L’hypomanie selon Marine
31/12/2007
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Hypomanie / Manie
Une détonation puis un florilège de lumières qui ne veulent pas retomber. Un feu d’artifice continuel. Mon corps ne peut plus contenir ces bulles joyeuses qui montent à ma tête. C’est l’ivresse. Et puis je déborde. Le flot s’écoule toujours plus vite, mes mots se pressent dans ma bouche et sautent en dehors comme des sauterelles. J’essaye de les calmer, mais mon esprit s’emballe et ne contrôle plus l’euphorie. Les sonorités me paraissent nouvelles et je fais à chaque instant des découvertes sur le sens des mots et leur double sens. C’est comme si un monde invisible c’était ouvert à mon esprit. Je jongle avec les sons, les syllabes que j’entremêle et entrecroise. Devant mes yeux c’est un ballet fou qui prend forme. Les mots en arabesques, les musiques en grand jeté et les sens enmportés.
Dans mon corps, la lave bouillonne,
le mouvement me prend frénétiquement. Mes membres recherchent l’extrême, la torsion, la tension et l’extension. Je suis comme une pythie droguée qui danse pour Apollon. Mais je n’ai pas pris de drogue et je danse pour moi car je me sens pleine, trop pleine. Pleine d’énergie, de joie, de violence même et de chaleur. Je vais vers le brûlant, je suis une fournaise et j’exècre la tiédeur. Je veux vivre plus vite, plus fort, plus haut. Mon esprit n’a pas sommeil, je pousse mon corps jusqu’à l’extrême. Je le contrôle, je le maltraite, je veux me détacher de lui. Je n’écoute pas ces besoins et j’en suis fière. Je me trouve belle, forte et capable de tout. Je soulèverais des montagnes, je gravirais les sommets, je toucherais le soleil pour brûler. Plus rien ne me fais peur, je danse, je ris, je hurle, je flotte.
Je veux qu’on m’aime, je manque d’amour.
Dites-moi que je suis une fille super, que mon existence importe pour vous. Je donnerais tout ce que j’ai pour qu’on m’aime. Vous voulez que je vous trouve drôle ? Je vous trouve drôle. Vous voulez que je vous trouve intelligent ? Je vous trouve intelligent, vous voulez coucher avec moi ? J’accepte si vous m’aimez. Mentez si vous voulez, mais faites-moi croire que vous m’aimez.
Je vous énerve quand je suis en l’air ? Je parle trop vite, vous ne comprenez pas ? Accélérez, je ne veux pas redescendre pour vous, je suis trop bien. Vous dites que je suis excessive, que je suis étouffante, que je suis euphorique, que je suis folle. Laissez-moi tranquille dans l’ivresse. J’ai trop peur de la chute, ne me forcez pas à descendre, ne me dites pas de ralentir, de me calmer, d’aller me coucher.
Je ne voulais pas être agressive envers vous, mais j’ai peur.
Pour une fois que je suis bien, pourquoi ne me laissez-vous pas profiter de ce moment ? Pourquoi n’êtes-vous pas heureux de me voir danser ? Je sais je vous fatigue, mais ne vous inquiétez pas, je sais que la fatigue s’abattra bientôt sur moi. Je serais terrassée comme d’habitude, et ce moment en l’air ne sera plus qu’un lointain rêve. Je me demanderais même alors si je l’ai vraiment vécu. Alors je vous en prie laissez-moi voler. Je sais bien que je n’ai pas de parachute, et que plus je prends de l’altitude plus la chute sera violente. Je m’écraserais lourdement au sol, mes membres endoloris, mes espoirs fracassés. Et je mettrais des jours à ouvrir les yeux, puis à lever une jambe et puis l’autre, à rassembler mes forces pour me mettre debout sur des membres fracturés. Je m’en voudrais aussi d’être montée si haut, mais comme à chaque fois dans les airs, je suis remplie d’espoir, je ne peux pas croire que je vais encore tomber. Je pense que c’est la bonne, que cette fois-ci je vais contrôler et rester dans cet état. Il n’y aura pas de rechute. Tout le long de ma chute j’y crois encore, je me dis que je vais y arriver, mais je sens que je me rapproche du sol, de plus en plus vite. Je me rends à l’évidence de mon nouvel échec lorsque j’ai mal.
Là-haut c’est le paradis,
je sais bien que vous voulez me rattraper pour ne pas me perdre. Je suis un ballon gonflé â l’hélium sans attache. Vous, vous aimez ce ballon, je le sais, et vous essayez de me ramener à terre, mais c’est trop tard je suis partie. Vous savez que là-haut je vais croiser des oiseaux, et voir le monde plus beau, me laisser porter, me sentir libre. Mais vous savez aussi que ce ballon, dans sa fragile enveloppe de plastique ne résistera pas aux courants d’air chaud puis froid, aux tourbillons qui me chatouillent puis me font mal. Que le ballon finira par se percer et par se vider de son air, ou exploser sous la pression atmosphérique. Qu’il faudra ramasser par terre, tout déchiqueté et malmené par les airs et la terre, les restes de ce pauvre ballon, tout fripé et aplati.
Vous le savez tout ça, vous avez l’habitude de cette histoire du ballon qui veut s’envoler. Vous connaissez la chute. Mais le ballon lui voudra toujours s’envoler après avoir été regonflé et réparé comme on peut pendant des semaines.
Le ballon croit qu’on lui refuse le bonheur et insulte celui qui veut l’attacher au sol pour son bien.
