EMDR à sa juste place : celle d’un traitement efficace qui, sans être une panacée, a sa place dans une thérapie parmi d’autres traitements (médicamenteux) ou techniques (TCC). Forte de mon expérience clinique en TCC et en EMDR, je serais heureuse de rejoindre votre équipe. J’attends cela depuis longtemps, et, même si je n’assimile pas forcément tous vos écrits, que je lis avec un vif intérêt, j’espère avoir l’occasion de vous apporter en matière d’EMDR et de TCC des outils thérapeutiques complémentaires de ceux de votre Cabinet ou de votre Centre. Je travaillerais volontiers avec vous sur des études de cas permettant d’évaluer l’impact de la TCC et ou de l’EMDR sur des patients bipolaires.
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