Tornade dans un verre d’eau
31/12/2008
Témoignages > Scènettes de vécu bipolaire
La journée s’est de toute évidence déroulée sans incident majeur, une journée négligeable comme des milliers d’autres qui constituent les archives fantoches de la mémoire comateuse. Une journée à la tiédeur impavide qui passerait indéniablement inaperçue, sans ces insurrections invisibles fomentées par des agitateurs, rebelles à toute compromission, réfugiés dans les maquis de l’obscure région ce corps qui m’héberge.
Journée presque anodine donc, si ce n’est, je le précise non sans exaspération, qu’une collègue a fait une réflexion en début de réunion, à propos d’une quelconque information qui n’a pas circulé. Hélas, l’inepte réflexion m’a occupée l’esprit durant toute la réunion. Mes deux heures hebdomadaire de réunion, dont le seul ordre du jour non inscrit de surcroît, a péniblement accaparé la totalité de mon attention, me rendant totalement aliénée à cette insipide intervention despotique.
Cette idée fixe m’obsède et me ronge. elle me martèle et je la nourris de mon entière disponibilité. Inexorablement, mon corps saisi sous l’emprise de forces troubles, procède à une minutieuse collecte d’incommodités ratissées malgré les précautionneuses barricades devant me prémunir de toute influence néfaste et indésirable. Un appel téléphonique d’un commercial inquisiteur, les voisins irrespectueux aux nombreux petits pas bruyants, une odeur incommodante dans les transports, le pèse personne qui additionne au lieu de soustraire, une facture impayée… Et les heures s’enfilent, telles des perles, en un résultat désastreux.
Les journées s’achèvent, le corps qui suffoque, des attaques de milliers d’aiguillons qui agressent le thorax, la sensation d’être une lave bouillonnante sans cheminée de sortie.
Les nuits se présentent trop tôt à la porte, aussi chargées que le jour qui s’en va. L’endormissement s’organise, perturbé par ces manifestations sourdes et désordonnées d’un corps en effervescence. Je m’astreins enfin à m’allonger, capitulant tardivement, rigide et tendue comme une garnison prête à répondre aux attaques.
Les matins, la nuit ne porte pas conseil, j’enchaîne enserrée dans un étau, et je me débats furieusement, toutes les forces mobilisées contre ce volcan qui gronde et tressaute de spasmes sismiques dangereux.
le visage impassible, le corps droit, les yeux inexpressifs, rien ne s’échappe et ne transparaît de ces fièvres intérieures sauf juste par mégarde, un soupir d’agacement et une réponse cinglante disproportionnée qui tombe, longtemps après l’événement originel, incommensurable avec l’événement présent.
Abattue, désolée, je ressasse longuement mon tragique mouvement d’humeur. J’y repense dans les bras consolateurs d’une tablette de chocolat écoeurante et trop sucrée, percluse dans mon canapé. Ma mémoire affligeante sort alors de son coma pour accomplir son travail de projectionniste et dérouler sur l’écran de ma culpabilité les inexhaustibles déboires jalonnant mes relations au monde et aux êtres.