Mon TOC et ma Cyclothymie
31/12/2007
Témoignages > Comorbidité
Les débuts du TOC
C’est en été 2000, de retour fatiguée d’un séjour linguistique, que je me suis écroulée après une suite de rituels de TOCs dont je ne voyais pas la fin. J’avais alors 15 ans.
La maladie s’était déclarée plusieurs années avant bien sûr, sans que je sache quand exactement car elle s’est installée très progressivement. Il me semble que cela a commencé par des prières qui devenaient de plus en plus répétitives et ritualisées. Je crois que c’est vers ce moment que je me suis aperçue que ce n’était pas tout à fait normal, mais j’étais encore une enfant. Je n’en ai jamais parlé, et le cachais. La maladie s’est ainsi installée et a pris de plus en plus de place et de temps au cours des années.
Finalement, un TOC, pour moi, commençait par l’intrusion d’une pensée de malheur concernant moi-même mais surtout ma famille ou mes amis, et parfois des inconnus dans la rue. Pour l’annuler, le rituel consistait à répéter le geste que j’étais en train de faire lors de l’arrivée de la pensée négative. Je le répétais jusqu’à ce je pense plusieurs fois à une pensée positive qui conjurerait la pensée précédente, et en répétant des phrases dans ma tête. Un cercle vicieux se mettait en place : plus je ritualisais, plus je me fatiguais (car les rituels demandaient une certaine concentration), et plus les rituels devenaient longs et pénibles puisque je n’arrivais plus à me concentrer. En même temps, le fait de ritualiser renforçait les TOCs : leurs fréquences augmentaient et les rituels se complexifiaient. Mon cerveau n’était presque jamais au repos, et ma fatigue laissa bientôt place à une dépression.
C’est donc au moment où je craque, cet été 2000, que j’ai expliqué à mes parents ce qui se passait. Ils étaient très surpris mais ne m’ont pas du tout jugée et ont essayé de comprendre. Je leur suis reconnaissante de leur réaction. Ils m’ont obtenu une consultation en urgence à l’Institut Montsouris, au cours de laquelle on m’a prescrit un anti-dépresseur, le Deroxat. J’ai donc poursuivi mes vacances avec ce traitement pour voir l’évolution. Mais bien sûr cela n’a pas fait disparaître les TOCs. En septembre, j’ai eu rendez-vous avec le Dr C. qui, très expéditif et sans aucun tact, a essayé de forcer mon hospitalisation. Comme j’étais très réfractaire à cette autorité brutale qui méprisait totalement mon avis sur la question, il a opté pour une thérapie classique avec une psychothérapeute. Celle-ci fut totalement inefficace, la psy ne disait rien. Mon état s’est aggravé, et on a passé plusieurs mois à ne pas savoir quoi faire.
Mon TOC devenait résistant
Début 2001, ma mère a pris contact avec l’AFTOC, qu’elle avait découverte en faisant des recherches sur internet. Sur leurs conseils, on a pris rendez-vous avec un autre psychiatre, expert des TOCs juvéniles, le Dr G (Paris). Elle fut la première à m’expliquer que je souffrais de TOCs et que c’était une maladie. Je me souviens qu’elle était très gentille et compréhensive. Elle savait ce que j’avais et le comprenait, ce fut un soulagement. On a alors commencé une thérapie comportementale pour soigner les TOCs, mais je ne me sentais pas la force de m’y engager complètement car je faisais une dépression en plus des TOCs. Mon état ne s’améliorant pas, elle m’a alors proposé de me faire hospitaliser, ce que j’ai accepté car je n’avais plus la force de faire quoi que ce soit d’autre, notamment travailler.
J’ai donc passé un mois et demi l’hopital. Mon traitement se composait d’un anti-dépresseur (Prozac) et de neuroleptiques (risperdal et zyprexa). Je n’y ai suivi aucune thérapie, et je me suis beaucoup ennuyée car mes TOCs m’empêchaient un maximum de mouvements. Je suis finalement sortie au printemps 2001 avec pratiquement 20 kilos de plus (causés par les médicaments) et pas d’amélioration notable concernant les TOCs et la dépression (en fait une humeur en yo-yo). J’en suis sortie peut-être un peu moins fatiguée.
Finalement pas grand-chose avait changé, les TOCs avaient toujours le dessus, ils me prenaient tout mon temps et rendaient compliqué chacun de mes gestes. Que ce soit entrer dans une pièce, ouvrir une porte, lire, écrire, toucher un objet, etc.. absolument tout, c’était la même galère. La vie était devenue impossible.
Découverte de ma cyclothymie
Ne sachant plus que faire, en hiver 2001-2002, ma mère prit contact avec Isabelle, une membre de l’AFTOC dont la fille avait été elle aussi atteinte de TOCs. Elle lui a conseillé de prendre rendez-vous avec le Dr H. car il avait été le seul à pouvoir guérir sa fille. On a réussi à obtenir une consultation avec lui, et il a diagnostiqué chez moi une cyclothymie, en plus des TOCs. Sur ce, il m’a mise sous Dépakine (régulateur de l’humeur) et Zoloft (anti-dépresseur).
Avec le temps, ce cocktail fut pour moi le traitement miracle. En effet, mon état s’est amélioré progressivement, et en quelques mois je n’avais presque plus de TOCs. Une fois mon état de convalescence stabilisé, les doses ont été réduites petit à petit. Afin de diminuer les effets secondaires du Zoloft, l’Effexor a aussi été ajouté à un moment, tout en diminuant la dose de Zoloft. Finalement, je n’ai pas vraiment fait de thérapie cognitive et comportementale : Le Dr H. m’avait bien dirigée vers un thérapeute pour en faire une, mais je n’ai pas réussi à la suivre vraiment. Mes TOCs relevaient davantage de l’aspect cognitif que comportemental, or la thérapie cognitive est délicate et les résultats sont parfois plus décevants qu’en thérapie comportementale.
Aujourd’hui je ne souffre plus de TOCs même si parfois des pensées surgissent encore, car j’arrive à les contrôler. Côté cyclothymie je vais aussi mieux, bien que je pense que je suis et resterai davantage sujette qu’une personne lambda aux changements rapides d’humeur. ôté suivi thérapeutique, je vois le Dr H. une fois tous les 4 mois.
Cet été 2008, on a encore diminué de moitié les doses (elles sont désormais vraiment minimales), et c’est avec plaisir que je n’ai constaté aucun changement négatif.
Cela fait maintenant quelques années que j’ai repris une vie tout à fait normale. Je n’aurais jamais cru que cela puisse être possible quand j’étais au plus mal. Je suis reconnaissante à l’AFTOC, et particulièrement Isabelle, qui m’ont mise sur la voie de la guérison en me dirigeant vers les bonnes personnes. Mais celui à qui je dois le plus ma guérison, c’est bien le Dr H., qui fut le seul capable de diagnostiquer ma cyclothymie, et ainsi me soigner en trouvant l’association de médicaments qu’il me fallait.
Commentaire CTAH
La cyclothymie doit être systématiquement dépistée dans le TOC juvénile, notamment en cas de résistance aux antidépresseurs anti-TOC (ou en cas d’aggravation induite par ces psychotropes). De plus, la récurrence dépressive, fréquente dans la cyclothymie, est responsable d’une résistance à la TCC. Enfin, comme c’est bien relaté dans ce témoignage, le TOC cyclothymique est souvent à dominance obsessionnelle (c’est la forme Oc qui domine : obsessions sexuelles, impulsives, sacrées...), donc peu de chance de réponse à une TCC classique.
Un traitement spécifique avec un thymorégulateur permet dans plus de la moitié des cas d’obtenir une rémission du TOC sans besoin de TCC.
TOC cyclothymique versus Non cyclothymique
