Dépister la bipolarité chez les dépressifs : études récentes
31/12/2007
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Spectre bipolaire : dépistage
Etude Coréenne
Kim B, Wang HR, Son JI, Kim CY, Joo YH.
Bipolarity in depressive patients without histories of diagnosis of bipolar disorder and the use of the Mood Disorder Questionnaire for detecting bipolarity.
Compr Psychiatry. 2008 ; 49 : 469-75.
Une étude nous vient de la Corée du Sud. Son objectif est d’évaluer la fréquence de la bipolarité chez des personnes présentant :
a- des épisodes dépressifs majeurs (au moins un épisode antérieur),
b- jamais diagnostiquées comme ayant un trouble bipolaire,
c- rencontrés dans la pratique clinique habituelle.
Une fois la bipolarité identifiée, il était question d’identifier les éléments cliniques susceptibles de discriminer les patients bipolaires par rapport aux dépressifs unipolaires.
La bipolarité a été recherchée à l’aide du questionnaire MDQ ou Mood Disorder Questionnaire. De plus les auteurs ont testé l’influence des modifications des scores sur le MDQ sur le dépistage de la bipolarité.
Les patients ont été évalués avec le SCID (Structured Clinical Interview for Diagnostic
and Statistical Manual of Mental Disorders IV) après avoir complété le MDQ. Pour améliorer l’évaluation de l’hypomanie, des renseignements ont été obtenus des membres de la famille ou des proches.
Les résultats montrent que 53.2% de la population des dépressifs sélectionnés ont été classés en bipolaires : 1.8% avec trouble bipolaire I ; 29.7% trouble bipolaire II ; 6.3% trouble bipolaire III ; et 15.3% trouble bipolaire non spécifié ailleurs (essentiellement des hypomanies brèves de 1-3 jours).
Les facteurs liés à la bipolarité :
- Dépression du Postpartum : 2.00 [1.23-3.24]
- Age de début précoce : 1.85 [1.30-2.64]
- Labilité émotionnelle : 1.85 [1.30-2.64]
- Episodes dépressifs brefs : 1.66 (1.16-2.37]
- Histoire familiale de bipolarité : 1.62 [1.08-2.43]
- Histoire de tentative de suicide : 1.47 (1.05-2.04]
- Problème d’abus d’alcool : 1.45 (1.04-2.02]
(valeurs du risque relatif avec intervalle de confiance de 95% ; toute valeur supérieure à 1 signifie que le facteur en question est lié au diagnostic de bipolarité).
Ces facteurs représentent des éléments de risque en faveur de la bipolarité.
Modifications des scores sur le MDQ
En ignorant les questions concernant l’incapacité fonctionnelle et la co-occurrence des symptômes, on obtenait une sensibilité de 0.68 et une spécificité de 0.63 pour le diagnostic de bipolarité. Ces chiffres étaient de 0.29 et de 0.77, avec les scores standards du MDQ (donc très faible sensibilité).
Conclusion : les résultats montrent clairement la fréquence élevée de la bipolarité chez les patients dépressifs qui n’ont jamais été reconnus comme tels. Le diagnostic de bipolarité semble par ailleurs caractérisé par des éléments cliniques discriminants qui peuvent aider les cliniciens à suspecter la présence de bipolarité
Enfin, les scores standards du MDQ ne sont pas assez bien adaptés pour détecter la bipolarité. En effet, un changement des scores seuils est capable d’améliorer la sensibilité du questionnaire MDQ.
Etude espagnole
Tafalla M, Sanchez-Moreno J, Diez T, Vieta E.
Screening for bipolar disorder in a Spanish sample of outpatients with current major depressive episode.
J Affect Disord. 2008 ; Aug 11.
Cette étude espagnole avait le même objectif que l’étude coréenne : Utiliser le MDQ chez des patients présentant un épisode dépressif majeur et comparer les cas positifs pour la bipolarité avec le diagnostic psychiatrique actuel.
971 patients ont été inclus de manière consécutive. Le bilan clinique comportait en plus des données cliniques et sociodémographiques, la CGI-S (Clinical Global Impression of Severity of Illness Scale), la HAM-D (Hamilton Depression Scale) et MDQ.
Résultats: 905 patients ont été retenus pour les analyses. Le diagnostic était comme suit : 74.3% dépression unipolaire et 25.7% (n=232) trouble bipolaire. En utilisant les scores du MDQ (score de 7 ou plus), le taux global de cas positifs pour la bipolarité est de 41.3% (n=373). Parmi les 671 patients diagnostiqués comme unipolaires, 161 (24%) ont été dépistés positifs pour le trouble bipolaire, alors que 232 patients diagnostiqués bipolaires l’ont été (soit 91.4%).
Le MDQ a montré qu’un quart des patients reconnus comme dépressifs serait en fait bipolaire. De plus, il était capable de confirmer ce diagnostic chez plus de 90% des patients déjà reconnus comme tels.
Conclusion
Ces deux études récentes corroborent une donnée déjà existante : l’importance d’utiliser des outils de dépistage de la bipolarité chez les patients dépressifs. Inutile de rappeler la nécessité de détecter le trouble bipolaire le plus tôt possible.
De plus, ces études répliquent l’étude française EPIDEP, réalisée en 1995 et qui avait pour but de faciliter le dépistage du trouble BP-II et qui a servi à la construction de la check-list d’hypomanie (CLH-20) et par la suite la version 32 items (CLH-32).
Les enquêtes françaises BIPOLACT font la suite de l’étude EPIDEP. Ces enquêtes ont également utilisé la CLH-20 pour le dépistage de l’Hypomanie chez plus de 2300 patients avec une dépression majeure. Les facteurs liés à la présence de l’hypomanie sont assez proches de ceux retrouvés dans l’étude coréenne:
- Age de début précoce
- Traits cyclothymiques
- Histoire familiale de bipolarité
- Abus dʼalcool
- Virage hypomaniaque sous antidépresseurs
La double dimension de l’hypomanie
L’Hypomanie selon Marine
Différences entre manie et hypomanie
BP-II nʼest pas une bipolarité atténuée
BIPOLACT : Hypomanie dans les dépressions récurrentes ou résistantes
