Le bleu après le noir, le Lithium me murmure à l’oreille
31/12/2007
Témoignages > Vécu sous traitement
Pourtant, les premiers jours, j’ai été paniquée. Je ne me reconnaissais plus. 25mg de téralithe et c’est 38 ans qui se perdent. Après des années de déconnexion corps/cerveau, j’avais l’impression de flotter et d’être observatrice de moi-même. J’ai beaucoup pleuré les premiers temps. Et puis, un matin, je me suis réveillée après une vraie bonne nuit d’un sommeil profond et là, j’ai commencé à me sentir mieux. Je me suis sentie plus calme, plus sereine, presque heureuse sans qu’il y ait besoin pour cela d’évènements extérieurs. Je me sens plus forte, plus sûre de moi. J’ai enfin l’impression d’avoir la tête, le corps et le coeur reliés. Pourtant, je ne suis pas différente. Ma personnalité est toujours la même ; c’est la perception que j’ai de moi et du monde extérieur qui a changé. Auparavant, j’étais sur une route à la rencontre d’un immense Rien. Il faisait nuit. Je tombais brutalement à chaque embuche : quand on se cogne contre quelque chose dans le noir, on a mal et la surprise intensifie ce mal ; on ne sent pas le coup venir. Alors, quand il arrive, on le prend de plein fouet sans savoir pourquoi ni comment y faire face. Aujourd’hui, je suis sur la même route avec les mêmes embuches mais il fait jour. Je vais à la rencontre de moi. Et je suis très confiante. Ce moi que je vais enfin trouver… Et puis, en effet, il y a des embuches mais quand on voit clair, on appréhende mieux les choses. Et si elles sont de la même nature, on les affronte de manière plus confiante. Le lithium me murmure à l’oreille : « prends ton temps » Je sais qu’il faut du temps et de la patience mais ce temps-là est très positif : c’est comme pour tout. La notion de temps est subjective. 1 heure, c’est toujours 60 mn…mais 60mn passées à lire un bon bouquin n’ont aucune commune mesure avec 60 mn passées à attendre un RER bondé. Avant, j’étais sur un quai Châtelet-les Halles 18h30. Aujourd’hui, je suis allongée confortablement avec un polar…j’ai le temps. Je récupère, je prends des forces, je me reconstruis ou plutôt…je me construis. Je suis prudente, je sais bien que rien n’est jamais vraiment acquis définitivement. Le lithium me murmure à l’oreille : « respecte-toi » Je comprends que je suis responsable de moi. Dormir correctement, bannir les excitants tels que le café, le thé, l’alcool, la nicotine, éviter les grignotages intempestifs, manger équilibré et sain…toutes ces petites choses que j’avais oubliées et auxquelles je suis désormais très vigilante. Je n’ai pas peur non plus de dire que je suis fragile, qu’il y a des situations difficiles pour moi. Je ne me crois plus toute puissante et cela me rassure énormément.
Je continue prudemment ma route, éclairée de toutes les nuances de bleu.
