Début de traitement avec le lithium : évolution émotionnelle et physique
31/12/2007
Témoignages > Vécu sous traitement
7Juin 2008 : (4ème jour avec Lithium)
Hier, j’ai lu le livre du Dr Hantouche : "Cyclothymie, pour le pire et pour le meilleur". Je ne m’y reconnais pas. Ca semblait pourtant évident lors de l’entretien de mardi et là je ne sais plus ce que j’ai. Je ne comprends plus rien aux mots "bipolaire", "cyclothymie". Je doute du diagnostic, je doute du Dr Hantouche : il m’a dit que j’étais bipolaire instable mais il ne parle pas de cette pathologie dans le livre. Il m’a parlé de déséquilibre hormonal, d’une maladie ; mais je ne vois rien de tout ça dans ces pages. Faut-il vraiment prendre du lithium ? Pourquoi ? Peut-être que je n’ai rien. J’ai bien réalisé que ce n’était pas une dépression nerveuse mais je ne suis peut-être pas bipolaire non plus ? J’ai "juste" craqué suite à trop de pressions, suite à un choc émotionnel (faire le deuil de mon mariage, de ma relation avec Laurent, accepter que je ne sois plus la femme de sa vie, accepter qu’il ait d’autres priorités, d’autres choses à faire, qu’il ne sera plus disponible à 100%, que je ne pourrai plus l’appeler pour un oui ou pour un non et qu’il ne le fera plus non plus, etc...) Donc, j’ai subi un choc émotionnel qui m’a conduit au "pétage de câbles" du 13 mai ? et à toutes les dérives (alcool, lexomil, désinhibition, création du blog).
Bon, le problème c’est que cela n’explique pas non plus le mal-être que je ressens depuis toujours, l’impression parfois de ne pas avoir la tête et le corps connectés, l’impression de vide à l’intérieur, cette fatigue sans arrêt, cette pression que je me mets pour les tâches quotidiennes.
Donc, je ne suis pas dépressive. Je sais bien qu’il y a un truc qui ne va pas mais je ne me reconnais pas non plus dans les pathologies décrites par le Dr Hantouche.
Je culpabilise encore plus : je n’ai peut-être rien : comment l’avouer maintenant ? comment dire aux autres : "en fait, non, je ne suis pas malade. J’ai juste craqué" ? pour le reste, ce mal-être ?je ne sais pas : c’est peut-être moi tout simplement. Je suis comme ça.
J’ai décidé d’écrire parce que j’ai l’impression de tout oublier, mes idées sont fuyantes. J’ai peur de ne plus savoir pourquoi tout ça : le neurologue, le lithium. Le regard des Autres est terrible pour moi : j’ai honte de ce que je suis. J’ai honte d’avoir craqué, de m’être montrée si extravertie par rapport à ces évènements. Quand j’ai craqué, j’ai envoyé un mail à tout mon carnet d’adresse (donc pas qu’à des très proches) pour décrire ce que je vivais, que j’étais malade, etc. J’ai vraiment honte. Une amie m’a répété ce qu’une autre lui a dit : "mais pourquoi est-ce qu’elle raconte tout comme ça à tout le monde ? C’est du domaine du privé !". Elle a raison. Je ne me souviens plus très bien pourquoi j’ai fait ça. De toute façon, heureusement qu’il y a Marielle pour se souvenir à ma place, parce qu’avec la quantité de Lexomil que je prenais chaque jour, j’ai peu de souvenirs de la période entre le 10 et le 24 mai. C’est très flou mais je sais quand même que j’étais très volubile, très extravertie tout en ayant envie de dormir et de ne plus rien gérer. J’ai vraiment honte. Du coup, le monde extérieur me semble un ennemi maintenant. J’ai peur de sortir. Les gens ne croient pas vraiment que je suis malade. D’ailleurs, il n’y a qu’à voir leurs réactions face au diagnostic. Ils sont incrédules. Quand ils savent, ils ne demandent plus de mes nouvelles ensuite. Il aurait mieux valu que j’aie une tumeur au cerveau. Même le fait que je prenne du lithium et qu’il pourrait y avoir des effets secondaires ne les inquiète pas. Je souffre vraiment de la réaction des autres, de leur peu d’intérêt pour moi. Je pensais vraiment que quand on est malade, les gens s’intéressaient plus à nous. Mais les rats quittent le navire. Alors, comme ils ne croient pas réellement à une maladie, je doute aussi, de tout, de moi, du diagnostic. Qui reste-t-il finalement ? Marielle, Laurent et Jean-Jacques (mais, lui, c’est différent, je ne peux pas me permettre le luxe de compter sur lui.)
Physiquement, je suis dans du coton. J’ai l’impression de ne plus avoir de muscles, de ne plus contrôler mon corps. En revanche, j’ai mal dans les articulations et je suis très tendue au niveau de la nuque.
Cela dit, pour la 1ère fois cette nuit, j’ai dormi à peu prés convenablement (pas très profondément mais mieux quand même). Je suis angoissée quand je vais me coucher : c’est un peu normal : je ne peux plus prendre de Lexomil maintenant et, depuis que je prends du lithium, je n’ai plus mis de patch de niquitine.
Je suis invitée à prendre l’apéritif ce soir chez les parents d’un de mes anciens élèves. J’ai peur d’y aller, de pleurer (ça arrive quand même de moins en moins). Je me sens si nulle, si "petite".
Je ne sais vraiment plus où j’en suis, j’ai l’impression presque de ne plus exister. Je comprends maintenant pourquoi Mme Roger m’a dit "quand vous serez plus sereine, on s’occupera de votre restructuration". Je comprends bien ce terme. En revanche, je suis loin de me sentir sereine !
Je recommence à faire des petites choses du quotidien, à m’occuper de moi (physiquement), à travailler un peu (le travail, encore une autre source de culpabilité), je fais attention à ce que je mange :je ne grignote plus, je n’ai pas mangé de chocolat depuis mardi dernier, je me force à me préparer de vrais repas équilibrés. Mais je suis obligée de tout noter car je perds la mémoire ; j’oublie ce que j’avais à faire. Je me fais une liste (pas trop ambitieuse) de ce que j’ai à faire chaque jour et j’essaie de m’y tenir. J’ai l’impression d’être une convalescente, de revenir d’une autre planète sauf que je n’ai rien dʼhéroÏque. Je pense que je passe pour une folle, une hystérique aux yeux des autres. Je commence à devenir parano ou alors beaucoup trop sensible au monde extérieur?je ne sais pas ce qui est le pire !
Je me ferme.
Je me sens triste et seule aujourd’hui. J’aimerais tellement me calmer, apparaître aux yeux des autres moins survoltée et, en même temps, moins dépendante de leur regard.
J’ai, à nouveau, envie de mourir : je suis si déçue et si honteuse.
Je réalise que je ne peux pas dire "j’ai quelque chose". On peut dire "j’ai une grippe", "j’ai un rhume", "j’ai un cancer"; mais, là , dans mon cas, on ne peut pas dire "j’ai une bipolarité instable". Moi, je n’ai rien, je suis. Je suis quelque chose qui ne va pas, que je ne comprends pas mais qui me rend coupable.
Si on me demande : qu’est-ce que tu as ? Je ne sais pas quoi répondre. Je n’ai rien. Je suis un truc qui débloque.
Jusqu’à présent, j’arrivais à expliquer un peu, un truc plus ou moins arrangé à ma sauce mais dont j’étais persuadée de la véracité. Maintenant, je ne sais plus. Le Dr Hantouche ne parle pas du tout de ça dans son livre.
Aller vers une psychopharmacologie hippocratique