Association CTAH-Recherche

Le dossier du moisOctobre 2012

Antidépresseurs et bipolarité

Comment avez-vous réagi aux antidépresseurs ?

L'edito

par Dr Hantouche

Spécificité de la Cyclothymie

Depuis ma rencontre avec le Pr Hagop Akiskal en 1985, les termes de cyclothymie et de spectre bipolaire sont devenus des repères cliniques significatifs dans mes travaux de recherche et de pratique.
Le terme “Spectre Bipolaire” est apparu pour la première fois dans la littérature psychiatrique en 1977, dans un article d’Akiskal qui présentait les résultats d’un suivi prospectif de patients cyclothymiques. La majorité de ces patients a développé un trouble BP-II (épisodes d’hypomanie) et peu de trouble bipolaire type I. Environ, la moitié des patients ayant reçu des antidépresseurs a développé une accélération des cycles.
Cette publication a, en fait, réhabilité le diagnostic de cyclothymie proposé, cent ans auparavant par Hecker. Pourtant, l’historique d e la cyclothymie est très intéressant.

Ainsi, depuis cette publication en 1977, le débat sera relancé concernant la signification attribuée à la cyclothymie : est-ce une forme atténuée ou sub-clinique de la maladie maniaco-dépressive ? Est-ce un tempérament affectif qui est en continuum avec la maladie bipolaire (facteur de risque pour toutes les formes bipolaire, BP-I et BP-II) ? Est-ce juste une personnalité particulière qui n’a aucun lien avec la bipolarité ?

Sous l’influence des travaux d’Akiskal, les formes sub-cliniques de bipolarité ont été identifiées dans la communauté ainsi que dans les populations cliniques, comme l’atteste le DSM-III (1980) qui inclut à côté des formes BP-I et BP-II, une catégorie « autres troubles affectifs spécifiques » dont le trouble cyclothymique (trouble chronique durant au moins 2 ans avec de nombreuses périodes de dépression et d’hypomanie d’une sévérité et d’une durée insuffisantes pour répondre aux critères classiques). Donc, la notion de spectre bipolaire selon la sévérité et la durée des épisodes, surtout (hypo)maniaques, a été officiellement introduite dès 1980.

Place de la Cyclothymie


Tout le monde pose la question suivante « la cyclothymie est-elle synonyme de bipolarité ? » ; la réponse est oui et non :
  • Oui, il s’agit d’un phénomène bipolaire, dans le sens où elle comporte des hauts et des bas, donc les deux pôles de l’humeur – énergie – activité (elle fait partie du spectre bipolaire) avec une tendance à la récurrence,
  • Non, car elle n’est pas uniquement un phénomène bipolaire avec une définition comme une forme atténuée de la bipolarité mais une forme différente des formes classiques des troubles bipolaires : troubles bipolaires type I et II.

  • Des différences majeures existent entre un trouble bipolaire classique et la cyclothymie (tableau - extrait du livre Hantouche et al, "j’apprends à gérer ma cyclothymie", J Lyon, 2010)
    Trouble bipolaire classiqueCyclothymie
    Episodes Maniaques ou dépressifs majeursPrésents dès le débutAbsents au début (au moins 2 ans chez les adultes et 1 an chez les jeunes)
    Intervalles libres entre les épisodesPrésentsAbsents – présence d’une oscillation perpétuelle continue
    Age de début des premières dépressionsTardif (> 20 ans)Tôt dans l’enfance – adolescence
    Tempérament de base (traits caractéristiques présents avant les épisodes)Stable, plutôt vers le haut (hyperthymie)Instable, complexe avec des traits anxieux, dépressifs et une sensibilité émotionnelle excessive
    SexePlutôt masculinPlutôt féminin
    Fréquence des épisodesFaible à modéréePlus élevée
    Cyclicité rapide, ultrarapide
    Séquence des épisodes*(Hypo)Manie suivie d’une dépressionDépression suivie d’une (hypo)manie
    Mixité des épisodesPeu fréquenteClassique
    Réponse au lithiumExcellenteMitigée
    Comorbidité (ou troubles associés)Modérée (abus d’alcool, anxiété généralisée, troubles des conduites)Très fréquente : troubles anxieux, addictions (boulimie, abus d’alcool), troubles de contrôle des impulsions, troubles de la personnalité (traits Borderline)…

    Donc, le trouble cyclothymique comporte d’une part des épisodes dépressifs et hypomaniaques et d’autre part des signes permanents d’instabilité (changements continuels des niveaux d’humeur, d’activité et d’énergie). Cette caractéristique est fondamentale à retenir car elle va servir de base pour les stratégies de gestion. Celle-ci doit tenir compte des « grandes vagues » (c’est-à-dire les épisodes) et surtout les « petites vagues » qui ont le plus d’incidence sur la qualité de vie professionnelle, sociale et amoureuse.

    La psychiatrie a eu la fâcheuse habitude de nous indiquer la maladie dans ses formes les plus intenses et caricaturales. Dans les troubles de l’humeur, les "grands problèmes" sont, en réalité, dans le quotidien du patient, un quotidien influencé par les "petites vagues", les changements brusques d’humeur, d’énergie et d’activité – des "petites vagues" qui ne sont pas visibles aux autres en tant que trouble – mais en fait qui représentent l’aventure essentielle d’une âme en souffrance de sa sensibilité, de sa réactivité affective, une âme en quête de sérénité, de quiétude et de stabilité.


    Interactions entre "épisodes" et "tempéraments"


    Il est quasi impossible de comprendre, classer et soigner un trouble de l’humeur sans se référer aux interactions entre les épisodes et les tempéraments affectifs. Se limiter juste aux épisodes majeurs conduit à des diagnostics partiels ou erronés, donc à des traitements inadéquats.
    Les travaux de Hagop Akiskal et d’Athanasios Koukopoulos ont une importance capitale, celle de montrer la valeur de ces interactions (tableau)
    Parmi les sous-types de bipolarité, la forme cyclothymique ou BP-II1/2 est la plus fréquente ; sa fréquence est estimée à 30% des dépressifs majeurs consultant en psychiatrie.



    Tempéramenttroubles BP mineurs
    (dépression mineure)
    trouble BP-II
    (Dépression majeure)
    trouble BP-IVtrouble BP-IVtrouble BP-IV
    Cyclothymiquetrouble Cyclothymiquetrouble BP-II et II 1/2
    IrritablePersonnalité BorderlineBP-II mixte
    DépressifDysthymietrouble BP-III

    Prévalence de la cyclothymie


    Une récente revue sur l’épidémiologie des troubles bipolaires a porté sur environ une centaine d’études dont 8 seulement consacrées ou ayant concerné la cyclothymie. C’est dire la négligence de ce trouble (Van Meter et al, 2012).
    Dans la population générale, les chiffres de prévalence varie entre 0,4 et 2,5% (variations qui dépendent largement des critères utilisés pour définir le diagnostic). Les enquêtes récentes sur la bipolarité sub-syndromique révèlent des taux de fréquence de 6 à 13% de la population générale.


    Dans les populations cliniques, la cyclothymie est retrouvée avec des chiffres nettement plus élevées : entre 30 et 50% ! Ce qui représente un contraste flagrant avec la réalité clinique où les cyclothymiques peuvent attendre entre 10 et 15 ans avant qu’ils ne soient reconnus comme ayant un trouble bipolaire et pas juste une dépression, un mal-être, une anxiété, une boulimie, une addiction...


    En effet, il existe des obstacles « naturels » contre le dépistage correct de la cyclothymie. Les difficultés se trouvent au niveau du repérage en pratique de lʼhypomanie et de la circularité entre les hauts et les bas.
    Les patients consultent rarement en phase hypomaniaque (contrairement aux phases dépressives), car les symptômes hypomaniaques sont socialement désirables et rarement vécus comme pathologiques ; c’est le côté « soleil » de l’hypomanie. De plus, les épisodes hypomaniaques sont brefs (durée moyenne de 2 à 4 jours) et donc plus courts que les épisodes dépressifs et comportent peu de handicap au début de la cyclothymie.
    Cela dit, les vrais obstacles sur lesquels on peut agir (ce n’est pas une fatalité), sont du fait des médecins qui :

  • évaluent peu souvent la dépression et l’hypomanie simultanément.
  • ne tiennent pas compte des épisodes hypomaniaques (seuls les épisodes de manie, plus sévères, sont retenus comme indicateurs de bipolarité).
  • interprètent les traits cyclothymiques comme des traits de personnalité et non comme des indices d’un trouble de l’humeur spécifique
  • interrogent rarement l’entourage proche qui reconnaît plus facilement l’aspect pathologique de l’hypomanie et la cyclothymie (que le patient).
  • En d’autres termes, à défaut d’avoir l’habitude de dépister systématiquement l’hypomanie et les traits cyclothymiques, le diagnostic de cyclothymie est souvent raté. Même dans les cas dépistés et évalués (plein d’exemples au CTAH), certains psychiatres s’opposent activement contre ce diagnostic et sont capables d’arrêter le thymorégulateur instauré après le dépistage !


    Importance de la cyclothymie


    Chez les connaisseurs de la maladie bipolaire, je constate que le rôle de la cyclothymie en tant que « trouble » et « tempérament » commence à prendre de plus en plus d’importance. Par exemple, Nwulia et al (2008) ont exploré chez les patients bipolaires le phénomène de « Switch rapide », c’est-à-dire les virages brutaux entre les pôles (hypo)maniaques et dépressifs. Ils ont retrouvé que ce phénomène était lié aux caractéristiques suivantes :
  • âge de début précoce des symptômes affectifs
  • comorbidité anxieuse
  • conduites de suicide ou d’automutilation
  • cours évolutif complexe
  • activation par les antidépresseurs

  • Ces caractéristiques sont celles de la cyclothymie. Les auteurs concluent à l’importance de regarder le trouble affectif dans sa globalité et évolutivité – où la complexité, la précocité et l’instabilité occupent une valeur spéciale et robuste dans la compréhension et le traitement de la bipolarité.


    En parlant de précocité et d’instabilité, l’étude conduite conjointement avec le Dr Kochamn, a montré que 31% des jeunes dépressifs présentaient un tempérament cyclothymique. Le suivi sur 2 ans a révélé de manière significative que la présence de ce tempérament était prédictif des cas qui ont développé ultérieurement un trouble bipolaire (64% contre 16% des dépressifs sans cyclothymie) et un risque suicidaire (81% contre 36%).


    Actuellement, plusieurs équipes américaines s’intéressent particulièrement à la validité du diagnostic de cyclothymie chez les enfants et adolescents (Van Meter 2011).
    D’autres études pointent du doigt le rôle de la cyclothymie comme facteur de risque majeur des conduites suicidaires et d’automutilation. Je citerai le dernier article sur ce sujet (Pompili et al 2012) qui a pu établir une connexion significative entre le cluster du tempérament « cyclothymique – dépressif – anxieux » et les niveaux de désespoir et de risque de suicide (64% contre 13% dans le groupe avec un tempérament stable hyperthymique).

    Implications pour la recherche


    Il ne va pas sans dire que j’ai insisté tout au long de cette tribune sur la nécessité de considérer la cyclothymie dans la pratique et surtout dans la recherche. L’idée forte est de changer notre regard sur les formes apparemment sub-syndromiques ou atténuées (par rapport aux seuils arbitraires admis sans aucune validité à part leur intensité ou sévérité) des troubles affectifs. Par exemple :
  • en s’intéressant à la place de la cyclothymie dans les cas résistants, récurrents ou difficiles à soigner avec les moyens conventionnels
  • en orientant la recherche vers le dépistage des cas qui sont susceptibles d’être aggravés par les antidépresseurs, donc vers une recherche préventive (Van Meter et al, 2012)
  • en affinant la recherche génétique, comme tenir compte du rôle des tempéraments comme facteur de risque et de marqueurs de transmission plus spécifique au sein des familles bipolaires (Greenwood et al, 2012)
  • en élaborant des formats de psychoéducation et de psychothérapies plus adaptées à la cyclothymie qui s’avère être un sujet de prédilection de psychopathologie développementale vu sa précocité de début, son impact sur le développement des jeunes, ses interactions dans la mise en place des schémas de vie dysfonctionnels… (Goto et al., 2011)
  • en suivant au long cours des jeunes cyclothymiques pour mieux comprendre les risques liés à ce trouble, évaluer l’efficacité des mesures thérapeutiques, et estimer le pronostic.

  • Il est ainsi évident que le défi n’est plus de démontrer la spécificité de la cyclothymie mais aller au-delà des considérations théoriques en démontrant le fardeau de ce trouble en termes de risque sur le développement et de morbidité globale (altération de la qualité de vie et du fonctionnement). Malgré son apparence de trouble atténué, les preuves se cumulent pour démontrer que les impacts sur la qualité de vie, sur la récurrence dépressive, sur la mauvaise qualité de réponse aux traitements (antidépresseurs, stimulants, neuroleptiques), sur le risque de suicide... sont équivalents voir même plus importants que les impacts des troubles bipolaires classiques.


    Une étude récente (Nilsson et al, 2012), a révélé chez des patients bipolaires en rémission et suivis sur une période de 2 ans que la présence d’un tempérament cyclothymique était prédictive de récurrence dépressive (même en contrôlant la qualité de l’observance du traitement) et d’une altération de la qualité de vie (gestion du quotidien, loisirs, vie sociale).
    C’est signifier le rôle des "petites vagues" cyclothymiques et leur impact sur une gestion efficace du quotidien. En d’autres termes, saisir le côté pathologique d’une bipolarité sub-syndromique apparemment atténuée que les cliniciens négligent souvent et ne lui prêtent pas son rôle psychopathologique. Ainsi, l’équipe de Nassir Ghaemi a montré dans leur étude sur les tempéraments affectifs que la cyclothymie représentait le tempérament le plus significatif sur le plan psychopathologique et pronostic (Vohringer et al, 2012).

    Pour réaliser de tels défis, il est évident que la cyclothymie soit acceptée comme trouble distinct ou spécifique au sein du spectre bipolaire, tout au moins, ne plus le laisser dans le « foutoir » clinique de la catégorie « bipolaire non spécifié ailleurs ».

    Références


  • Akiskal HS, Djenderedjian AM, Rosenthal RH, Khani MK. Cyclothymic disorder: validating criteria for inclusion in the bipolar affective group. Am J Psychiatry. 1977 Nov;134(11):1227-33.

  • Kochman FJ, Hantouche EG, Ferrari P, Lancrenon S, Bayart D, Akiskal HS. Cyclothymic temperament as a prospective predictor of bipolarity and suicidality in children and adolescents with major depressive disorder. J Affect Disord. 2005 Mar;85(1-2):181-9.

  • Nwulia EA, Zandi PP, McInnis MG, DePaulo JR Jr, MacKinnon DF. Rapid switching of mood in families with familial bipolar disorder. Bipolar Disord. 2008 Jul;10(5):597-606.

  • Van Meter, A., Moreira, A., & Youngstrom, E. (2011). Meta-analysis of epidemiologic studies of pediatric bipolar disorder. J Clin Psychiatry, 72(9),
    1250–1256.

  • Van Meter, A., Youngstrom, E., Youngstrom, J., Feeny, N., & Findling, R. (2011). Examining the validity of cyclothymic disorder in a youth sample. J Affect Disord, 132(1–2), 55–63.

  • Van Meter AR, Youngstrum EA, Findling RL. Cyclothymic disorder : A critical review. Clinical Psychology Review, 2012 ; 32 : 229–243.

  • Pompili M, Innamorati M, Rihmer Z, Gonda X, Serafini G, Akiskal H, Amore M, Niolu C, Sher L, Tatarelli R, Perugi G, Girardi P. Cyclothymic-depressive-anxious temperament pattern is related to suicide risk in 346 patients with major mood disorders. J Affect Disord. 2012 Feb;136(3):405-11.

  • Greenwood TA, Akiskal HS, Akiskal KK. Bipolar Genome Study, Kelsoe JR. Association Study of Temperament in Bipolar Disorder Reveals Significant Associations with Three Novel Loci. Biol Psychiatry. 2012 Feb 22.

  • Goto, S., Terao, T., Hoaki, N., & Wang, Y. Cyclothymic and hyperthymic temperaments may predict bipolarity in major depressive disorder: A supportive evidence for bipolar II1/2 and IV. J Affect Disord. 2011 Mar;129: 34-8.

  • Nilsson KK, Straarup KN, Jørgensen CR, Licht RW. Affective temperaments relation to functional impairment and affective recurrences in bipolar disorder patients. J Affect Disord. 2012 May;138(3):332-6.

  • Vöhringer PA, Whitham EA, Thommi SB, Holtzman NS, Khrad H, Ghaemi SN. Affective temperaments in clinical practice: A validation study in mood disorders. J Affect Disord. 2012 Feb;136(3):577-80.


  • La tribune

    par Melle Majdalani

    Des gênes et des thérapies pour stabiliser les bipolaires et les cyclothymiques

    Les études confirment l’importance et l’efficacité d’une thérapie basée sur la régularité de la routine ainsi que sur les relations interpersonnelles dans le trouble bipolaire notamment de type I (en combinaison avec la pharmacologie) mais également de type II (même en monothérapie). Les recherches actuelles sont très favorables à l’étiologie génétique de la sensibilité du système circadien et de son incidence patente sur l’humeur.

    L’hypothèse d’Ellen Frank proposée aux personnes présentant un trouble bipolaire de type II, notamment dans la définition qu’elle propose, pourrait être appliquée à la cyclothymique comme détaillée dans la dernière partie.

    Le gène « RORB» responsable du dysfonctionnement du rythme circadien


    Des gènes régulant les rythmes circadiens (rythmes dʼenviron 24 heures) seraient impliqués dans la physiopathologie du trouble bipolaire chez les enfants, selon Niculescu. « Le trouble bipolaire est souvent caractérisé par des anomalies du rythme circadien, et ceci est particulièrement vrai chez les enfants ».

    Une diminution du sommeil a été identifié comme lʼun des symptômes précoces permettant de distinguer le trouble bipolaire du trouble déficit dʼattention et hyperactivité (TDAH).

    L’étude des gènes RORA et RORB chez 152 enfants ayant reçu un diagnostic de trouble bipolaire, a révélé la présence de quatre altérations du gène RORB liées avec le trouble BP précoce.
    Le gène RORB est surtout exprimé dans lʼoeil, la glande pinéale et le cerveau. Son expression varie en fonction du rythme circadien dans certains tissus, sachant que des souris dépourvues de ce gène montrent des anomalies de ce rythme.

    Le gène « Clock » responsable de manie


    Les épisodes de manie dans le trouble bipolaire peuvent être liés à une mutation dʼun gène contrôlant lʼhorloge biologique, selon une recherche effectuée par Colleen McClung à lʼuniversité du Texas à Dallas.

    Il a étudié chez des souris le gène Clock lié au rythme circadien (ce quʼon désigne par le terme horloge biologique) qui affecte le sommeil, lʼactivité, les hormones et lʼappétit.

    Des souris dont le gène était modifié ont ainsi été comparées à des souris avec un gène normal. Les souris dont le gène était modifié manifestaient un comportement maniaque. Ces souris étaient hyperactives, moins anxieuses et moins déprimées. Par exemple, elles étaient moins craintives lorsquʼelles étaient placées dans un espace ouvert. Elles dormaient moins et montraient une plus grande activité du cerveau en réponse à lʼeau sucrée, la cocaïne et une légère stimulation électrique du cerveau.
    Finalement, lorsque les chercheurs ajoutaient du lithium à leur eau, ces souris abandonnaient leur comportement maniaque et commençaient à agir comme les souris ayant un gène normal.

    Rythme circadien (Horloge biologique) sensible, importance de la régularité : Pour une psychothérapie basée sur le rythme


    Le trouble bipolaire est caractérisé par une perturbation de lʼhorloge biologique (qui régule les cycles de veille et sommeil), une horloge fragile qui doit être soigneusement protégée, selon Ellen Frank. Le sommeil doit être particulièrement soigné car il a un grand impact sur la maladie : on récupère plus difficilement et plus lentement d’un changement dans la routine ou d’un manque de sommeil quand on est bipolaire que quand on ne l’est pas.


    Une psychothérapie centrée sur les changements dans le mode de vie pour régulariser son horaire peut soulager les symptômes du trouble (Ellen Frank). Plusieurs recherches avaient déjà montré que les perturbations dans les routines quotidiennes pouvaient rendre plus susceptibles de vivre de nouveaux épisodes (de manie/hypomanie ou de dépression). Les recherches actuelles montrent quʼaider les gens à atteindre et maintenir des rythmes sociaux, incluant un horaire de sommeil régulier et une activité physique adéquate, prévient les rechutes thymiques.


    Les personnes atteintes de trouble bipolaire (BPI, BPII et Cyclothymie) qui bénéficient dʼune psychothérapie qui les aide à maintenir une routine quotidienne régulière et à composer avec le stress, préviennent mieux les rechutes.

    Dans la "thérapie interpersonnelle et du rythme social", on utilise un outil pour enregistrer et contrôler la régularité des activités quotidiennes (repas, activité physique et sommeil).
    Cette psychothérapie consiste à aider à comprendre comment les changements dans les routines quotidiennes et la qualité des relations et des rôles sociaux (comme parent ou conjoint par exemple) affectent l’humeur. Après avoir identifié les situations qui peuvent déclencher des épisodes thymiques, les sujets apprennent à mieux composer avec les événements stressants et à maintenir des relations plus positives. Ces apprentissages sont au trouble bipolaire ce que lʼapprentissage dʼune alimentation différente est au diabète.


    La thérapie des rythmes sociaux appliquée à la cyclothymie


    L’instabilité, un élément fondamental dans la bipolarité.
    Selon Goodwin & Jamison, le modèle de l’instabilité est fondamental dans les troubles bipolaires ; il l’est encore plus dans le cadre de la cyclothymie, qui est un tempérament dans ses fondements instables émotionnellement et qui confinent avec l’âge et les évènements de vie au trouble qui est loin d’être une bipolarité atténuée mais une forme à risque très importante, handicapante et débilitante, responsables de plusieurs parcours de vie chaotique, avortés et sources d’une grande souffrance.
    Les différentes composantes et difficultés de la thérapie basée sur les rythmes sociaux et interpersonnelles telles que proposées par le Dr Franck appliquées à la cyclothymie
  • Explication de l’importance de la régularité des rythmes sociaux :
    Les cyclothymiques ont souvent des rythmes décalés (sommeil, repas etc.), très instables et eux aussi sont souvent réticents aux changements et à la mise en place d’un rythme plus stable. Eux aussi ont du mal à reconnaître le lien entre les couchers réguliers et les réveils fixes et leur incidence directe sur l’humeur ainsi que le lien entre l’hypomanie et la dépression. En effet, ils voient souvent dans l’hypomanie (notamment dans sa version soleil) le moyen de rattraper le retard accumulé lors de phases dépressives.
    D’où l’importance de la psychoéducation.

  • Apprendre à régler le niveau de stimulation en fonction des états thymiques (quelque soient leurs durées)
    Vu les variations quotidiennes ou plus espacées dans le temps, il leur est également important d’augmenter le niveau de stimulation quand l’humeur baisse ou lors de périodes favorables à la dépression ou hypomanie et de le baisser en période d’hyperactivité. Les cyclothymiques connaissent également un fonctionnement dichotomique (noir ou blanc) et apprennent des comportements plus nuancés. Entre « tout faire » et « ne rien faire », il existe plusieurs alternatives à adapter aux moments et aux situations en cours. Une grande partie de la thérapie consiste à apprendre à naviguer dans des eaux intermédiaires.

  • Difficulté à identifier et catégoriser les états affectifs
    Les patients pensent souvent que les variations d’humeur sont très aléatoires. Ils apprennent donc à reconnaître les différents types de situations capables d’altérer leur humeur ainsi que les signes pathognomoniques de dépression, d ‘hypomanie et d’état mixte.
    Dans la cyclothymie également, il est important d’apprendre à prendre conscience (comme le précise le Pr Koukopoulos) des changements de niveaux d’énergie

  • Problèmes interpersonnels liés aux idées de grandeur et la prétention
    En dehors des phases hypomaniaques/maniaques, il est trouvé souvent dans les schémas des cyclothymiques :
    Les patients sont souvent grandioses autant dans leurs plaintes, leurs symptômes, leurs souffrances que dans la surestimation de soi (de manière souvent camouflée) ; ce qui peut engendrer de la colère dans l’entourage pouvant mener à des ruptures dans les relations interpersonnelles (notamment affectives) et à de grands conflits et difficultés au travail. Ce schéma est également plus facilement abordable dans le cadre d’une relation thérapeutique solide et suffisamment longue.

  • Problèmes liés à la régulation de l’affect :

    1) En raison souvent de la cyclicité rapide de l’humeur, mais aussi de l’intensité et de l’hyperéactivité, on retrouve chez les cyclothymiques instables et changeants de grandes difficultés de gestion émotionnelle. Nous sommes étonnés que le Dr Frank parlent de cette instabilité chez les BPII ? Il serait intéressant de réévaluer sa population à travers le questionnaire de cyclothymie

    2) Non acceptation et non reconnaissance des états hypomaniaques,

    3) Difficulté à distinguer les épisodes distincts (notamment mixte) de leurs déclencheurs

    4) Les patients ne sont pas capables de souvenir de leur dépression lorsqu’ils sont euthymiques ou hypomaniaques et vice versa

    5) Les patients tentent de régulariser leur humeur par l’abus de drogues, y compris les substances comme le café, l’alcool et le cannabis

  • Références


  • Frank E., Kupfer DJ., Thase ME., Mallainger AG., Swartz HA., Fagiolini AM., Grochocinski V., Houck P., Scott J., Thompson W., Monk T. (2005), Two-year outcomes for interpersonal and social rythm therapy in individual with bipolar I disorder, Archives of General Psychiatry, 62(9) : 996-1004

  • Frank E., Swart H., Boland E. (2007), Interpersonnal and Social Rhythm Therapy : an intervention addressing rhythm dysregulation in bipolar disorder, Dialogues in Clinical neuroscience, vol.9, No. 3

  • Holly A., Swart H., Frank E. (2008), Psychothérapie interpersonnelle et des rythmes sociaux dans le trouble bipolaire II : structure du traitement et exemples cliniques, Santé mentale au Québec, vol.33, No. 2, p.151-184

  • McClung C. (2007), Circadian Genes, Rythm and Biology of Mood Disorder, Pharmacol Ther., 114(2) :222-32

  • McGrath CL., Glatt SJ., Sklar P., Le-Niculescu H., Kuczenki R., Doyle AE., Biederman J., Mick E., Faraone SV., Niculescu AB., Tsuang MT. (2009), Evidence for genetic association of RORB with bipolar disorder, BMC Psychiatry, 12;9:70
  • Les articles du dossier

    Avis d'experts

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    Cas cliniques

    Bipolarité et anti-dépresseursIllustration la complexité de la prise dʼanti-dépresseurs par les bipolaires et surtout les risques liés à l’absence du diagnostic correct et à l’exposition aux anti-dépresseurs.

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    Les antidépresseurs m’ont rendue plus cyclothymique que jamaisA 24 ans, cette jeune-femme est passée par beaucoup de conduite à risques, de traitements médicaux mais elle prend une décision.

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    De psychiatre en psychiatre ou de l’obscurité à la lumière !Mon témoignage consiste à vous dire d’être vraiment très vigilant quant à la relation que vous entretenez avec votre psychiatre.

    Bipolaire-info témoigne sur les anti-dépresseursTémoignages de bipolaires commentés par un médecin sur la prise dʼanti-dépresseurs