Ma vie est une succession de cycles
31/12/2007
Témoignages > Cyclothymie
J’ai 30 ans et suis mariée depuis 1 an. Je suis suivie sur le plan psychiatrique depuis 10 ans. J’ai actuellement comme traitement journalier 6 Effexor 50, 4 Xanax 0.50 et 3 Atarax 100. Cela fait maintenant 2 ans que j’ai la même prescription et je n’ai pas constaté de changement particulier.
Je vois une psychiatre tous les 15 jours depuis 2 ans dans le cadre d’un CMP. J’ai arrêté ma psychothérapie il y a environ 3 mois. J’ai consulté pratiquement tous les psychiatres de ma région en vain. Je n’arrive pas â guérir et cela fait maintenant 3 ans que je suis en longue maladie et reconnue en tant qu’affection longue durée par la CPAM.
Ma vie n’est qu’une succession d’échecs depuis l’âge de 18 ans environ et je suis la seule coupable de mon malheur.
Ma vie est une succession de cycles comme si j’étais réduite â une courbe sinusoïdale : construction, destruction et fatalement autodestruction.
Je répète inlassablement les mêmes comportements dans des domaines différents certes mais c’est â chaque fois logique et justifié pour moi. Je sais que je ne suis pas folle, que je suis consciente de tout, que j’ai toute ma raison. J’ai toutes mes capacités intellectuelles et il en faut beaucoup pour vivre autant de réussites et d’échecs mêlés.
Lorsque je vais bien, lorsque je suis ? normale ?, même trop normale,
Je n’ai plus besoin de sommeil, je n’ai plus envie de manger, j’ai beaucoup d’énergie. J’ai plein d’idées, plein de projets et j’ai remarqué que ce sont toujours des idées en relation étroite avec le pouvoir, la notoriété (écrire des livres, faire de la politique, créer une entreprise?). J’attire les gens, je m’adapte â eux, je séduis et j’aide beaucoup (une générosité sans limite). Je suis une personne avec beaucoup d’humour, on admire mon intelligence et je n’hésite pas â la montrer, les gens admirent ma créativité, mes jeux de mots, mon sens de l’analyse, mes opinions et comble de tout, mon apparence. J’ai eu le travail que je voulais, avec les responsabilités que je voulais. J’ai eu les hommes que je voulais. Bref, quand je veux j’ai. J’ai beaucoup menti, je ne mens plus. J’ai eu de gros problèmes financiers (je suis fichée â la Banque de France et en sur-endettement) car je pensais que j’étais plus intelligente que les banques. J’ai fait beaucoup de crédits, j’ai arnaqué les impôts, j’ai volé, escroqué des commerçants (je ne peux pas encore en parler en détails car je m’en veux beaucoup) : je testais le système, je cherchais la faille et m’y engouffrais avec délectation. Je ne sais pas pourquoi mais j’étais plus forte que l’état. Lorsque je suis bien, je provoque la société, je dis ce que je pense en bien ou en mal aux personnes qui m’entourent. Je suis vindicative et la vengeance me rend aussi bien obsédée qu’obsédante. Ma créativité ne laisse pas de chance â ceux qui m’ont nui. Paradoxalement avec ma générosité, mes colères ne passent pas inaperçues. J’écris des lettres, beaucoup de lettres parce que je sais que je peux changer le monde. Je suis une révoltée, une rebelle et pourtant les gens m’aiment. Ce qui est formidable quand je suis normale, c’est que je ris sans faire semblant : je suis moi-même (je pense que je suis quand même â l’extrême). Je suis aussi très attachée â l’apparence : mon look doit être coordonné (en ce moment c’est le rose, avant le violet, le tigré?) et systématiquement, le premier jour où je deviens normale, je vais chez le coiffeur et je demande â changer de tête.
Lorsque je vais mal, je dors tout le temps
et c’est impossible pour moi de rester plus d’une heure éveillée. Je mange aussi beaucoup. C’est beaucoup de souffrances et rien ne peut m’apaiser. Je ne peux plus sortir de mon appartement car je sais que si je sors, je vais être victime d’une agression : quelqu’un va me poignarder ou m’étrangler. Je ne me lave plus, je reste en pyjama, je ne me maquille plus : ce n’est pas que je ne veux pas , c’est que je ne peux pas. Je téléphone pour un rien â mes parents, j’appelle SOS Amitié et SOS Suicide : c’est comme un réflexe. Je suis obsédée par la mort et je veux me suicider : j’écris des lettres d’adieu et je passe mon temps â échafauder les plans de ma mort. Je pleure beaucoup parce que je sais que si je me suicide, je dois tuer ma chienne avant pour que l’on parte toutes les deux.
Ma chienne est ma seule raison de vivre et le seul frein â mon suicide.
D’ailleurs, lorsque c’est comme cela, mes rêves sont hantés par la présence de l’homme que j’aime et qui s’est suicidé en 1999. Lorsque je ne vais pas bien, j’ai recours â l’automutilation mais ça ne me fait pas mal. Je ne peux plus sortir les poubelles parce que je suis Simone Weber (une femme qui a tué ses amants, les a découpé puis les a descendu dans des sacs poubelles). Je suis pourtant consciente de ne pas être cette femme mais c’est plus fort que moi. Je suis restée pratiquement 1 an sans descendre les poubelles entassées dans ma chambre. Maintenant que je suis mariée, c’est plus facile pour moi.
Dans mes bas, mes seules sorties sont pour aller consulter des médecins car j’ai le cancer (peu importe où mais j’ai le cancer), je fais des infarctus du myocarde, des ruptures d’anévrisme? et j’atterris aux urgences avec toujours le même diagnostique : colopathie fonctionnelle. Ma plus grande peur, c’est de faire une septicémie : mon dermatologue est habitué mais il ne me croit pas quand je dis que je suis en train de devenir une boule de pue géante. Il ne comprend pas que je fasse des kystes tout le temps, que j’ai des folliculites et des prurits. Ce n’est pas de ma faute si j’ai un terrain favorable â la septicémie. Egalement, j’ai beaucoup de peur : peur du téléphone qui sonne, de la boîte aux lettres, de la sonnette, des gens et comme je ne peux plus parler, je n’ai plus d’amis. Je suis seule au monde. Personne ne peut me comprendre.
Plus rien ne m’intéresse.
J’arrête d’écrire : ça me fait trop mal.