23 : patient partenaire
31/12/2008
Témoignages > Bipolarité > La vie bipolaire de Melle M
Lundi 9 février 2009
07h50
Encore au travail, aux aurores, comme chaque jour. Ne vous y trompez pas, je n’en suis pas moins dans le brouillard ! Je m’impose de venir au bureau si tôt pour avoir le temps d’une sieste en rentrant.
J’ai recommencé â jeûner autant que possible, besoin de me sentir purifiée ou illusion de perdre quelques kilos.
Comme â chaque fois, ça me prend â cette période de l’année et pourtant, ce n’est pas dans l’optique de me préparer â revêtir le plus petit bikini du monde ! Enfin cette année est un peu particulière car je me marie en août, donc je me dois d’avoir une silhouette présentable. Car il faut savoir que perdre 15 kilos, par privation, en 4 mois, c’est l’assurance d’en reprendre davantage voire plus? Mais on connaît tous la bonne morale sur le sujet donc je suis assez maso pour aller contre le bon sens !
Je perds patience â faire le yoyo entre "bas" et "potable". Je tente de diminuer le lithium â 600, je ne baisse que d’un quart donc je ne prends pas de gros risques. De toute façon, je reviendrai au traitement initial si ça tourne encore moins rond que carré.
Ca c’est l’avantage d’être informée, par vos soins, sur les traitements et leurs actions. S’observer est important pour comprendre les posologies et les modifier avec accord du thérapeute. Le rapport soignant / soigné se mue en un partenariat où chacun est acteur â part entière. Je suis loin de prétendre tout connaître mais je suis apte â réfléchir sereinement au sujet des médicaments sans mettre en péril les acquis, un peu si l’on suivait la recette de base tout en ajoutant quelques arômes, histoire de tester la cuisine moléculaire.
Mon TOC réapparaît quelque peu ces derniers temps. Je vois en continu des accidents violents, des corps démembrés, déchiquetés, désarticulés, immaculés de sang, des fractures ouvertes, des déboîtements, tout ce qu’il y a d’apeurant ; â tel point que je dois parfois m’arrêter dans la rue en scrutant tous les dangers possibles, en regardant bien mes pieds pour ne pas tomber ni être témoin d’une chute, en évitant les bouches d’égout, en m’accrochant aux rampes du métro : pourrais-je faire de la prévention ? Je ramasserais un sacré pactole !
Il y a bien longtemps que je ne vois plus ma vie comme une continuité mais comme scindée en deux périodes : celle avant la tournée des hôpitaux et celle d’après. La première était secouée mais plutôt heureuse dans l’ensemble alors que depuis 9 ans, j’ai la sensation de devoir vivre une nouvelle vie, construire d’autres projets, faire aussi en fonction de mes états? tomber par dessus bord puis essayez de marcher droit après une bonne noyade : le grand défi du bipolaire. Je ne m’explique pas le fait de cette vision dichotomique, néanmoins, je présume que c’est intimement lié â l’arrêt très brutal de mon "ancienne vie" et la nécessité de repartir en chemin avec trois francs six sous, la grande croisade des premiers pas de stabilité en ce qui me concerne ; je vous épargne ce que je pense de tout ceci en période mélancolique, ça rend pas belle de pleurer.