Catania : l’inter-épisode ou ˮeuthymieˮ
31/12/2008
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Evolution / Risques
Inter-épisode : Intervalle libre ou lucide ?
Conférence du Pr G. Maina de Turin
Dans des conférences que je donnais il y a des années, j’insistais sur la phase dite "inter-épisodique" chez les patients souffrant de dépression récurrente ou de bipolarité. En fait c’est dans ces phases qu’on peut mieux évaluer les facteurs de risque (notamment les tempéraments), la co-morbidité, les effets secondaires des traitements (effets cognitifs) et la qualité de récupération de la personne (résidu des symptômes maniaques et/ou dépressifs) et sa rapidité (comment la personne a-t-elle récupéré et à quelle vitesse ?)
Altération de la qualité de vie dans le trouble BP-II
C’est dans les phases dites euthymiques que l’on peut également évaluer la qualité de vie (QDV) de la personne bipolaire, c’est-à-dire savoir si le patient fonctionne bien dans sa vie familiale, sociale, professionnelle ainsi que sa santé physique.
Une des dernières études a montré que la qualité de vie est plus altérée dans BP-II que dans BP-I (BP-II < BP-I < Contrôles) (Maina et al, 2007). Une des explications est l’impact des dépressions sub-syndromiques plus présentes dans les phases euthymiques du trouble BP-II. Rappelons que le BP-II présente plus de récurrence dépressive que le BP-I avec un âge de début plus précoce et surtout que ce trouble est mal soigné (car non dépisté au début) et exposé aux antidépresseurs. D’autres facteurs, comme la comorbidité plus importante dans le BP-II, peuvent être cités.
Euthymie : intervalle vraiment libre ?
Ces périodes ne sont pas en réalité assez "libres" - il y a toujours une combinaison de multiples éléments qui sont responsables d’une altération de la qualité de vie des patients bipolaires
1. Symptômes résiduels ou dépressions sub-syndromiques (à ne pas confondre avec des prodromes des rechutes ou de récidives ou survenue de nouveaux épisodes) ; ce résidu dépressif est responsable des altérations du fonctionnement de la personne d’une part et d’autre part d’une accélération des rechutes (multipliée par 3) (Judd 2008)
2. Déficits cognitifs basiques (difficultés de l’attention, de la mémoire ) attribuées à la maladie bipolaire responsable d’une incapacité des réponses d’inhibition (impulsivité, précipitation), de difficultés d’avoir une attention soutenue et des troubles de la mémoire verbale (Bora 2009)
3. Co-morbidité : abus de substance, troubles de la personnalité, troubles anxieux qui sont présents en dehors des épisodes et influencent de manière significative la qualité de rémission et de récupération ; Alcool, personnalité Borderline et TOC sont des exemples typiques de co-morbidité assez fréquente dans le trouble BP-II. On a montré que la présence d’un trouble anxieux est responsable d’une altération supplémentaire de la QDV des bipolaires et d’un raccourcissement de la durée euthymique (de 17 à 11 mois en moyenne). Pour traiter les "bipolaires en rémission avec anxiété", Maina et al (2008) ont montré que l’addition d’Olanzapine est plus efficace que l’addition de Lamotrigine.
4. Effets des traitements, notamment les effets péjoratifs des antipsychotiques sur la fluence verbale, l’apprentissage (Jamrozinski 2008) : à noter ici que la présence des éléments psychotiques au sein de la bipolarité sont aussi associés à des déficits cognitifs plus importants (par rapport aux bipolaires sans éléments psychotiques). En revanche, l’étude des effets cognitifs du lithium sur 2 ans de traitement révèle une normalisation des fonctions de la mémoire
5. Conditions somatiques dont le poids excessif ; à signaler que l’excès pondéral a été observé même chez les patients qui n’ont jamais pris de psychotropes (mais l’usage de certains psychotropes est responsable d’une prise de poids excessive et d’une majoration du syndrome métabolique) ; les conditions comme l’HTA, le cholestérol HDL, les triglycérides, la glycémie, la TSH (fonction de la thyroïde), l’excès de tabagisme doivent faire partie du bilan clinique de tous les bipolaires avant et au cours des traitements
6. Enfin, les tempéraments qui sont toujours présents en dehors des épisodes (c’est une occasion de les évaluer sans l’influence des épisodes sur cette évaluation) ; En effet, la présence de traits cyclothymiques (tempérament instable) induit des conséquences différentes qu’un tempérament stable hyperthymique. L’intervalle est donc instable de manière chronique (avec les complications qui vont avec) et plus de comorbidité (panique, TOC, abus de substances, traits borderline, boulimie )
Remarque du Pr Perugi : les intervalles entre les épisodes étaient classiquement désignés par "lucides" et non "libres" ; c’est-à-dire les phases où le patient devient lucide. Le terme "libre" est inapproprié car une majorité des patients présentent quelque chose entre les épisodes.
Références
BILAN CLINIQUE
Comment vous décrivez votre état entre les épisodes (loin des épisodes maniaques, hypomaniaques ou dépressifs, au moins 3 mois après la fin du dernier épisode) ?
Symptômes résiduels du dernier épisode
ï? presque normal (absence de symptômes typiques de manie ou dépression)
ï? persistance de symptômes dépressifs
ï? persistance de symptômes d’hypomanie
ï? des hauts et des bas continuels
Anxiété :
ï? Oui ï? Non
Si Oui, précisez :
ï? soucis excessifs et inquiétudes
ï? obsessions et ou compulsions
ï? crises de panique
ï? anxiété sociale (timidité, évitement des situations sociales)
Troubles de la personnalité :
ï? Oui ï? Non
Si Oui, précisez :
ï? Personnalité Borderline (état limite)
ï? Personnalité Histrionique
ï? Personnalité Antisociale (psychopathie)
ï? Personnalité Anxieuse (dépendante, évitante ou obsessionnelle)
Troubles cognitifs :
ï? Oui ï? Non
Si Oui
ï? difficultés d’attention
ï? difficultés de mémoire
ï? difficultés de lecture, d’écriture, de tenir une conversation
Abus de substance (usage excessif, dépendance) :
ï? Oui ï? Non
Si Oui, préciser la nature de la substance : ..
Tempérament de base
(traits présents depuis l’adolescence qui caractérisent votre état habituel et les niveaux d’énergie et d’humeur)
ï? battant, trop sociable, stable, hyperactif
ï? triste, pessimiste, long dormeur, conformiste
ï? irritable, hostile, de mauvaise humeur, humour mordant
ï? soucieux, inquiet, anxieux
ï? instable avec des hauts et des bas, trop sensible
Dans le traitement pris dans cette phase actuelle, y a-t-il des :
ï? antipsychotiques â forte posologie
ï? thymorégulateurs â forte posologie
ï? sédatifs ou anxiolytiques â forte posologie
ï? antidépresseurs
Conditions somatiques
ï? Syndrome métabolique (si au moins 3 des éléments suivants)
ï? excès de tabagisme
ï? hypertension artérielle
ï? excès de poids
ï? trop de cholestérol (HDL)
ï? trop de triglycérides
ï? hyperglycémie (diabète)
ï? Trouble de la thyroïde (TSH élevée)
ï? Trouble cardiovasculaire (athérosclérose, angine de poitrine, infarctus du myocarde )
ï? Trouble pulmonaire (asthme, bronchopathie chronique)
