11: Rôle des événements de mon passé
20/11/2010
Témoignages > Bipolarité > Ma dépression
Tout dʼabord, jʼai plusieurs fois consulté des psychologues depuis lʼâge de dix ans, et si les raisons qui mʼont conduit â eux ne sont sûrement pas liées â mon mal-être actuel, cela prouve tout du moins que jʼai toujours été jusquʼalors particulièrement fragile. De plus, avec aujourdʼhui ce recul qui me permet dʼanalyser plus clairement les sentiments qui me rongent de lʼintérieur lorsque je suis au plus bas, jʼétablis nettement certaines corrélations avec ces événements passés. Je vais mʼatteler ici â lister ces liens et â expliquer ce qui me fait penser quʼils existent, en remontant petit â petit jusquʼâ mon enfance.
Pour commencer, je parlerais des rares souvenirs de véritable malaise qui me restent de mon adolescence. Je me souviens que ceux-ci remontent â ma sixième et ma cinquième, donc vers lʼâge de douze ans. Certains évènements marquants restent aujourdʼhui particulièrement ancrés dans ma mémoire, et plus particulièrement celui-ci: alors que jʼétais en sixième, jʼavais malencontreusement fini de pisser dans mon pantalon après être passé aux toilettes. Cela est certes gênant sur le coup, mais rien de bien important. Or, je me rappelle que cela était arrivé pendant la récréation, et que jʼétais resté assis sur un muret jusquʼâ devoir retourner en cours, â ruminer ce quʼil venait de mʼarriver, me sentant honteux dʼavoir fait cela, même si cela était tout â fait exceptionnel et que personne dʼautre que moi ne risquait de le remarquer. Je devais avoir lʼair particulièrement atterré car des filles de troisième étaient venues me voir et mʼavaient demandé ce qui nʼallait pas et pourquoi je restais tout seul, me complimentant au passage sur la couleur de mes yeux. Au lieu de me flatter, cela mʼavait fait culpabiliser car je me disais intérieurement: ? si tu savais comme je me sens sale et idiot, je ne mérite pas un tel compliment ?.
Un peu plus tard, en cinquième je crois, jʼavais dans ma chambre un petit calendrier sur lequel je notais tous ces petits riens gênants qui me marquaient, en sur-lignant dʼune couleur différente selon la nature du ? méfait ?. Je me souviens que cela mʼaidait â, dʼune part, ne pas les oublier, mais également â les mettre dans un coin de ma tête et attendre des jours où je me sente bien pour y repenser et pouvoir chasser définitivement ces mauvais souvenirs de mon esprit. Je me souviens également que durant cette période, je ruminais parfois dans mon lit et tentais dʼétablir un ? calendrier mental ?, cette fois-ci de tous les événements passés de ma vie qui avaient pu me causer des gênes semblables, travail douloureux et très fastidieux qui me laissait sûrement parfois de longues heures sans sommeil. Et jʼarrivais â en ressortir quelques uns, parfois très lointains, qui me prouvaient que je nʼavais toujours pas réussi â les évacuer complètement de mes pensées. Je me rappelle que tous ces souvenirs sʼétant déroulés il y a très longtemps, ils en demeuraient parfois toujours aussi gênants, surtout lorsque je me forçais â y penser pour les ? débloquer ? de ma mémoire. Je dis bien débloquer, et cʼest en ce sens que je fais le rapprochement avec ma situation actuelle. Les deux sont en effet particulièrement analogues. Dans les deux cas, je suis gêné par des évènements mineurs, qui me font culpabiliser uniquement vis-â-vis de moi-même, qui mʼempêchent dʼavancer en toute confiance tant que je ne me suis pas raisonné sur chacun des cas qui me préoccupent. Les seules différences majeures, cʼest quʼâ lʼépoque jʼavais la capacité de mettre de côté ces pensées négatives pour me concentrer sur mes obligations et mes activités quotidiennes, ce qui nʼest plus le cas aujourdʼhui lorsque je me sens mal; ensuite, et cʼest sûrement lié â ce que je vient dʼexpliquer précédemment, cʼétait â lʼépoque des évènements tout â faits ponctuels et souvent très espacés dans le temps.
Aujourdʼhui, â partir du moment où je fais un blocage, dʼautres apparaissent alors dans un mouvement de réaction en chaîne, ce qui participe activement â déclencher ce malaise que je nʼavais jamais ressenti par le passé.
Il y a ensuite la période des TOC, vers lʼâge de dix ans, lorsque jʼhabitais encore â Cormeilles-en-Parisis. Il y avait tout dʼabord les Legos Star Wars, que je déployais fièrement sur une de mes étagères. Il me bouffaient la vie, ces Legos, et ils étaient rapidement devenus une véritable obsession. Je vérifiais la place exacte de tous les éléments au moins dix fois par jour, nettoyais la moindre poussière présente sur lʼétagère, personne ne devait entrer dans ma chambre et jʼeffectuais certains rites: je devais par exemple fermer la porte de ma chambre â chaque fois que jʼen sortais, tenir fermement la poignée dix secondes, puis souffler sous la porte un nombre de fois incalculable. De véritables troubles du comportements contre lesquels je ne pouvais rien et qui me rendaient dingue si jamais quelque chose venait â contrarier lʼordre précis que jʼavais établi. Il y avait également les Pokémon, un peu plus tard, qui mʼont fait désespérer. Jʼen étais absolument fan, mais je repoussais sans cesse le moment où jʼallais commencer une partie du jeu vidéo sur mon Gameboy. Il fallait que tout soit parfait, que je sois propre, habillé, la tête vidée, que jʼai fini la collection de telles cartes pour pouvoir y toucher. Bien sûr, cela nʼarrivait jamais. Je me rappelle que jʼen étais réduit au point de chercher un produit dʼentretien sur les émissions de téléachat me permettant de retirer les rayures sur le carton de mes cartes. Cela me rendait malheureux, et mon entourage sʼen rendait bien évidemment compte, comme dans le cas des Legos.
Je pense que ces évènements sont les premières manifestations de troubles psychologiques sérieux chez moi, et aujourdʼhui je réussis â faire le parallèle entre cette notion dʼordre (qui englobe celle de lʼhygiène au final) auquel jʼaspirais â lʼépoque et mes blocages mentaux actuels qui y font référence: lorsque les choses ne se passent pas comme je lʼaurais voulu ou lorsque jʼeffectue quelque chose différemment de dʼhabitude (par exemple ne pas être ordonné dans le rangement ou lʼapprentissage de mes cours, oublier de me passer de la crème après être sorti de la douche ou encore ne pas mʼessuyer exactement de la même façon quʼhabituellement lors dʼun passage aux toilettes), je ressens alors un certain désordre mental, qui me cause justement ces blocages. Cʼest ce désordre intérieur qui, amplifié, me laisse ce sentiment dʼêtre complètement perdu et de ne plus avoir aucun repère auquel me raccrocher. Je pense enfin, et personne ne me contredirait sur ce point, que jʼopérais â lʼépoque où jʼétais sujet aux TOC un transfert sur les Legos et les Pokémon de quelque chose que je ne pouvais exprimer autrement. Ce nʼest fort heureusement plus du tout le cas aujourdʼhui, et je ne mʼinflige pas non plus de punitions ou de rites dʼannulation pour me faire payer ou pour oublier ce qui me dérange. Mais je pense que le problème est fondamentalement toujours le même actuellement quʼil y a dix ans.