TOC résistant : bipolarité cachée ou ignorée ?
31/12/2007
Auteur : Dr Hantouche
Anxiété / TOC > Techniques pour lutter contre les TOC
Je voulais demander ton avis concernant une adolescente de 16 ans, que je suis depuis 4 ans pour un TOC résistant.
Je l’ai rencontrée la première fois après une tentative de suicide devant un épuisement psychique lié à des conflits terribles entre ses parents (un père très impulsif, rigide, anxieux, pathologiquement jaloux et une mère déprimée, obsessionnelle, passive-agressive). Cette jeune patiente était prise dans les conflits des parents, terrifiée par la violence du père et collée à sa mère comme pour la protéger. Elle présentait à l’époque une dépression, des symptômes anorexiques et un perfectionnisme scolaire. J’ai pu mettre en évidence par la suite la présence d’un TOC avec des ruminations obsessionnelles autour de la séparation et de la mort surtout de la mère (fortement liées à la peur de la mort de la mère devant les explosions possibles du père). Elle présentait des rituels de vérifications gênants.
La prise en charge familiale d’un côté, et pharmacologique (Zoloft 100 mg) et TTC de l’autre, ont permis un apaisement de la situation et une amélioration clinique partielle des symptômes obsessionnels mais avec des hauts et des bas réguliers. Cependant, ce qui a commencé à me frapper, c’est moins la dimension des symptômes obsessionnels, que ’importance de l’obsessionnalité psychique avec une pensée qui n’arrive pas à s’apaiser, des questionnements permanents, des doutes et des peurs sur le retour des obsessions, même une obsessionnalité douloureuse autour d’un amour non réciproque avec un camarade. J’assiste à une obsessionnalité de la pensée qui a un effet épuisant sur la jeune patiente.
Plus récemment, elle m’a fait part de l’apparition de sauts d’humeur pluri-quotidiens, plus vers le bas que vers le haut et sans pics dramatiques, mais qu’elle vit très mal car elle se culpabilise de l’effet que cela pourrait avoir sur l’équilibre fragile des parents. Elle utilise bien sa thérapie, mais elle reste dans un contrôle permanent car probablement ce contrôle a été pour elle une solution de survie dans ce contexte familial, mais est désormais devenu une gêne et une souffrance dont elle a du mal à se défaire. Je souhaitais demander ton avis par rapport à la position que tu as parfois de considérer les TOC dans le cadre du spectre bipolaire et de l’utilisation dans certains cas de thymorégulateurs.
Le Zoloft garde une efficacité sur les symptômes et n’a pas eu d’effets d’augmentation des TOC, mais il est loin de produire une fluidification de la pensée de cette jeune qui malgré son intelligence est prise dans des contraintes douloureuses. L’ego-dystonie de ses pensées ne permettent pas non plus de les considérer comme des traits de personnalité. Le père s’est beaucoup apaisé depuis qu’il a accepté de voir un psychiatre, mais je ne suis pas arrivé à savoir s’il a eu un traitement et lequel. J’avais pensé devant son impulsivité et explosivité anxieuse à un trouble bipolaire.
J’ai évoqué l’hypothèse d’une rencontre avec toi, mais il est possible que ton avis indirect puisse être suffisant pour m’aider à la prise en charge
Merci de ton avis’
Mon avis était en faveur d’un TOC Cyclothymique
et un second e-mail
’Cher Elie,
J’ai vu hier soir une situation clinique très intéressante. une adolescente de 15 ans, suivi depuis longtemps pour des TOC d’apparence assez classiques (dont elle n’a parlé que très tard bien que présentes depuis l’âge de 7 ans) et plutôt gênants. La psychiatre l’a mise sous Zoloft 50 mg. Les TOC ont disparues sous 24H (après 8 ans de présence!!!) avec apparition d’une certaine nervosité, sans plus. Elle est arrivée aux urgences suite à une fugue avec des conflits importants avec les parents en lien avec une consommation de cannabis récente. J’ai repris l’histoire clinique et il s’agit de toute évidence d’un trouble bipolaire juvénile assez typique avec une familiarité pour les troubles bipolaires (un oncle et une grande-mère).
La famille est d’accord pour un traitement par thymorégulateur. J’ai un seul doute. Le Zoloft a eu un petit effet activateur chez cette jeune (pas un véritable virage) mais surtout a fait disparaître en 24H un TOC qui existait depuis 8 ans. La jeune a peur que si on l’arrête ces TOC puissent revenir. Elle a ce traitement depuis 3 semaines. Je ne sais pas s’il faut l’arrêter, même si je doute de cet effet miraculeux. Aurais-tu un conseil a me donner ? J’ai conseillé aux parents de lire ton livre sur la cyclothymie, peut-être ils te solliciteront.
Merci de ton conseil’
Et ma réponse
’Cher Mario,
Un TOC qui disparaît en 24 heures = virage typique (pas de doute - dʼhabitude il faut au moins 4 à 8 semaines de délai pour que les ISRSs agissent sur le TOC) - dans ce cas tu laisses Zoloft et tu ajoutes dépakine chrono 500 1/2 cp soir
bilan dans 2 à 3 mois’
A côté de la réactivité au traitement, je retiens :