Cyclothymie : pont entre personnalité labile et dépression intermittente
31/12/2007
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Cyclothymie
Hypothèses
Il est incertain que la cyclothymie soit une caractéristique de la partie "typique" (hard) du spectre bipolaire (selon Kurt Schneider) ou une variante atténuée (bipolaire type II et dépressions récurrentes). Cette dernière supposition est en ligne avec la vision de Falret au sujet des formes mélancoliques de la folie circulaire.
Dans un travail récent, Van Valkenburg (JAD 2006), a montré une relation entre la cyclothymie et la personnalité "labile" (spectre de la folie circulaire).
Les données sont en défaveur de Schneider (pour qui la cyclothymie est synonyme de psychose maniaco-dépresive) et plutôt en faveur d’une conception de trouble distinct, d’une forme particulière de bipolarité proche de la définition de Falret en 1852 (qui parlait de Folie Circulaire, une forme cyclique mais sans intervalles libres). Cette circularité et non retour à l’euthymie correspondent-ils à la personnalité "labile" ou mieux selon ma conception, au tempérament cyclothymique ?
Pour tester cette hypothèse, 843 patients vus en consultation ont été interviewés avec le SADS sans aucune règle d’exclusion hiérarchique. La population a été par la suite divisée en 2 sous-groupes : avec cyclothymie (n = 163) et sans cyclothymie (n = 630).
Les analyses discriminantes ont montré une association significative de la cyclothymie avec les troubles (encadré). Malgré la largesse de la définition de la cyclothymie selon les RDC, elle s’est révélée essentiellement liée à la partie "soft" de la bipolarité où dominent les dépressions intermittentes, la personnalité labile et le trouble BP-II. Des données qui confortent les conceptions de Kretchmer et de Falret.
Dans ce sens, la cyclothymie est un pont entre la personnalité labile et les dépressions intermittentes (une forme BP bien distincte du BP-I).
Troubles RDC associés à la Cyclothymie
- Personnalité labile : F = 234,5 - p <0,001
- Trouble BP-II : F = 118,8 - p<0,001
- Dépression intermittente = 57,8 - p<0,001
- Dépression secondaire = 8,0 - p = 0,005
- Schizomanie = 32,1 - <0,001
Ni continuité, ni rupture
La cyclothymie est un tempérament et pas un trouble, donc pas besoin de la comparer avec les autres troubles bipolaire.
L’important est de pouvoir distinguer les épisodes thymiques (manie, hypomanie, dépression) et le tempérament de base (constitution fondamentale du sujet).
La cyclothymie est un tempérament complexe qui apparaît dans toutes les études récentes corrélés avec les autres tempéraments, dépressif, anxieux et irritable (tempérament composite instable), sauf avec le tempérament hyperthymique (stable).
Ainsi on peut comprendre les interactions qui existent entre les épisodes et le tempérament.
Par exemple, lʼinteraction du tempérament cyclothymique avec les épisodes génère :
Séparation entre tempérament et épisode
Elle permet de lever pas mal de confusion au sujet de la place nosologique de la cyclothymie.
Parmi les autres tempéraments, la cyclothymie est le plus à risque de développer une bipolarité. Cette possibilité explique l’hypothèse de la continuité entre cyclothymie et bipolarité, mais la cyclothymie reste différente de la bipolarité classique.
Nous verrons plus loin les données des études ayant exploré au sein de la population générale les liens entre les tempéraments et l’incidence des troubles psychiatriques. C’est en fait dans ce genre d’études qu’on peut explorer le rôle pathogène ou protecteur des tempéraments affectifs.
Les interactions entre tempéraments et épisodes thymiques sont probablement l’ultime indice de la bipolarité. Comme le montre la figure qui suit, les tempéraments influencent l’âge de début des épisodes dépressifs. Comme le sujet garde son tempérament au cours de l’épisode, le tableau clinique sera également teinté par la nature du tempérament :
En d’autres termes, la classification des troubles de l’humeur (DSM-IV, CIM-10) basée sur la polarité des épisodes est nécessaire mais insuffisante.
En se basant sur les épisodes, on adopte à tort l’hypothèse de continuum et la cyclothymie sera définie de manière artificielle et incomplète. D’où l’importance de tenir compte des "tempéraments de base" et de la marche dynamique de la maladie.
Je suis convaincu qu’il est quasi impossible de comprendre la phénoménologie des épisodes thymiques sans évaluer les tempéraments affectifs de base.
Kraepelin insistait lourdement sur ce point en désignant les tempéraments par des prédispositions fondamentales à la psychose maniaco-dépressive.
Probablement, c’est là où réside toute la spécificité de la cyclothymie. C’est l’interaction entre le tempérament et les épisodes qui est au coeur de ce trouble.
Dans une optique de recherche et d’approche clinique, une approche spécifique du diagnostic du tempérament cyclothymique est nécessaire. C’est ce qu’on retrouve dans les travaux récents avec le TEMPS-A (ou les auto-questionnaires des tempéraments affectifs).
Retrouvez notre définition de la cyclothymie.