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37 : Lʼangoisse ! Quelle soeur jumelle !36 : Quelques moments de sérénité dans un monde35 : une vie vraiment difficile34 : Maudite hypersensibilité33 : La MDPH me refuse encore un emploi protégé32 : J’écris sous le coup de la peur. 31 : Moi, les autres, le boulot30 : Une souffrance qui n’a pas de nom29 : Prescrivez moi une autre personnalité28 : mes conseils sur la prise des médicaments27 : Je reprends mon journal26 : j’ai besoin de mon day-dreaming25 : L’angle de vue de ma maladie évolue avec le temps24 : Un fond d’angoisse et d’insatisfaction23 bis : guérir au dépend d’une partie de mon imagination23 : patient partenaire22 : Je relis ce que j’ai écrit il y a des années21 : Besoin de construire un présent, penser au futur20 : Je suis stable, mais...19 : Ecrire, çà me déprime18 : Ma réactivité aux psychotropes17 : La question de la dysphorie me tarabuste encore16 : La maladie est une expérience de ma vie15 : rechutes, TOC, délire, insécurité, détresse14 : Chauffarde de la vie13 : La maladie bipolaire serait-elle fatalement le malheur de l’autre ou la déchirure du couple ?12 : Un peu de sagesse pour réduire la chimie de mon traitement11 : Je participe à un forum10 : L’art d’être la seule personne â me comprendre09 : J’en ai marrrrrreeeeeeeuuuuuuu !!08 : couple atypique ?07 : suis-je en dehors des conventions d’une maladie normale ?06 : une journée typique qui se répète05 : Je donnerais n’importe quoi pour sortir de ce puits sans fond04 : Aujourd’hui c’est la tristesse qui me fait écrire03 : Pourquoi autant de plaintes sans fins ?02 : Des petits matins où le café n‘a pas le même goût 01 : Comment être bipolaire aujourdʼhui

Bipolarité et sensibilité au stress

18/12/2011
Auteur : Dr Hantouche et Melle Majadala

Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Concepts / Classification

Conférence Dr Hantouche et Mlle Majdalani
Argos 2001, jeudi 15 décembre 2011

La bipolarité est connue comme une maladie déterminée essentiellement par des facteurs endogènes ou biologiques. Cela dit, le rôle du stress est majeur, tout simplement en raison de la sensibilité excessive au stress, un facteur classique de la bipolarité. En effet, les événements stressants peuvent être :


  • inducteurs " directs " des premiers épisodes bipolaires

  • responsables de rupture des rythmes – donc induction " indirecte " des rechutes ou récidives

  • secondaires à la récurrence des épisodes bipolaires (chaque épisode devient en soi un facteur de stress majeur pour les futurs épisodes)

  • liés aux complications de la bipolarité (isolement, perte d’emploi, handicaps social – relationnel – professionnel…)

  • Il est ainsi impossible de comprendre et soigner la bipolarité sans tenir compte de la sensibilité excessive au stress, qu’elle soit innée ou endogène (comme on le constate chez les jeunes bipolaires cyclothymiques) ou acquise (du fait de la répétition des épisodes majeurs, maniaques / mélancoliques). En effet, certains experts décrivent un modèle selon lequel le stress joue un rôle déterminant dans le déclenchement des premiers épisodes bipolaires puis progressivement les épisodes surviennent suite à des stress de moins en moins importants jusqu’au phénomène d’autoallumage du processus bipolaire. Ce modèle d’emballement et d’embrasement du cerveau limbique (émotionnel) est séduisant mais ne semble pas coller à la réalité clinique de la bipolarité et de ses différents sous-types cliniques et évolutifs.


    Concernant le sujet " stress et bipolarité ", certains points méritent d’être soulignés :

  • le rôle des stress majeurs survenant à un âge très jeune (abus physiques et sexuels)
  • l’impact du stress au travail chez les adultes bipolaires et les possibilités actuelles de reconnaissance de l’handicap (aménagements du poste, du temps de l’activité professionnelle, formations, réinsertion, allocations…)
  • les liens proches entre style de vie des bipolaires et les événements stressants dont une grande proportion est en fait une conséquence d’un début d’une récidive maniaque ou dépressive (perte de sommeil, prise de risques, ruptures, démissions, comportements déraisonnables, abus de substances, trouble du jugement…)
  • Bipolarité avec cyclicité exogène versus endogène


    Dans une approche globale de la bipolarité qui tient compte du tempérament de base, des stresseurs, du mode évolutif, des séquences des épisodes, de la réactivité aux psychotropes, le Pr Koukopoulos propose une classification de la bipolarité en deux formes selon la nature exogène ou endogène de la cyclicité (A Koujopoulos et al, Journal of Affective Disorders 2006 ; 96 : 165–175)


    Bipolarité avec cyclicité exogène : Manie secondaire ?



    C’est la cyclicité typique du trouble BP-I. En analysant 100 dossiers de sujets admis pour manie, 80% des cas ont présenté une manie suivie de dépression ; la recherche de facteurs inducteurs de la manie a révélé dans la majorité des cas, la présence d’un ou plusieurs facteurs inducteurs : antidépresseurs tricycliques (16%), sérotoninergiques (14%), arrêt du lithium (12%), cocaïne (6%), Cannabis (6%), abus de poly-substance (4%), arrêt antipsychotiques (4%), privation de sommeil (3%), corticoïdes (3%), deuil (2%), puis d’autres facteurs moins fréquents comme le jet lag (décalage horaire), abus de caféine, trauma crânien, thyroxine, séparation, pèlerinage religieux, post-partum…


    Le début de l’accès maniaque est influencé par les saisons : essentiellement le printemps et l’été (Mars - Août) pour 60% des cas et automne – hiver pour 40% (pour ceux-ci la prise de substances pourrait être responsable de ce décalage). Pour les manies spontanées sans prise de substance chimique, la survenue au printemps - été est observée dans 70% des cas.


    La dominance du tempérament hyperthymique est observée chez 69% des cas Il est possible, de point de vue théorique, de stipuler que la manie résulte de l’interaction d’une énergie excessive du tempérament hyperthymique avec les facteurs inducteurs exogènes. Dans ce modèle, on pense que l’effet stabilisateur du lithium est lié à un effet atténuateur de l’hyperthymie, ce qui protégerait le sujet contre la survenue des épisodes maniaques.



    Le fait que les manies soient en majorité induites par des facteurs externes a amené au concept de " manie secondaire ", qui est en fait un complexe nosologique. Le DSM-IV exclut le diagnostic de bipolarité (BP-I ou II) pour les cas de (hypo)manie induits par les antidépresseurs, les abus de substances… La conception de Koukopoulos ne converge pas avec ce point de vue (rappelons-le qui est totalement infondé). Les facteurs en fait ne sont qu’inducteurs et non responsables du processus bipolaire. Celui-ci est prédéterminé dans les tempéraments de base : hyperthymie stable pour déterminer les accès maniaques et cyclothymie instable pour le trouble BP-II et la cyclicité rapide. La séquence des cycles ne dépend pas uniquement des mécanismes internes et ça on l’a vu avec Kraepelin en analysant les intervalles libres assez longs entre les premiers épisodes. Il est donc logique de penser que les événements externes contribuent aux récidives. Actuellement, on constate que l’usage des antidépresseurs et l’arrêt des thymorégulateurs sont des facteurs fréquents dans l’induction des manies ou l’accentuation des cycles chez les BP-II. Il est probable que ce constat explique la majoration des chiffres de prévalence de la bipolarité de nos jours. Plus d’antidépresseurs (ça c’est clair) et plus d’arrêt de lithium ou autres thymorégulateurs. Certaines études ont montré que depuis l’introduction du lithium dans le traitement de la bipolarité, on observe plus de cas de manie qu’avant l’ère du lithium. C’est probablement à cause de son arrêt fréquent que les cas de manie sont plus nombreux. C’est un point extrêmement important à considérer dans la psychoéducation des patients bipolaires : l’adhésion et le bon observance du traitement thymorégulateur.



    Bipolarité avec cyclicité endogène


    C’est plutôt le cas du spectre du trouble BP-II où les facteurs endogènes semblent jouer un rôle plus déterminant de la cyclicité que dans le trouble BP-I.
    Environ 80% des bipolaires avec la séquence " dépression puis manie " sont des BP-II avec des traits de tempérament labile, cyclothymique et excitable.
    La dépression n’est pas en réalité le début du cycle et ne vient pas de rien. Elle est en fait le résultat de périodes cumulées de stress, d’instabilité, d’excitation émotionnelle (suite à des événements positifs et négatifs), usage de stimulants, un sommeil irrégulier…


    Le trouble BP-II représente le prototype le plus fascinant d’une interface entre les épisodes dépressifs et les tempéraments instables. L’instabilité de base est responsable des alternances répétées de dépression et d’excitation, et éventuellement d’une évolution circulaire autonome et continue. Le mode endogène des oscillations est également visible dans les périodes pré-morbides (épisodes légers, de courte durée, sans facteurs externes…).


    La cyclicité rapide (CR) peut être une forme extrême du trouble BP-II. Elle touche environ 15% des bipolaires. L’équipe du Pr Koukopoulos a analysé ce phénomène chez 812 patients bipolaires vus sur la période de 1990-1997. La proportion de bipolaires avec CR est de 17%. 59 sujets ont présenté une CR continue tout au long du suivi (ce qui représente environ la moitié des CR). La durée moyenne de la totalité du phénomène de CR est de 11 ans. On pense qu’une fois installée, la CR qu’elle soit spontanée ou induite, subit plus l’influence des facteurs endogènes et explique la difficulté de traiter ces patients.
    La majorité des cas de CR qui ont bien réagi au traitement, l’a fait au cours de la première année du suivi (66%). La persistance de la CR au-delà d’un an est donc un indice de mauvais pronostic.


    La séquence Dépression - Manie - Intervalle libre (DMI) est importante pour expliquer la genèse de la CR. Déjà on sait que cette séquence est liée à une mauvaise réponse au lithium. Donc, séquence fréquente dans le trouble BP-II associée à une forte instabilité thymique (donc cyclothymie) – racine de la CR. Le rôle du tempérament apparaît décisif : la CR peut être une accentuation naturelle du tempérament cyclothymique. Ce point de vue a été défendu par Kraepelin.


    Les antidépresseurs accentuent les phénomènes neurophysiologiques liés à la cyclicité endogène pour induire des virages hypomaniaques transitoires, qui, tôt ou tard, vont virer vers la dépression. Et de nouveau, ces dépressions seront traitées par les antidépresseurs et le cycle sera ainsi perpétué par l’usage inapproprié des antidépresseurs.


    Certains sujets continuent de cycler même après arrêt des antidépresseurs. Il est possible que le phénomène amorcé par ces molécules se transforme en une série de réactions conduisant à un mécanisme homéostatique autonome qui maintient les alternances entre dépression et excitation hypomaniaque. Ce mécanisme reflète la tendance de l’organisme de combattre la dépression en allant vers l’hypomanie en court-circuitant l’euthymie (niveau normal de l’humeur).

    Bipolarité atténuée et stress : l’œuf et la poule


    Il est facile de lier la survenue d’un épisode bipolaire à la présence d’un événement stressant juste avant – ce rapport chronologique ne signifie point une causalité ; dans la majorité des cas, on constate que l’événement stressant est en réalité le début de l’épisode.
    Une revue de la littérature (Strawn JR et al, Early Interv Psychiatry, 2010, 4:169-73) sur les rapporte entre bipolarité et stress post-traumatique (SPT) a montré que la prévalence du SPT est nettement plus faible chez les enfants et adolescents par comparaison aux adultes. Cette constatation laisse supposer que la bipolarité serait un facteur prédisposant à la survenue du SPT et non l’inverse.
    En faveur de cette hypothèse, la démonstration d’une relation significative entre des anomalies biologiques impliquées dans la sensibilité au stress (comme réduction de TSPO, 18kDa mitochondrial TranSlocator PrOtein density, protéine essentielle pour la synthèse des stéroïdes) et la présence de symptômes (hypo)maniaques avant la survenue du SPT. Cela a été validé dans une étude italienne évaluant l’impact psychologique du tremblement de terre en 2009 (Dell’Osso L et al, Psychiatry Res, 2010, 15:139-43).
    Cela dit, la présence d’un stress majeur dans l’enfance induit certainement des conséquences sur le trouble bipolaire : début plus précoce, épisodes mixtes, cycles rapides, tentatives de suicide, automutilations, traits de personnalité borderline… en d’autres termes, une forme évolutive plus sévère (Garno et al, Br J Psychiatry 2005 ; 186: 121-125)



    Sensibilité au stress ou comorbidité anxieuse


    Un autre facteur est à tenir en compte : la forte comorbidité anxieuse au sein de la bipolarité ; plus de 90% des personnes bipolaires présentent au moins un trouble anxieux : le risque est multiplié par 34 par rapport à la population générale (14 fois plus de TAG, 14 fois plus de trouble panique, 6 fois plus de phobie sociale, 9 fois plus de SPT). La configuration de manifestations anxieuses (panique, obsession et anxiété sociale) est témoin de la présence de bipolarité. Dans la pratique, on constate souvent que cette comorbidité anxieuse joue le rôle de masque trompeur de la bipolarité et que le diagnostic de celle-ci se fait souvent après des années au cours desquelles le patient reçoit de fortes doses d’antidépresseurs pour soigner le diagnostic le plus visible : TOC, Phobie Sociale, Trouble Panique… En fait, c’est le cumul de l’hypersensibilité émotionnelle innée, de la comorbidité anxieuse, de la récurrence dépressive et de l’excitation psychique induite par les antidépresseurs qui rend les bipolaires enclins à être des malades ou victimes du stress.
    Les rapports entre l’anxiété, le TOC et la bipolarité sont détaillés dans le dernier ouvrage du Dr Hantouche " Le Journal de Léa ", paru en juin 2011 chez Odile Jacob).

    Tempéraments et sensibilité au stress


    On regardant de près l’enfance des bipolaires, il est habituel de retrouver des traits accentués de tempéraments affectifs : hyperthymiques chez les BP-I et cyclothymiques – anxieux – dépressifs chez les BP-II. Une étude italienne (Signoretta et al, J Affect Disord. 2005; 85:169-80) a inclus1010 étudiants (518 de sexe masculin et 492 de sexe féminin) sans troubles psychiatriques, l’évaluation par le TEMPS-I et l’EBC (Emotional and Behavioral Checklist in Infancy, Childhood and Adolescence),
    L’étude a montré que :
  • 28.0% de la population ont un tempérament dépressif dominant avec inhibition sociale et comportementale (absence de conduites antisociales et hyperactives
  • 44.2% avec un tempérament hyperthymique dominant
  • 21.9% avec un tempérament cyclothymique ; ce sous-groupe a obtenu des scores les plus élevés sur les questionnaires évaluant les problèmes émotionnels et comportementaux : anxiété et troubles du sommeil ; sensibilité à la séparation, troubles des conduites alimentaires chez les femmes ; conduites agressives et antisociales chez les hommes. Dans cette population juvénile, le tempérament cyclothymique s’avère être le plus " morbide ", en termes de troubles émotionnels, internalisés et externalisés.

  • Tempérament stable rime avec adaptation au stress professionnel


    Le rôle tempéraments dans la sensibilité au stress professionnel a été exploré dans une étude japonaise ayant inclus 848 hommes et 366 femmes, employés dans des compagnies japonaises (Sakai Y et al, J Affect Disord. 2005; 85: 101-12). Le questionnaire TEMPS-A, le test de personnalité de Munich et le questionnaire GJSQ (évaluation du stress généré par le travail) ont été remplis par les participants. Les résultats montrent que les tempéraments sont prédictifs du stress au travail.
    Pour les stress liés aux relations interpersonnelles, les tempéraments sont plus puissants que les autres variables, comme le sexe, l’âge et le rang professionnel. De plus, c’est le tempérament irritable qui s’avère être associé avec la vulnérabilité la plus évidente, suivi par les tempéraments cyclothymique et anxieux. En revanche, l’hyperthymique présente le plus de robustesse face aux stress professionnels, et le dépressif également mais de manière moins forte. Il est donc clair que les tempéraments influencent le stress professionnel, en agissant surtout sur la qualité des relations interpersonnelles et moins sur le stress liés à la surcharge de travail. Il importe de signaler que selon des formulations théoriques antérieures, ce sont les tempéraments " stables ", hyperthymique et dépressif, qui semblent les plus " hyper-adaptés " au milieu professionnel.
    Une stabilité émotionnelle est nécessaire pour garantir une bonne estime de soi et un niveau convenable de satisfaction de sa vie. Plusieurs études ont montré la corrélation de l’estime de soi avec la stabilité émotionnelle et l’extraversion. Une mauvaise estime de soi est une des composantes centrales de la dépression.

    Intensité, réactivité et instabilité émotionnelles chez les bipolaires


    Il est quasi impossible d’aborder la question du stress chez les bipolaires sans évoquer les dimensions basiques du tempérament, à savoir la réactivité, l’intensité et la stabilité émotionnelles. En effet, des niveaux élevés de réactivité, d’intensité et d’instabilité affectives sont corrélés avec la bipolarité, notamment chez les personnes dotées de tempéraments cyclothymique ou hyperthymique.

    Réactivité émotionnelle


    Elle décrit la tendance à répondre de manière affective à un stimulus émotionnel. Cette dimension fait allusion plutôt à la vitesse ou seuil de réactivité qu’à la force ou l’amplitude de celle-ci (qui est mesurée par l’intensité affective). Souvent les deux dimensions, réactivité et intensité sont confondues et évaluées simultanément dans les questionnaires et échelles.
    On discerne les personnes hyper réactives des peu réactives ou lymphatiques. Une réactivité émotionnelle excessive prédispose la personne à ressentir les événements et les émotions de manière excessive, souvent vers le négatif par opposition aux personnes émotionnellement plus équilibrées.
    Une personne avec un équilibre émotionnel est peu réactive avec égalité des humeurs ; elle est peu sensible à la critique et se trouve rarement offensée ou blessée. Elle est réfléchie et paraît peu vulnérable, ce qui lui permet d’être bienveillante à l’égard des autres et confiante face aux épreuves de la vie. Comme on dit, elle est " blindée " contre le stress et la déprime.
    En revanche, les personnes réactives sont plus vulnérables que les autres ; elles ont tendances plus fréquentes et prononcées pour le stress, l’anxiété et la dépression. Leur réactivité excessive traduit une perception des événements et du monde comme pénible, problématique, menaçant. Cette réactivité génère tout une gamme d’émotions négatives, telles la colère, l’inquiétude, la tristesse, la frustration, l’embarras, les ruminations, la culpabilité, les contrariétés… Souvent, les personnes hyper réactives se sentent mal à l’aise avec les autres, facilement blessées ou offensées et en même trop critiques vis-à-vis des autres. Elles ont l’impression d’être mal comprises par les autres et cela dès le jeune âge. Elles décrivent souvent des souvenirs pénibles de la vie scolaire où elles se sentaient déjà à l’écart, subissant les critiques et les sarcasmes des autres élèves.
    Il n’est pas étonnant que l’hyperréactivité émotionnelle rende la personne vulnérable au stress de la vie quotidienne avec cette tendance systématique de percevoir en négatif soi-même, les autres et le monde. Cette dimension d’hyperréactivité est liée à celle du névrosisme où domine la propension aux affects négatifs (anxieux et dépressifs) et la tendance à l’instabilité.

    Intensité affective


    C’est une tendance stable et régulière qui décrit la force avec laquelle un individu ressent ses émotions face à une stimulation et qui se généralise à travers tous les types d’émotions spécifiques. Ainsi, les individus qui ont tendance à ressentir de manière plus forte les émotions positives vont également ressentir les émotions négatives de manière plus intense. Par contre, l’intensité affective ne devrait pas affecter les réponses à des stimuli non émotionnels.
    Larsen et Diener (1987) se sont attachés à montrer que l’intensité affective devait être considérée comme une dimension du tempérament plutôt qu’un aspect de la personnalité, c’est-à-dire l’intensité affective ne doit pas avoir un rapport avec l’événement affectif mais plutôt une caractéristique du style de comportement et plus précisément du style émotionnel et cela quelle que soit la direction ou le contenu de ce comportement. En d’autres termes, l’intensité appartient à un style généralisé de comportement à travers des réponses spécifiques. L’intensité affective n’est pas reliée à la fréquence avec laquelle l’individu ressent des réactions affectives positives ou négatives (c’est la partie liée à l’émotivité) mais plutôt avec la manière dont il les ressent.
    Les sujets à forte intensité affective annoncent des réactions affectives plus fortes que les sujets à faible intensité affective. A l’opposé, lors de l’exposition à des stimuli non émotionnels, les différences entre les sujets disparaissent. De plus, les sujets à forte intensité affective ont plus de peine à être exposés à des stimuli considérés comme pénibles, leur capacité de tolérance à ce type de stimuli étant limitée. Il est important de retenir cette notion quand il s’agit de comprendre l’interaction entre une personne bipolaire et la nature du stress.

    Stabilité émotionnelle


    Cette dimension est indispensable pour compléter le " puzzle " émotionnel. Nous avons tous des hauts et des bas dans nos émotions et nos humeurs. Quand c’est " trop stable, c’est ennuyeux " et " si trop instable c’est invivable ". On parle de stabilité affective quand la personne éprouve des humeurs égales et constantes.
    Une personne avec une stabilité émotionnelle paraît équilibrée, capable de s’adapter aux changements – ses humeurs varient selon les circonstances – sa spontanéité et sa sensibilité sont dans la modération. Sa devise " toujours tenir bon et tenir parole " - il est dans la constance et la fiabilité.
    A l’opposé, la personne " instable " a tendance à manquer de contrôle dans tous les aspects de sa vie, au point d’oublier parfois qui elle est et ses obligations sociales. Ses émotions sont versatiles, en haut ou en bas, souvent extrêmes. Elle passe sans transition du pôle émotionnel positif au négatif (de la joie à la colère, de l’amour à la haine…). Elle se laisse aller à ses humeurs sans se soucier des conséquences sur les relations avec les autres.
    L’instabilité émotionnelle ne se limite pas aux humeurs mais elle touche également les niveaux d’énergie, d’intérêt pour les autres, de vigilance et des facultés intellectuelles.
    " Stabilité " rime aussi avec degré suffisant de contrôle émotionnel. Pour rappel, le cerveau dispose de deux systèmes de contrôle :
  • Contrôle Inhibiteur : comme être capable de rester calme quand on est plein dʼénergie, se retenir (ne pas rire dans une situation où il ne serait pas approprié de rire), résister à parler lorsque ce n’est pas son tour), à acheter un article qui nous attire, à manger ou boire… donc, avoir la capacité de contrôler ses émotions quand la situation ne s’y prête pas
  • Contrôle d’activation : comme être capable de terminer ses projets, accomplir une tâche pas agréable ou peu motivante, faire face aux difficultés ou contrariétés de la vie…

  • Implications thérapeutiques


    La sensibilité au stress est importante à plusieurs niveaux dans la prise en charge de la bipolarité
  • pour la prévention des premiers épisodes majeurs et des rechutes : avoir de l’aide et du soutien pour résoudre les problèmes de vie et les différents stress
  • pour la protection des " bons " rythmes psychosociaux (sommeil, récupération, forme physique, diète…)
  • pour limiter autant que possible les conséquences de la maladie qui sont en fait un énorme stress (isolement social, handicap au travail, perte d’emploi…)
  • Toutes les interventions thérapeutiques doivent tenir compte des stress et de la sensibilité aux stress des patients bipolaires : thérapie de soutien ; thérapie cognitive comportementale ; thérapie interpersonnelle ; thérapie de groupe ; thérapie familiale ; thérapie par rythmes sociaux…
    De même, la thérapie médicamenteuse, incontournable pour la bipolarité, doit respecter cette sensibilité au stress dans le sens être capable de réduire l’intensité et la réactivité émotionnelles (donc protéger le patient contre les interactions péjoratives entre son tempérament et son environnement) et surtout ne pas représenter un nouveau stress à cause des effets secondaires pénibles (fortes posologies, effets cognitifs, sédation, prise excessive de poids, effets neurologiques…). Tout est une question de savoir doser le traitement utile et essentiel et intégrer à la pharmacothérapie, la psychothérapie et le soutien social nécessaires.

    Ne laissez pas la bipolarité gâcher votre travail


    Faire un état des lieux pour évaluer la qualité de vie professionnelle en pensant aux éléments suivants :
  • Je prends du plaisir à travailler
  • Je résous des problèmes au travail ou fais face sans stress inutile
  • J’ai les idées claires en travaillant
  • Je suis capable de faire des choix clairs et précis dans mon travail ou de prendre les décisions nécessaires
  • Je peux mener à bien ce que je veux faire
  • Je suis satisfait(e) des choses que j’ai réalisées dans mon travail
  • J’ai l’impression de bien travailler
  • Je suis intéressé(e) par mon travail
  • Je suis suffisamment concentré(e) sur mon travail
  • Je travaille consciencieusement
  • Je fais le travail que lʼon attendait de moi
  • J’accomplis le travail moi-même, sans l’aide de personne, quand cʼest nécessaire
  • Je communique et travaille en me sentant à l’aise avec les autres au travail

  • Le tempérament et la sensibilité émotionnelle accompagnent la personne bipolaire partout, même au travail. L’enthousiasme pour le travail ou pour les projets en cours peut varier au rythme de la bipolarité (manie / dépression) ou en dents-de-scie perpétuelles dans la cyclothymie. En hypomanie par exemple, la personne BP élabore de nouvelles idées et passe un nombre d’heures incalculables au bureau, une situation qui devient insoutenable quand l’énergie baisse à nouveau. De même que l’intérêt pour le travail est labile, un bipolaire est tenté de démissionner au gré de son humeur. Les bipolaires sont affectivement impliqués dans votre vie professionnelle, y engagent l’ensemble de leur personne et en même temps sont sensibles à la critique et le rejet. Ils se mêlent des affaires qui ne les regardent pas comme défendre les droits de autres collègues (sensibilité à l’injustice). Comme ils sont très réactifs, sensibles et intenses, la probabilité des conflits est importante.
    Les bipolaires ont souvent une confiance en soi qui est tributaire de " l’extérieur " : des compliments, des gratifications des collègues, de la hiérarchie ou du patron. Comme si les repères de l’estime de soi se sont posés à l’extérieur. Ce qui représente un véritable piège – une bombe à retardement qui peut exploser à n’importe quel moment.
    De plus, les bipolaires adoptent des attitudes rigides, type " noir ou blanc " ou " tout ou rien ", qui sont associés au besoin permanent de reconnaissance et de recherche de validation de son être entier. Ces attitudes ne peuvent qu’accentuer le risque de stress professionnel
    Il est ainsi recommandé qu’une personne bipolaire soit vigilante sur certaines règles, comme :
  • Ne pas s’embarquer passivement dans les changements d’humeur, d’où l’importance de la connaissance du fonctionnement des différents états d’âme (rôle majeur de la psychoéducation)
  • Remplacer le " tout ou rien " dans la manière de travailler, par des nuances : adopter un plan de travail plus ou moins fixe et permanent, qui doit être un point d’ancrage. Ce n’est plus l’humeur qui décide de la quantité et de la qualité du travail mais le plan adopté.
  • Changer le besoin d’être aimé au travail par le besoin d’être apprécié par la qualité du travail – donc nécessité d’aspirer à une reconnaissance objectivable et non affective : promotion, reconnaissance salariale, bonus, prime, rémunération indirecte (comme voiture de fonction, portable, formation prodiguée par la boîte etc.)
  • Mieux communiquer avec les autres afin d’obtenir le meilleur soutien des collègues.
  • Penser à garder la forme physique en respectant une hygiène de vie correcte

  • En d’autres termes, un bipolaire a besoin de mettre l’accent sur la connaissance de son " moi " professionnel afin d’optimiser ses performances et surtout protéger son " moi émotionnel " des aléas et des stress du travail. Il est ainsi recommandé de ne pas lier son estime personnelle à son travail ; ne pas s’engager dans des relations de grandes proximités affectives avec les collègues ; partager des moments agréables avec les autres sans nécessairement faire des confidences très intimes ; aller au travail pour faire du bon boulot et non pour être aimé (pour plus de détails : lire " j’apprends à gérer ma cyclothymie ", par Hantouche & Majdalani, J Lyon, 2009)

    A lire : Le support de la conférence "bipolarité et sensibilité au stress du Dr Hantouche et de Melle Majdalani"

    février 2012

    janvier 2012