27 : Je reprends mon journal
31/12/2008
Témoignages > Bipolarité > La vie bipolaire de Melle M
Jeudi 26 mars 2009
7h36
Je n’arrive pas me mettre au travail alors que je me lève très tôt pour profiter du silence car mon service est une colonie de farceurs.
Je ne suis pas venue hier. Je vais prétexter une crise de foie, c’est assez crédible, il me semble. Même si certains savent que je suis bipolaire, je ne peux expliquer une chute vertigineuse. Tout a commencé mardi avec une remarque désobligeante car l’un de mes dossiers débordait un peu sur le bureau de mon voisin. Il a invoqué la notion d’espace vital, ça me rappelle Hitler en 1936 ?! Toujours est-il que je n’ai pas digéré alors qu’en d’autres circonstances, ça me serait passé au-dessus. Bref, j’ai trimbalé ce poids toute la journée Je me suis encore réfugiée dans les toilettes pour pleurer.. Quand je suis rentrée â la maison, j’ai été prise d’une crise de violence puis de mal être et j’aurais voulu qu’un avocat défende ma cause car j’ai toujours été incapable de relever la tête et d’envoyer bouler les méchants contrairement â Y. qui a le don du dernier mot. Ma sensibilité m’a coûté deux jours •out• et l’angoisse de retourner au bureau.
Il n’en faut beaucoup pour me faire mordre la poussière mais ce qui me peine encore plus c’est de me voir ainsi, fustiger autrui, souhaiter une vengeance, etc? c’est pas du joli, joli? je me sens appauvrie en humanité depuis que je retravaille, je n’arrive pas â faire la paix en moi. J’avais imaginé, â tort, que revenir â la société •soignée• ne me poserait pas de grande difficulté et pourtant je retrouve mes habituels comportements qui semblent puérils et pour cause, j’étais déjâ ainsi gamine.
Vendredi 27 mars 2009
07h41
Hier, je n’ai pas dit un mot. Le coup de l’huître mal digérée est bien passé. J’étais encore bien remontée envers mon collègue seulement c’était sans compter que je réalise que la moindre parole est dupliquée en 47 exemplaires pour tout le service. Et moi, comme la dernière des pommes, je •me livre•. Du temps où j’étais dans le privé, je menais la danse en hypomanie, le publique c’est vraiment autre chose surtout si on a le malheur d’être •différente•. Il va de soit que chacun est différent et porte sa propre croix, seulement, pour des questions pragmatiques, je dois bien terminer ma phrase par un attribut du sujet, et autant que faire ce peut, utiliser un qualificatif qui nous est familier.
Jeudi 2 avril 2009
07h18
Je suis encore sous le choc de l’incident diplomatique. Je n’aurais pas dû laisser un mot pour remettre â sa place mon voisin dont le deuxième prénom est •connard• comme la plupart des hommes ici (on s’amuse comme on peut?). Ce terme affectif cache certainement des pensées inavouées mais de lâ â savoir si c’est du lard ou du cochon, je devine qu’il me faudra du temps pour un peu plus de claire voyance. Toujours est-il que ce petit rigolo ne m’adresse plus la parole. Mon •retour• est aussi timide et difficile â négocier avec les autres car je suis •la fille qui fait la gueule• ou pas loin. Le problème est que, maintenant, je viens sous le coup de l’angoisse et je vis avec constamment. Vous m’avez conseillé de m’appuyer sur une personne ouverte et de confiance pour m’aider dans les passages difficiles, j’adhère totalement â cette idée car sans savoir l’impact que ça pouvait avoir, j’étais déjâ en recherche d’une telle relation. Néanmoins, il me faudrait la recette du détecteur de mensonge vu le cadre?
Je sais que j’évoque systématiquement le boulot seulement, pour le moment, c’est ma préoccupation principale et surtout ma seule activité exceptée la lecture dans le métro. Par conséquent le sujet sera récurrent. Hélas ! J’aimerais bien papoter d’autre chose, par exemple, les rats â Paris empêchent les canalisations de se boucher grasse aux 800 tonnes de déchets organiques. Ils peuvent sentir 13 000 d’échantillons de sang et détecter deux maladies alors qu’il faudrait plus d’une journée pour des résultats d’analyses classiques. Ils ne se jettent pas sur la nourriture sans avoir l’aval du testeur qui peut aussi communiquer par son halène pour garantir qu’il n’y a rien de toxique : un rat épargne la vie de toute la colonie. Ils ont aussi la force d’un athlète et la souplesse d’un gymnaste et grignotent sans cesse car leurs dents poussent â vitesse grand V. On arrête pas le progrès ! Surtout qu’ils étaient lâ bien avant les hommes ! Et de surcroît, au fil du temps, ils ont appris â anticiper la réaction des hommes si bien qu’ils se baladent tranquillement jusqu’aux poubelles quand ils •sentent• que l’homme est trop bourré pour aller â la chasse. C’est décidé, je vais en apprivoiser un ! En plus, c’est très propre comme bestiole surtout quand ils véhiculent des maladies. Enfin, merci â Y. de se cultiver, ça me permet d’en enregistrer des bribes vu que j’ai la mémoire peu fiable.
Ce qui me fait penser au fait que je ne sais pas me repérer dans le temps ni dans l’espace. Un rapport avec la maladie ? J’en doute fort ! Doit y avoir un trou dans mon éducation plutôt ?