01 : présentations
31/12/2007
Témoignages > Cyclothymie > Chroniques dune cyclothymique
Mlle N., 32 ans, est suivie depuis 2003 pour des TOCs sévères qui sont associés â une cyclothymie jamais dépistée avant cette date.
Elle est scénariste, mais lintensité et la complexité de ses troubles ont probablement bloqué sa créativité et lexpression optimale de son talent
Elle a longtemps hésité de rédiger son propre scénario, celui de sa vie tourmentée, celui de ses démons internes, ses TOCs, sa cyclothymie, ses boulimies ?.
Voici son récit â découvrir où elle raconte ses démons intérieurs, sa cyclothymie, sa vie de ? rock and roll ?, sa vie de borderline, son addiction amoureuse, les tourments de sa vie au quotidien, sa vie avec les autres?
Est-elle â ce point si différente des autres et si incomprise des autres. Elle parle de ses ennuis et de ses comportements de nimporte quoi, des séquelles de la cyclothymie, des cicatrices émotionnelles, des mauvaises habitudes, une vie gâchée par la maladie (32 ans, seule, encore chez ses parents).
Une question lui taraude lesprit : ? est-ce que jai droit un jour au bonheur, â la quiétude, â un peu de succès ? ?
Rock and Roll? Ma vie est rock and roll.
Partie 1
Après tergiversation, je me suis enfin décidée â faire le pas.
Ce cours ne ma pourtant pas convaincue.
Faut dire que la première personne que jai croisée lâ bas, cétait mon ancienne prof de maths du collège que je ne pouvais pas blairer?Elle faisait partie de la troupe damateurs réunis pour apprendre le jeu de lacteur.
Je métais pourtant bien préparée, javais appris un texte par coeur cet été, et javais répété avec Clément puis avec Mathieu.
Quand le jour du premier cours de théâtre est arrivé, jai commencé â douter. A me demander si jétais bien faite pour ça . Et puis le doute a laissé la place â une franche hésitation, je dirais même â une certaine culpabilité. Jai dû me lever dix fois, me rasseoir autant, pour enfin prendre la décision dannuler ma présence â ce cours de théâtre.
Jai tapoté sur mon téléphone un sms pour mon prof, le priant de mexcuser, pipeautant un imprévu.
Je me suis ravisée, je lai effacé.
Je me suis levée, jai commencé â choisir une tenue adéquate pour le cours, me disant quil fallait la prendre cette putain de décision. Y aller ou non, mais agir.
Puis en repassant mon pantalon, jai changé davis, jai débranché le fer, repris en main mon téléphone, re-rédigé un sms et avec cette petite poussée dadrénaline si familière, jai envoyé le message â mon prof.
Ouf?
Quelques jours plus tard, lidée me taraude toujours. Je cherche un autre cours. Je me renseigne, lheure et le jour me conviennent, cest décidé, jirai faire un essai. Motivée, je me convaincs que cette fois est la bonne.
Je sors de lâ légèrement déçue.
Je nirai pas non plus â ce cours-ci.
Je me jette dans une salle de cinéma pour la peine, je vais voir un film de Tony Gatlif, histoire dapaiser mon chagrin et de regarder dautres que moi jouer la comédie.
La musique tzigane me réconforte, mais je suis en manque. De quoi ? Jai envie de faire un truc, de prendre un cours ? De Yoga, pourquoi pas ?
Le temps du chemin de retour chez moi, je change davis : ? pourquoi faire du Yoga ? ?
Je suis cyclothymique, vous lavez peut-être pas remarqué, mais moi je vous lavoue direct, sans détours ni cachotteries.
Ah oui, jai aussi des TOCS.
Ne me demandez pas si jai dabord des TOCS et ensuite une cyclothymie, ou le contraire, je nen sais rien. Tout ce que je sais, cest que cest mon quotidien depuis 32 ans.
Cest mon âge. Je suis scénariste. Enfin, jessaie.
Je nen vis pas encore. Mes écrits sont sûrement trop engagés pour plaire aux petits producteurs frileux qui ont croisé mon chemin.
Je suis spontanée comme fille, ça vous le verrez plus tard.
Je pense être gentille aussi. Cest souvent un truc que lon me dit : que je suis ronde, gentille. Moi je ne me vois pas comme ça. Cest normal, avec toute la merde que jai dans la tête, ça vous tache une tronche.
Non, je menvisage comme une personne tordue, profondément désespérée mais sujette â loptimisme. Cest un joli mélange, vous ne trouvez pas ?
Cest bizarre comme je maime parfois. Je me trouve trop cool comme fille en fait. Autant des fois, je me trouve naze, transparente, autant dun coup, je peux me trouver dune coolitude (cool + attitude) absolue !
Je ne sais pas structurer un ensemble. Alors commencer un livre, ça meffraie un peu. Jai peur de vous perdre en route, de ne pas réussir â vous intéresser. Pourtant je vous assure que jen ai de belles â raconter, ça. Ya pas de problèmes â ce niveau-lâ .
Non, je crois quil faut juste que je fasse comme si je madressais â moi-même en fait. On va faire comme ça. Je vais me tutoyer, enfin vous tutoyer, vous, le lecteur?Tu me suis?
Jai pas envie de commencer par le début. Je préfère y aller comme ça, â laventure. Te raconter qui je suis avec des phrases un peu dans tous les sens. Ca me correspond assez bien. Le bordel. Un vrai bazar. Je suis un peu comme un marchand de couleurs. On trouve de tout chez moi. Jadore ce nom : couleurs. Ca sent le savon.
Quand je pense au monde que jai croisé dans ma vie, et dire que jen suis toujours au même point. Cest désespérant. Je devrais être mariée, avec trois enfants, un appartement â moi, une vraie profession, une bonne paie? Avec tout ce que jai vécu : je devrais être vieille.
Même pas, je suis encore toute petite.
En même temps, ça ne me fait pas plus triper que ça, la vraie vie des autres. Jai de quoi faire en fait. Jai de la matière a malaxer.
A commencer par mon cerveau. Je comprends toujours pas comment il peut encore fonctionner avec tous les coups de ciseaux quil a reçus ?
Cest fou comme je dois être forte. Non mais cest hallucinant comme je dois être forte ! Je tassure, â ma place, tu serais mort, sans vouloir toffenser, ni présumer de tes capacités â endurer.
Le nombre de fois où jai failli y passer?Le nombre de fois où jétais au bord du précipice, prête â lâcher prise.
Il y a quelques mois par exemple, je crois que jai flirté avec une morte-vivante. Vraiment.
De toute ma petite vie, je nai jamais été aussi borderline.