Un bon clinicien doit gérer tout un ensemble d’éléments chez un patient cyclothymique qui ne se limitent pas à la chimie.
On entend avant tout par "l’art de traiter" un état d’esprit chez le clinicien (créatif, souple, ouvert à la nouveauté, préparé à faire face à des problèmes complexes). C’est un savoir faire dans l’évaluation diagnostique, l’annonce du diagnostic, les messages d’information sur la cyclothymie et enfin dans les traitements et les critères d’usage et de surveillance du traitement. Il nous paraît impossible de soigner correctement la bipolarité atténuée sans avoir un art d’écouter et d’interroger le patient et sa famille. Certains experts disent que pour comprendre et traiter le spectre bipolaire, il faut des "cerveaux" et des "esprits" déjà préparés à cette tâche. Les patients bipolaires partagent cette idée ! Comme pour la créativité, la cyclothymie a besoin d’experts déjà préparés et prédisposés pour la comprendre et la soigner. Plus qu’une médecine basée sur les preuves et les évidences, il s’agit d’une médecine basée sur l’expérience pratique, sur des principes basiques, notamment "humaines" !
Séquence clinique
Saisir l’ensemble des subtilités cliniques des troubles de l’humeurRechercher les troubles co-morbidesExplorer les traits basiques du tempéramentFaire passer au patient les auto-questionnaires d’Hypomanie, de la Cyclothymie et de l’Hyperthymie (et cela dès le premier RDV)Recevoir la famille et obtenir les renseignements utiles sur l’histoire familiale de bipolarité et l’histoire personnelle des hypomaniesEtre flexible quand au diagnostic final, c’est-à-dire accepter de changer ou d’affiner le diagnostic au fur et à mesure qu’on connaît le patientSéquence pharmacologique
Connaître les éléments basiques de la psychopharmacologie, notamment les thymorégulateurs : les sels du lithium, les anti-convulsivants et les anti-psychotiques de nouvelle générationSavoir établir une hiérarchie des problèmes clinques à traiter et cibler les dimensions pertinentes à traiter en premier : instabilité, impulsivité hypomaniaque, dépression bipolairePréparer une "recette" optimale, idéalement commencer par une monothérapie avec une thymorégulateur"Go slow and stay low" pour tous les cyclothymiques (démarrer lentement et garder le traitement à des doses faibles à modérées)Utiliser des combinaisons "intelligentes" comme des substances avec une interaction cinétique ou pharmacodynamique positiveGarantir la meilleure tolérance physique et cognitive (le moins d’effets indésirables)éviter les médicaments sédatifs qui abrutissent le patient, réduisent sa mémoire et sa vigilance ou altèrent son système de décisionsRester constamment "flexible" ; le traitement doit s’adapter au patient et non l’inverse (aucun traitement n’est une obligation en soi ; les traitements sont des moyens et jamais des objectifs)Penser toujours "long cours" (comme imaginer le devenir du patient dans 5 ans) et fixer au long cours des objectifs en rapport avec la fonctionnalité (activités, qualité de vie, entente familiale) et non avec les symptômes résiduels
Ne jamais oublier ou négliger le risque suicidaire ; évaluer en détail et sérieusement au moindre doute ou suspicion et proposer toujours une surveillance
Séquence physiologique
Comprendre, se faire comprendre et s’assurer d’être compris par le patient et son entourage procheNe jamais viser l’objectif de "platitude totale" ; une certaine marge d’instabilité est souhaitable pour préserver la créativité et la sensibilité du sujetSauvegarder la créativité du patient (et mieux l’aider à développer sa créativité au quotidien)Ne jamais négliger l’importance de la psychoéducation du sujet ou de la familleEtre constamment prêt à travailler en équipePrivilégier les approches intégrées et structurées en individuel ou en groupeEn travaillant en équipe, on apprend à intégrer la chimie avec la psychologie et vice-versa. Il est quasi impossible de stabiliser un cyclothymique avec des stratégies purement biologiques ou psychologiques. Par analogie au trouble où les phénomènes biologiques et psychologiques sont intriqués et impossibles de séparer, les stratégies thérapeutiques doivent être la même chose, intriquées et complémentaires.