Que diagnostiquer avec la CLH-32 ?
26/09/2010
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Hypomanie / Manie
De la CH20 à la CLH32
En 1995, j’ai collaboré avec le Pr Akiskal pour mettre en place une étude nationale consacrée à l’exploration clinique du spectre bipolaire et spécialement le trouble BP-II = étude EPIDEP (qui a fait l’objet de plusieurs publications).
Cette étude a utilisé pour la première fois une auto-évaluation de l’hypomanie à l’aide de la CLH-20 : une version adaptée de l’entretien de l’étude longitudinale de Zurich (conduite par le Pr Angst) sous le format d’un auto-questionnaire.
Les premières données valident sa faisabilité et sa capacité de dépister les hypomanies et confirment la double dimension de l’hypomanie. Suite au travail réalisé en France avec la CLH-20, un projet a été mis en place pour développer un outil international de dépistage de l’hypomanie. Une version standardisée de 32 items a été construite par Angst et al (2005).
Dix ans plus tard, une version allongée de la CLH, la CLH-32 items a été créée par le professeur Jules Angst, en collaboration avec des experts de la bipolarité (Benazzi, Hantouche, Vieta, Perugi, Meyer, Adolphson, Scott). La première réunion s‘est tenue à Rome lors du congrès SOPSI, en février 2004.
Les nouveautés de la CLH-32
Première étude (Angst et ai 2005)
Les premiers résultats issus de 2 échantillons cliniques, un italien (N=186) et un suédois (N=240) sont en faveur de la validité de l’outil. Le profil symptomatique et la structure factorielle sont similaires. La dualité dimensionnelle : un facteur "hyperactivité / exaltation" et un autre "irritabilité / prise de risques".
Capacité de la CLH-32 de séparer entre les UP et BP (mais pas entre BP-I et BP-II) avec une sensibilité de 80.1% et une spécificité de 51.4%. Le facteur "sombre" était plus capable pour cette séparation UP-BP.
Cette capacité de séparer les diagnostics a été récemment dupliquée dans une étude en Taiwan (Wu etal, 2007) :
De plus, la structure bidimensionnelle de l’hypomanie a été retrouvée.
Dans l’étude italienne de Carta (2007)
La CLH-32 a été utilisée dans un groupe de patients suivis en psychiatrie et comparée avec le MDQ, utilisé dans un groupe comparable et même site. 123 sujets consécutifs ont été dépistés avec un entretien par le SCID : 26 ont reçu le diagnostic de trouble bipolaire / trouble schizo-affectif, 57 au moins un autre trouble, et 40 aucun trouble. Le groupe antérieur incluait 154 patients.
La CLH-32 paraît plus sensible que le MDQ pour dépister le trouble BP-II (en sachant les limites du diagnostic déjà porté selon le SCID).
Les meilleurs scores seuils des questionnaires MDQ et CLH-32 dans le trouble BP-II (étude de Carta et al, 2006) :
Une double étude Suédoise et allemande (Meyer et al, 2007) :
Deux groupes de sujets de la population générale ont été sélectionnés ; C’était important d’aller en PG car la CLH est construite selon une conception dimensionnelle de l’hypomanie. Donc cela suppose que la dimensionnalité soit similaire en PG et population clinique. En plus pouvoir repérer en PG des sujets avec des signes de trouble , une sorte de vulnérabilité aux troubles BP.
D’autres objectifs : explorer la structure factorielle de la CLH-32 dans un groupe de non patients et tester les liens entre l’hypomanie et la dépression et vice-versa.
1) Etude allemande : "online" questionnaire + questions sur la dépression (n = 695),
2) Etude Suédoise, méthode papier-crayon dans un échantillon représentatif de (n = 408)
.
Les résultats montrent :
En utilisant 2 indices de la CLH-32 (durée de 4 jours ou plus et conséquences négatives des phases de haut) : possibilité de définir un groupe de sujets à risque de développer une bipolarité (forte association avec une dépression intense).
Ainsi 11,4% de l’échantillon allemand (qui est proche de ce qu’Angst a récemment trouvé dans l’enquête de Zurich) et 5% de l’échantillon suédois remplissent ces critères d’hypomanie (chiffre actuellement proposé par la majorité des experts). Ce groupe de sujets hypomaniaques ont des niveaux plus élevés sur la BDI-II avec une histoire d’épisodes dépressifs sur la vie entière. De plus, ils ont plus recours à la psychothérapie que les autres. Les scores de la CLH-32 dans ce groupe sont significativement plus élevés, spécialement pour le facteur "sombre". On peut conclure que les "hauts" hypomaniaques ne sont simplement de "bons moments agréables" mais plutôt un indicateur d’une vulnérabilité bipolaire (cf. figure).
Les analyses dans le sens inverse étaient également intéressantes. Plus les sujets présentent des scores élevés de dépression actuelle, plus ils ont la probabilité de présenter également des hypomanies selon le DSM-IV (durée de 4 jours ou + et conséquences négatives).
Dépistage plus facile de l’hypomanie chez les patients dépressifs : les scores totaux et les sous-scores suffisent pour dépister les bipolaires.
Mais en PG, les critères de durée et de conséquences négatives sont importants et plus informatifs
Donc les phases "hautes" avec une dimension sombre, de 4 jours ou + et avec des conséquences négatives = ces "hauts" sont les plus spécifiques pour décrire l’Hypomanie. (irritabilité, distractibilité, abus de substance, café ou alcool). La dimension "active / exaltation" était incapable de distinguer les dépressifs UP et BP-II.
Lʼétude espagnole de l’équipe du Prof. Edouard Vieta
Il s’agit de la validation de la version espagnole de la CLH-32. L’étude a porté sur une population de 237 sujets (4 groupes : BP-I, BP-II, UP et témoins). La CLH-32 a été remplie à 2 reprises à 4 semaines d’intervalle.
Diagnostiquer avec la CLH-32 ?
Au total, la CLH-32 est un outil pratique pour le dépistage de l’hypomanie. Avec la version CLH-20, la CLH-32 a été validée dans de nombreuses études. Globalement quand la moitié des items est cochée, le seuil de discrimination est valable et valide.
Les cliniciens généralistes et psychiatres sont invités à se familiariser avec la passation des auto-questionnaires pour optimiser le repérage dans leur pratique du trouble bipolaire atténué, notamment quand les dépressions sont récurrentes, résistantes, précoces, intenses et/ou associées avec abus de substance.
D’autres études à une échelle internationale sont actuellement terminées : je ferai d’autres posts sur les résultats.

outils de diagnostics
Dépister la bipolarité chez les dépressifs : études récentes
Trouble dépressif majeur et bipolarité sous seuil
Dépistage du trouble BP-II avec la clh-20
Facteurs cliniques prédictifs de la non reconnaissance des troubles BP-I et BP-II
La double dimension de l’hypomanie
