06 : Le fardeau des dépressions bipolaires
31/12/2008
Témoignages > Amour, sexe, couples > Couple bipolaire
Un mois, deux mois, trois mois passèrent. Sans résultats pour l’un ni pour l’autre. Cette fois, nous primes chacun notre rendez-vous. Nous eûmes chacun notre modification de cocktail. Cela nous amusa beaucoup. Une complicité de plus. Officiellement, Stéphane était toujours dépressif simple. Moi, j’avais quelques vagues doutes, mais très vagues.
Survint la récidive du cancer de mon père puis sa mort, quelques semaines plus tard. Il avait exercé un métier à responsabilités, fort bien payé, puis bien géré son argent, l’héritage laissait de quoi acheter une maison, nous nous installâmes en Picardie, dans un belle vieille longère, près de Laon. Aujourd’hui encore j’ai du mal à me voir en propriétaire et parfois je pense : quand papa viendra, il faudra qu’il voit ça. Hé bien non, justement, il ne le verrait pas.
Au moment du déménagement et de l’installation, j’étais en forme. On sortait de l’été, mon humeur n’était pas encore redescendue. Je suis très sensible au raccourcissement des jours. Stéphane aussi allait bien. La nouvelle maison ne désemplissait pas. La Picardie est la région d’origine de Stéphane, celle où vivent sa famille et les quelques amis auxquels il tient. Comme je n’avais pas assez d’argent pour acheter dans le midi, près de ma famille à moi et que nous n’avions pas d’idée pour guider notre choix, ça avait été : et pourquoi pas dans l’Aisne ? Et voilà.
Les jours raccourcirent et nos mines s’allongèrent. La maison devint trop silencieuse. Même Liouba, notre persane, entra en hibernation. Et puis Stéphane traversa une curieuse période. Alors que j’alignais les heures de sommeil, il passait ses nuits dans l’atelier, construisis un énorme bar pour séparer l’entrée de la cuisine, je me demande encore aujourd’hui comment. L’envie le prenait n’importe quand et il quittait la maison emmitouflé, quel que soit le temps, pour un atelier non chauffé. Moi, je découvrais les enchères sur E-bay et lui achetai pour une poignée d’euros une belle lampe d’atelier chromée sur roulettes. Il était heureux, profitait enfin pleinement des bienfaits de son opération, que demander de plus à la vie.
