Pourquoi les cyclothymiques sont-ils plus exposés aux antidépresseurs ?
30/09/2012
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Cyclothymie
5 dangers potentiels
Regardons les différentes raisons qui expliquent cette fâcheuse réalité
Ces cinq éléments sont capitaux à retenir – car ils peuvent inciter au dépistage de la cyclothymie chez un patient anxieux ou dépressif qui a présenté plus de 3 épisodes, qui a reçu plus de 3 antidépresseurs, qui a consulté plus de 3 médecins, qui présente un trouble qui semble d’accentuer avec les traitements conventionnels… Dans les cas où il y a un doute sur le diagnostic de bipolarité, le reflexe est de réduire les AD et instaurer un thymorégulateur et évaluer la réponse clinique. Les cliniciens seront ainsi surpris de la rapidité de l’amélioration clinique (par exemple, certains experts ont désigné ces formes de dépressions par « dépressions répondeurs au lithium »)
Deux autres points sont importants à garder en tête : la cyclothymie est une affection qui commence tôt dans la vie et qui est évolutive et non statique. Tant qu’elle n’est pas stabilisée, elle a tendance à cycler de manière circulaire, c’est-à-dire d’évoluer avec des oscillations continuelles avec des cycles de plus en plus rapides, sans compter le fardeau des conséquences négatives dans la vie professionnelle, familiale et sociale. En effet, les études les plus récentes confirment la complexité clinique de la cyclothymie et son impact sur le fonctionnement et la qualité de vie des personnes qui en souffrent.
Pourquoi les AD sont-ils « mauvais » chez les bipolaires cyclothymiques ?
Ces psychotropes peuvent induire plusieurs complications :
D’autres complications sont également imputées aux antidépresseurs, notamment en cas d’oublis répétés ou d’arrêt brutal du traitement.
Les oublis ou arrêts répétés d’un AD sont responsables d’effets indésirables, nommés symptômes d’interruption brutale (impulsivité, vertiges, mauvais sommeil, confusion…) qui nécessitent la remise du traitement. C’est typiquement le cas des patients qui, après arrêt ou oublis répétés de l’antidépresseur, voient leur dépression revenir plus intense et plus grave (avec de nouveaux symptômes). Parmi les AD les plus difficiles à arrêter, on cite la clomipramine, la paroxétine et la venlafaxine. Ces 3 AD ont en commun la puissance d’action sur les récepteurs de la sérotonine, leur demi-vie courte et leurs effets latéraux notamment sur les systèmes cholinergique et histaminique. Ce qui explique l’intensité du sevrage et la rapidité de sa survenue. Dans certains cas, le sevrage de ces AD est capable d’induire curieusement des virages (hypo)maniaques. Le seul AD qui comporte le moins de sevrage est la fluoxétine car sa demi-vie d’élimination est la plus longue (une semaine pour la fluoxétine et 5 semaines pour son métabolite, la nor-fluoxétine, qui est un métabolite actif, contrairement aux métabolites de la venlafaxine et paroxétine).
La répétition des phénomènes de sevrage est capable d’induire une résistance à l’effet antidépresseur. Ainsi, on se retrouve dans une situation bizarre où on est convaincu que l’AD n’est plus utile (voire même nocif) mais impossible de l’arrêter. Et dans les deux cas, de maintien ou d’arrêt, la cyclothymie risque de s’aggraver. Dans notre pratique au CTAH, on est contraint de faire face à cette situation qui demande des stratégies de longue haleine pour réduire au maximum et très progressivement l’AD et instaurer des thymorégulateurs (en sachant que les effets de ces derniers est susceptible d’être limité par les AD).
