Droguée de toi
31/12/2007
Témoignages > Amour, sexe, couples
Au moment où j’écris ce texte, je peux dire qu’il n’est plus vraiment d’actualité, quoique, mais j’ai souhaité ici faire un travail de "remémoration" d’un état que j’ai vécu et auquel j’essaie maintenant d’échapper même si ce n’est vraiment pas facile) Il y a un sentiment que j’ai du mal à définir : l’amour.
Moi, cyclo, je ne sais pas quelle est la différence entre dépendre de l’Autre et l’aimer. Pour le moment, "aimer" est synonyme pour moi d’auto-destruction : je n’aime que si l’Autre s’épanouit pendant que je meurs. Je n’ai jamais vécu cet amour que l’on lit, que l’on voit, celui qui apporte le réconfort et l’épanouissement. Je vis des émotions fausses, disproportionnées, qui amènent à des sentiments faux et des réactions disproportionnées. Cela fait 38 ans que je ne m’aime pas et qu’on ne m’aime pas. Je passe ma vie à me fourvoyer dans des situations perdues d’avance. Je suis attirée par les hommes qui ne sont pas disponibles ; une espèce de défi.
Je me dis que, peut-être, un jour, un homme m’aimera tellement qu’il quittera tout pour moi. C’est comme si ça rattrapait tout le "désamour" des autres, avant. Mais, je me perds à chaque fois : je n’arrive pas à aimer. Je dépends. Je souffre et c’est comme ça que je me sens en vie. C’est dur, c’est très culpabilisant. J’aimerais que ça cesse mais je ne sais pas comment faire. Je suis irrésistiblement attirée par des situations perdues d’avance, risquées. Intellectuellement, je vois bien que je vais dans le mur mais je n’arrive pas à résister. Je ne suis pas assez forte. Dans ma tête, tout est faussé, en vrac : je suis persuadée qu’il n’y a que deux alternatives : vivre en souffrant ou ne pas souffrir mais se sentir morte.
Je vis des moments de passion, d’exaltation, d’euphorie où je me sens belle, désirée, le centre du monde d’un homme qui me laisse croire que, tout à coup, sa vie est bouleversée grâce ( ?) à moi. Et j’y crois à chaque fois. Pourtant, je devrais avoir retenu la leçon depuis le temps, quand même ! Eh bien, non, je persiste à emprunter ces chemins sans issue. Je commence à comprendre pourquoi? Je me sens si seule, si vide, si morte à l’intérieur que seule une passion peut me faire sentir en vie. Donc, j’ "aime" à ma façon, dans la souffrance et l’attente.
Dans ces relations, j’oscille sans cesse entre euphorie et découragement, colère.
C’est comme si mon cerveau cognitif et mon cerveau émotionnel menaient une lutte de pouvoir : lequel va me diriger ? Quand le cognitif a l’ascendant, je me sens plus calme et lucide. Je suis prête à quitter cet homme qui n’est pas pour moi et j’ai même l’impression que, non seulement je ne vais pas souffrir, mais qu’en plus je vais être soulagée. Mais il suffit d’un mot de sa part, d’une promesse, d’une allusion à un futur possible pour que l’émotionnel m’envahisse. Ensuite, je me sens à nouveau moche et humiliée. Tous ces combats me fatiguent énormément ; l’énergie que j’y laisse nuit à la vraie vie qui est la mienne : ma fille, mon travail.
Après, il y a toujours un moment où cet homme-là repart sur une autre route et me laisse, détruite, épuisée, en manque. En manque?c’est exactement le terme. Il y a 3 ans, j’ai rencontré un homme marié alors que je l’étais moi-même. Peu importe ce qui s’est passé entre nous ; le plus important c’est ce que je ressentais à ce moment-là. J’avais vraiment l’impression d’être droguée. Je savais que ça me faisait du mal et pourtant je continuais. Je disais à ceux qui m’incitaient à mettre un terme à cette relation : "Vous ne comprenez pas ? Je n’y arrive pas !" C’est comme s’il suffisait de dire à un héroïnomane : arrête, c’est pas bon pour toi ?
Personne ne me croyait. Pour eux, ce n’était qu’une question de volonté et cela me culpabilisait énormément. Aujourd’hui, je sais que je n’avais pas à culpabiliser parce que ces situations dangereuses dans lesquelles je me mettais s’expliquaient par des processus psychiques compliqués, trouvant leur origine dans des "défauts" de construction de Vie, de moi.
Maintenant, je sais qu’il me faut fuir à tout prix ces situations à haut risque, j’ai conscience de cette fragilité. On en revient toujours à la drogue : un ancien drogué sait qu’il n’est jamais à l’abri d’une rechute alors il doit être très vigilant. . Par ailleurs, avec le traitement à base de thymorégulateurs et grâce au travail de compréhension de ce que je suis, je me sens désormais suffisamment forte pour ne plus aller dans le mur. Je commence à m’estimer suffisamment pour refuser toute humiliation et toute manipulation. Je me projette enfin dans le futur ; je ne réagis plus en fonction de ce qui serait bon tout de suite sans me préoccuper du reste. J’aspire aujourd’hui à une vie harmonieuse. Je veux pouvoir me coucher le soir sans colère ni dégoût de moi. Je veux vivre sereinement et pleinement en consacrant mon énergie à ce qui est bon pour moi, ce qui me remplit. Ce que je désire le plus ardemment c’est d’être calme.
Le calme après la tempête ?
Il pleuvra sûrement encore mais je ne veux plus d’ouragan dans ma vie. Les travaux de réfection sont ensuite beaucoup trop chers et épuisants. Aujourd’hui, avant de sortir, je regarde par la fenêtre. Si le ciel est gris, je prends un parapluie. S’il est bleu, je prends mes lunettes de soleil. S’il est trop menaçant, je ne sors pas.