Spécificité apparente de la personnalité borderline
26/09/2011
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Personnalité borderline
Par Dr E Hantouche
Il existe une multitude d’outils ou de questionnaires pour dépister la personnalité Borderline ou « Personnalité Limite » : questionnaire de Million (MCMI) ; Index du Syndrome Borderline de Conte : IPDE et le Diagnostic Interview for Borderline - DIB-R. Le DIB apparaît comme le meilleur outil pour capter ou prédire les critères diagnostiques du DSM de la personnalité BL (Lewis et Harder, 1991). En explorant un groupe de patients classés par des cliniciens comme ayant une personnalité limite au sens psychanalytique du terme, le DIB est moins inclusif que l’IPDE. Selon cette étude française, le concept de la personnalité limite au sens psychanalytique du terme est beaucoup plus large que celui défini par les critères diagnostiques du DSM-III-R ou de la CIM-10 (Chaine, 1996).
Le questionnaire DIB a été développé par Gunderson et al (1981 ; 1984) et revu en 1989 par Zanarini dans le but de mieux différencier les sujets ayant une personnalité borderline des sujets ayant d’autres troubles de la personnalité (Zanarini et al, 1990).
Le DIB R est un entretien semi-structuré ne demandant aucun entraînement particulier. Il évalue le trouble de la personnalité borderline à partir de quatre domaines supposés avoir une importance diagnostique dans ce trouble :
I- les affects (28 items)
Dépression
Colère
Anxiété
Autres affects dysphoriques
II- les cognitions (59 items)
Pensées bizarres, expériences perceptives inhabituelles
Modes de pensée persécutoire non délirante
Expériences psychotiques
III- les actions impulsives (19 items)
Abus de substances toxiques
Déviances sexuelles
Automutilations
Tentatives de suicide manipulatrices
Autres actes impulsifs
IV- les relations interpersonnelles (80 items)
Intolérance à la solitude
Thèmes d’abandon, d’engloutissement, d’annihilation
Contre-dépendance
Relations proches instables
Problèmes récurrents dans les rapports proches
Difficultés de la prise en charge psychiatrique
Les 186 items de l’entretien sont évalués à partir des caractéristiques du sujet durant les deux dernières années. En général, le sujet est la seule source d’information mais un petit nombre d’items peuvent utiliser d’autres sources de données.
L’étude de Zanarini a montré que sept items sont spécifiques à considérer éventuellement comme des marqueurs de la personnalité borderline :
1- Pensées bizarres, expériences perceptives inhabituelles
Personne très superstitieuse marquée avec tendance à avoir la pensée magique (croire que les pensées, paroles ou actes peuvent provoquer ou empêcher des événements de façon magique ou spéciale ; Faire preuve d’un sixième sens qui va au-delà du simple fait d’être réceptif ou sensible aux autres personnes et à leurs sentiments ; croire que les autres pensent ou ressentent grâce à quelque pouvoir magique comme la télépathie ; éprouver des expériences de voyance comme voir quelque chose qui se passe dans un autre endroit, ou prédire le futur ; avoir des convictions non partagées par l’entourage ; sentir la présence d’une force ou d’une personne qui n’est pas vraiment là, ou avoir des illusions récurrentes d’entendre quelqu’un ; avoir des sentiments d’irréalité, comme sentir que le corps ou une partie était étrange, ou changeait de taille, de forme, ou comme se sentir physiquement séparé de ses émotions ; ou comme si on se regarde à distance (dépersonnalisation) ; sentir que les choses autour de soi étaient irréelles ou changeaient de forme ou de taille (comme si on est dans un rêve ou quelque chose se trouvait entre soi et le monde (déréalisation)
2- Automutilations
Personne qui délibérément se fait du mal sans vouloir attenter à votre vie, par exemple : se couper, se brûler, se cogner, donner des coups de poings dans les vitres
3- Tentatives de suicide manipulatrices
Personne avec des pensées suicidaires, qui fait des tentatives de suicide manipulatoires ; les efforts suicidaires étant principalement faits dans le but d’être sauvé ou d’être affectivement sécurisé
4- Thèmes d’abandon, d’engloutissement, d’annihilation
Personne qui éprouve des craintes récurrentes d’être abandonné par ses proches, de se sentir étouffer ou de perdre son identité si relation rapprochée ou intime avec d’autres personnes (peur d’être englouti) ; parfois des craintes de se désagréger ou de cesser d’exister en cas de rejet ou abandon par quelqu’un d’important à ses yeux (peur d’annihilation)
5- Demande permanente, pensée que tout lui est dû
La personne demande de manière excessive et régulière à son entourage, des choses qu’ils ne peuvent ou ne doivent pas donner ; comme exiger beaucoup de leur temps et de leur disponibilité ; se comporter souvent comme si on a le droit à un traitement de faveur ou comme si les gens sont redevables de quelque chose à cause des difficultés que la personne traverse. Tendance à penser « que tout nous est dû »
6- Régression au cours d’une prise en charge psychiatrique
Personne qui a fait une ou plusieurs thérapie(s) individuelle(s) avec la notion de se sentir beaucoup plus mal au terme d’une (de ces) thérapies ou de régresser en thérapie individuelle ; Présence de plusieurs hospitalisations en service de psychiatrie avec le fait de se sentir beaucoup plus mal à l’issue de ces hospitalisations.
7- Contre-transfert
Présence de conflits au sein de l’équipe qui vous suivait pendant la prise en charge (ou l’hospitalisation – notion de contre-transfert massif de la part de l’équipe soignante ; le fait qu’un thérapeute qui se soit mis très en colère contre la personne ou qui a demandé de mettre un terme à la prise en charge ; ou à l’inverse, un thérapeute qui se soit beaucoup plus impliqué dans votre prise en charge que les autres thérapeutes ne l’auraient fait ; La personne a développé une amitié proche ou une histoire d’amour avec un membre d’une équipe soignante ou avec un thérapeute
Commentaires Dr EH
Si ces items s’avèrent des marqueurs de la personnalité BL (spécifiques par rapport aux autres troubles de la personnalité), il me semble qu’ils sont en quelque sorte peu discriminants par rapport à la cyclothymie. Il est fréquent d’observer ces items chez les patients cyclothymiques : sensibilité excessive au rejet, automutilations (cet item s’avère être lié spécifiquement à la bipolarité qu’à la personnalité BL), tentatives de suicide, régression lors des prises en charge (presque une constante chez les cyclothymiques, notamment avec les AD et les antipsychotiques), contre-transfert…
Je pense que la spécificité « apparente » de la personnalité BL disparaît quand on tient compte du spectre bipolaire dans sa forme cyclothymique instable. Pour moi, c’est un argument contre l’idée reçue que la cyclothymie représente une forme atténuée de la PMD ou la bipolarité mais plutôt une forme distincte, notamment avec les caractéristiques associées de la personnalité BL !