La thérapie du cahier
31/12/2007
Témoignages > Se soigner
J’ai toujours aimé la rentrée scolaire.
Une odeur de neuf. Nouveau cartable, nouvelle trousse, nouveaux habits.
Un nouveau départ, de bonnes résolutions : bien travailler à l’école, être attentive, être gentille avec tout le monde, ne pas chercher les embrouilles avec les copines.
J’adorais commencer un nouveau cahier : la première page était toujours fraîche et douce, une espèce de pureté. Je m’appliquais à y écrire le mieux possible.
Par la suite, je me rendais vite compte que le neuf devenait ancien, moche comme de l’ancien. Les pages du cahier se réchauffaient, elles étaient aussi rêches que les autres finalement et mon écriture laissait à désirer...
J’ai construit ma vie comme je caressais les pages du cahier : tout recommencer à zéro, tout détruire pour reconstruire ailleurs. Encore et encore. Croire que cet ailleurs répondrait enfin à mes attentes. Espérer qu’un jour je trouverais un cahier dans lequel toutes les pages seraient douces jusqu’à la dernière.
Et je me suis plantée lamentablement.
Parce que je cherchais un impossible, un invisible. Je suis faite de creux et de bosses. Les bosses, ça se soigne : un peu d’arnica, un peu de Prozac, un carré de chocolat mais les creux, les vides ? J’ai voulu les remplir avec les pages douces et fraiches; comme la main de maman sur le front quand j’avais de la fièvre?Mais, rien, rien, pour remplir le vide, l’absence, le manque.
Le manque de quoi ?...Je ne sais pas, c’est ça le problème.
Je cherche, je crois trouver.
Un amant, l’alcool, la cigarette, le boulot?mais ça ne marche pas.
Ces soi-disant combleurs de vide sont, au mieux, des placebos, au pire des agrandisseurs de vide. Depuis quelque temps, je commence à apercevoir un nouveau cahier mais celui-là je crois que c’est le bon :
Finalement, c’est assez simple : c’est moi qui me manque. Voilà, je suis en manque de moi. Je me manque parce que je ne m’aime pas. Le vide vient de là. Ce n’est pas la peine d’essayer de combler les creux avec l’amour à deux balles des autres; c’est avec mon amour à moi, pour moi qu’il faut que je me comble.
Je pense que je vais arrêter de bouger. J’en ai marre des cahiers, des rentrées scolaires, des objets nouveaux qui n’ont pas d’âme, pas de vie. Tout est en toc. Je vais arrêter d’effacer pour tout recommencer. Ces expériences sont néfastes, épuisantes, inutiles.
J’en viens finalement à me demander s’il faut combler le vide. Paradoxalement, ce vide fait partie de moi, il m’appartient, il me définit.
Je suis faite de creux et de bosses :
Si je les gomme, je ne serais plus moi. Je deviendrais toute lisse alors ?
Je vais peut-être décider de garder les creux, les bosses et les vieux cahiers. Depuis le temps qu’on vit ensemble, s’ils n’étaient plus là, ils me manqueraient trop; c’est peut-être à ce moment là que je deviendrais définitivement et réellement vide ? sans mes creux, sans mes bosses.