04 : Bipolarité atypique du conjoint
31/12/2008
Témoignages > Amour, sexe, couples > Couple bipolaire
Il y a quelque chose qu’il faut que je signale. Thierry est mort très subitement. C’était un beau dimanche ensoleillé du juillet. Le matin, nous étions allés nous promener sur un vide-grenier. En début d’après-midi, des amis proches vinrent prendre le café. Puis je me suis allongée sur le canapé du salon pour lire et me suis endormie, pendant qu’il travaillait sur son ordinateur. Quand je me suis réveillée, une heure et demi plus tard, je l’ai trouvé étendu, mort, sur la moquette, devant notre chambre. J’en ai gardé la hantise que ça se reproduise. Pendant très longtemps, j’ai vérifié très fréquemment que Stéphane respirait encore. Cà m’arrive encore, de temps en temps. Très très rarement, maintenant. Mais l’idée de cette opération m’a rendue extrêmement anxieuse. A tel point que j’ai dû arrêter de nouveau de travailler, à mon grand regret. Le site était quasi prêt et devait ouvrir un mois plus tard. Et ma cheffe était tellement frileuse que je craignais le pire. D’ailleurs, il n’a ouvert qu’un an et demi après lol. Moi, je n’ai jamais repris le travail.
L’opération eut lieu le 23 novembre 2005. Stéphane fût maintenu en sommeil artificiel pendant 5 jours, pour lui éviter les douleurs. C’est un brun aux yeux noirs à la peau extrêmement blanche. Je vous laisse deviner l’effet produit par le respirateur et son corps immobile. Le sixième jour, il se plaignit à moi du bruit de l’orchestre, de l’équipe qui faisait la fiesta dans la salle d’à côté. Je lui dis que je n’entendais rien. Tu ne vois pas les jeux de lumière et les fumigènes, me répondit-il ? Devant mes dénégations, il eut cette réplique sèche et définitive : "tu es sûre que tu vas bien dans ta tête ? ".
Un mois plus tard, après la rééducation, il revient à la maison. L’opération avait été une totale réussite. Le chirurgien avait effectué un travail remarquable et avait réussi à redresser la colonne de Stéphane de manière très visible. Nous étions enchantés. Néanmoins, Stéphane n’était pas aussi guilleret qu’il aurait dû l’être. Il présentait des signes d’anxiété certaine. Il était très préoccupé par son épisode hallucinatoire. "Tu comprends, m’avait-il expliqué, ma tête, c’est tout pour moi, puisque mon corps est atteint. Et si je ne peux plus compter sur elle... ?". C’était à mon tour de le rassurer. Je lui faisais remarquer aussi souvent que possible qu’il n’avait perdu aucune de ses capacités intellectuelles. Qui sont remarquables. Si tant est que le QI veuille dire quelque chose, le sien est très élevé.
Stéphane eut de plus en plus de mal à sortir de la maison, devint un agoraphobe. Il n’avait plus trop envie de voir du monde, de répondre au téléphone. Il se mit à cocooner. Il perdait son énergie, négligeait son ordinateur, s’intéressait moins à l’actualité, bref, présenta tous les signes d’une dépression. Il n’avait pas d’idées noires pour autant, il se retrouva dans le même état que moi : dépression sans la souffrance qui va avec. Nous allâmes consulter mon généraliste, un type très bien qui connaissait, en plus, la bipolarité car il suivait une patiente atteinte (qui refusait les soins, pauvre de lui). Nous consultâmes pour dépression, bien évidemment, le profil de Stéphane n’a rien à voir avec celui d’un bipolaire. Le docteur D. lui prescrivit un antidépresseur.