Boulimie : quelle place dans le spectre bipolaire ?
25/09/2010
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Frontières / masques trompeurs
Des données récentes démontrent des liens cliniques, biologiques et pharmacologiques entre les troubles des conduites alimentaires et les troubles bipolaires, plus particulièrement lorsque des formes atténuées des deux troubles sont pris en considération.
L’objectif de ce travail est d’évaluer la prévalence de la boulimie nerveuse (BN) chez les patients atteints de dépression atypique (atypical depression, "AD"), et de repérer les facteurs démographiques, cliniques, et les facteurs de personnalité ou de tempérament qui peuvent caractériser ce sous-groupe.
Méthodologie de lʼétude
Nous avons examiné, à travers un entretien semi-structuré, 107 patients consécutifs qui présentaient des épisodes de dépression majeure avec traits atypiques correspondant aux critères DSM-IV, que nous avons séparés en deux groupes en fonction de la présence des critères de boulimie nerveuse.
Le bilan psychométrique comportait l’échelle de diagnostique de la dépression atypique (Atypical Depression Diagnostic Scale, ADDS), la liste des symptômes de Hopkins (the Hopkins Symptoms Check-list, HSCL 90), l’échelle Dépression de Hamilton (Hamilton Rating Scale for Depression ,HRSD), dans sa version modifiée pour les caractéristiques végétatives inverses (hypersomnie, hyperphagie), ainsi que le questionnaire des tempéraments affectifs (Temps-A). Enfin, la comorbidité sur les axes I et II a été explorée.
Résultats
17.8 % des personnes présentant des dépressions atypiques présentent les critères DSM-IV de la boulimie nerveuse (BN+). Comparés aux patients qui ne présentent pas de critères de BN (BN-), il était impossible de distinguer chez les BN+ des caractéristiques démographiques, et moins encore psychopathologiques et cliniques (y compris bipolarité de type I et II).
Dans le groupe BN+, la comorbidité était significativement plus élevée pour les troubles de personnalité type narcissique, histrionique, borderline et dépendante, aussi bien que pour le tempérament cyclothymique. De plus, le groupe BN+ obtenait des scores plus élevés sur les items relatifs à la réactivité de l’humeur et à la sensibilité interpersonnelle.
Limites :
Étude clinique observationnelle dans laquelle les médecins nʼétaient pas complètement aveugles par rapport à certaines variables.
Conclusions
Le tempérament cyclothymique, l’humeur réactive et la sensibilité interpersonnelle peuvent expliquer en grande partie la relation entre Dépression Atypique et Boulimie Nerveuse. Les traits narcissiques, histrioniques et borderlines semblent eux aussi être liés à la présence d’une constitution cyclothymique. Les données globales - particulièrement celles qui concernent la réactivité cyclothymique en l’absence de différence concernant la fréquence des troubles BP I et BP II - soutiennent l’hypothèse qui place la boulimie nerveuse dans la partie "ultra-soft" du spectre bipolaire.
Commentaire CTAH
Nous observons de manière régulière la co-occurence des frénésies alimentaires et de boulimie chez les patientes cyclothymiques. Les troubles alimentaires semblent plutôt avoir un lien psychopathologique avec la cyclothymie quʼavec la présence des hypomanies (BP-II) ou manies (BP-I). Plus dʼétudes sont nécessaires pour explorer ce lien cyclothymie - sensibilité interpersonnelle et frénésies alimentaires.
Un travail au CTAH est en cours de mise en place (avec Barbara Verhaeghe & Dr Elie Hantouche)
Références
La cyclothymie : trouble difficile à voir et à explorer
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Cyclothymie et stress post-traumatique : quels rapports ?
La cyclothymie : l’épreuve des concepts de la maladie mentale