L’importance des rythmes dans les troubles de l’humeur et l’anxiété
6/02/2012
Auteur : M Trybou
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Rythmes
Les paramètres de la stabilisation
Les personnes souffrant de Troubles Bipolaires, cyclothymie, ou de TOC (par exemple), constatent souvent que malgré leur régularité dans la prise de leur traitement, elles nʼarrivent pas à complètement se stabiliser.
Faut-il alors revoir le traitement ?
Faut-il investiguer les stress extérieurs comme le travail, les difficultés de couple ?
Est ce un souci dʼaffirmation de soi qui fait quʼon se laisse dévorer par le milieu du travail et la masse de dossiers ?
Tous ces éléments doivent être investigués, au même titre que lʼestime de soi.
Un facteur est souvent oublié : les rythmes et lʼhygiène de vie. Par cela on entend :
- le sommeil (heure du coucher et du lever),
- la limitation des les substances excitantes (café, coca, redbull, tabac, cigarettes), les drogues et lʼalcool,
- le surmenage au travail,
- les sorties festives trop répétitives et tardives.
Le but nʼest pas non plus dʼavoir une vie monacale, mais simplement dʼidentifier ce qui peut faire que le patient, qui souhaite aller mieux, ne va pas mieux. On cherche avec lui, en fins limiers, pour débusquer la brèche qui fait vaciller lʼédifice.
Le monitoring de lʼhumeur
Lʼoutil le plus utile pour identifier les soucis et stabiliser les rythmes sʼappelle le Monitoring : cʼest un petit tableau que le patient va remplir tous les jours.
Cela ne prend que quelques minutes et cʼest une mine dʼinformation.
Il faut juste ne pas oublier de le remplir, ce qui fait quʼon conseille souvent aux patients de le scotcher au miroir ou sur la boite de médicaments.
Il est simple dʼutilisation et permet de se rendre très vite compte de ce qui peut expliquer une rechute dépressive, des hypomanies, de lʼirritabilité, de la fatigue chronique, des TOC qui ne guérissent pas.
Le patient va mettre, tous les jours, une note qui représente son état dʼhumeur, et en dessous quelques idées (un événement important, un conflit, un oubli de médicament, lʼheure du coucher et du lever, une nuit agitée, de lʼalcool, du sport, ...) qui vont donner un aperçu de ce qui a pu améliorer ou aggraver lʼétat du patient.
Exemple de monitoring à photocopier ou à faire sur un morceau de papier
Lundi | Mardi | Mercredi | Jeudi | Vendredi | Samedi | Dimanche | |
Ma note entre -10 et +10 | |||||||
Remarques diverses (stress imprévu, consommations diverses |
Pour mettre des notes, nous utilisons à lʼéchelle suivante :

Quand mon humeur a changé dans la journée, je note le passage dʼune note à lʼautre (exemple : « – 3 à 2 ») et je peux inscrire ce qui a pu motiver cela.
Exemple dʼun tableau de monitoring de lʼhumeur
Le patient a 20 ans et a rempli lʼoutil sur une semaine :
Lundi | Mardi | Mercredi | Jeudi | Vendredi | Samedi | Dimanche | |
Ma note entre -10 et +10 | -4 | -2 à +2 | +2 à -5 | -4 à +2 | +2 | +1 | -3 |
Remarques diverses (stress imprévu, consommations diverses | Bouchons sur la route, plein de dossiers | Repas agréable entre collègues | Dispute avec Robert, oubli de mon traitement | Sport, téléphone maman | Rien à signaler | Rien à signaler | Nuit en boite, rentré à 4 h du matin |
Nous pouvons voir dans cet exemple que le stress des dossiers, le lundi, a provoqué un coup de blues important (-4). Pour lʼinstant, cela nʼest pas encore trop alarmant. Secondairement, nous ne savons pas la note du dimanche précédent (peut être le week-end a tʼil été agité et peut expliquer cette note basse en tout début de semaine ?). La nuit de lundi à mardi a permis à lʼhumeur de remonter, et le déjeuner entre collègues a fait passer à ce patient la barre du 0. Il est donc, mardi après midi, de bonne humeur (+2) sans pour autant être en hypomanie. Cette bonne humeur perdure jusquʼau mercredi midi. Un conflit avec Robert et lʼoubli du médicament le mardi soir provoquent une chute importante (-5) que le patient perçoit comme un début de déprime. Il a raison pour deux raisons : -5 est une note très basse et si on compte bien il a fait une chute importante (de +2 à -5, soit 7 points) en quelques heures. Nous apprenons deux choses de ce patient : les conflits sont redoutables pour lui, et lʼoubli de ses médicaments se fait ressentir en quelques heures à peine. Son état de tristesse continue le jeudi matin. En voyant son petit tableau de monitoring, ce patient se dit quʼil faut agir et il a alors le réflexe de faire du sport (nous verrons ensemble dans quelques pages pourquoi il a raison) et de téléphoner à une personne importante de son entourage (sa mère). Son humeur remonte rapidement et se stabilise jusquʼau samedi. Samedi soir, il va en discothèque et rentre chez lui à 4h du matin. Son humeur est redescendue. Il a visiblement un peu trop tiré sur la corde. Il aurait par exemple pu rentrer plus tôt et ne pas se lever trop tard le dimanche matin.
Ce patient nʼa pas écrit les horaires de coucher et de lever. Dans un nouveau monitoring, il écrit systématiquement les horaires.
Lundi | Mardi | Mercredi | Jeudi | Vendredi | Samedi | Dimanche | |
Ma note entre -10 et +10 | -5 | -1 | 0 | 0 | 0 | 4 | -3 |
Remarques diverses (stress imprévu, consommations diverses | 7h 23h non irritable | 7h 23h non non | 7h 23h non non | 7h 23h non non | 7h 2h du mat alcool ++ | 8h 5h encore excité dʼhier | Nuit en boite hier, rentré à 5 h levé à 16h, alcool +++ hier |
Lʼanalyse :
On constate un sommeil très inégal : quand le patient se couche et se lève à la même heure, il est bien et nʼa pas dʼimpact sur lʼhumeur. Il sort le vendredi, boit de lʼalcool, et est hypomane le samedi matin. Il sort à nouveau le dimanche, boit beaucoup, se couche tard et se lève tard, et est déprimé. Il comprend à terme que son moral bas des lundis matins est dû aux dérapages de lʼalcool et à lʼirrégularité des heures et des durées de sommeil les vendredis et samedis.
Lʼimportance du sommeil
Dans tous les cas, que cela soit la dépression ou lʼhypomanie, soignez votre sommeil :
Auto-analyses dʼun monitoring
Prenons un exemple de ce quʼun patient constate avec son monitoring :
La fatigue entraîne chez moi une phase dépressive. Avoir trop dormi me rend dépressif, ne pas avoir assez dormi aussi. En général, si jʼai trop dormi, je suis déprimé, puis je remonte puis je sombre encore plus bas. Quand je vais en boite, je me lève à maximum 11 heures, sinon je sombre aussi. Alcool et café sont proscrits car ça me met en euphorie sur le moment et en dépression au réveil. Et comme je suis très irritable en déprime jʼévite. Jʼessaye de ne pas trop fumer avant de me coucher sinon ça mʼempêche de dormir. La dernière fois, jʼai été très enrhumé, je dormais donc très mal. Jʼai senti, à cause de ce manque de sommeil, une phase dépressive sʼinstaller au fur et à mesure des jours. Le cumul de fatigue et de manque de sommeil a engendré une phase dépressive au bout de 6 jours, elle a duré le temps de récupérer un sommeil normal.
Prenons lʼexemple dʼun patient qui a identifié lʼeffet des substances excitantes dans ses TOC :
Malgré les traitements et la thérapie, même si jʼavais une très nette diminution des obsessions et une meilleure gestion de mes rituels, jʼavais encore une boule dʼangoisse permanente et des pensées diffuses dans la tête. On a essayé le monitoring sur plusieurs semaines, presque un mois en fait, afin de voir si le flot de pensées était en relation avec le sommeil, le stress ou des choses que je consommais. Cela peut paraître anodin mais un verre dʼalcool par ci par là avec des collègues, à cause dʼun contrat avec un client, au resto avec des amis, que jʼajoute par dessus mon café du matin, mon café du midi et les autres cafés que je prends sans même mʼen rendre compte, et les quelques cigarettes reparties sur la journée, ça fait une grosse quantité de produits excitants pour mon cerveau déjà excité. Comme je ne me sentais pas capable dʼarrêter la cigarette, jʼai proscrit lʼalcool et le café et yʼa pas de mystère, je nʼai quasiment plus du tout dʼobsessions. Je ne pensais pas que mon cerveau soit à ce point réceptif, surtout que je nʼavais pas lʼimpression de consommer plus que nʼimporte qui. Ce nʼest pas facile à se rentrer dans le crâne, mais quand on a un TOC on a pas un cerveau robuste comme tout le monde, on a un cerveau fragile, et il faut faire attention à ce qui le fait tourner plus que prévu.
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