Borderline et bipolarité : interface des tempéraments et schémas de vie
16/10/2010
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Frontières / masques trompeurs
Cette étude s’inscrit dans le débat ouvert depuis plus de 30 ans sur les rapports entre la personnalité Borderline et le spectre bipolaire. En 1983, Akiskal a soutenu l’idée que le diagnostic de Borderline n’était qu’une expression du spectre bipolaire : en d’autres termes un "diagnostic limite" plutôt qu’un état limite !
Les études déjà publiées ne permettent pas d’avoir un consensus sur ce sujet : certaines ont montré des différences et d’autres non. Certains points méthodologiques sont à signaler :
Ce qui signifie que les études doivent tenir compte des ces détails méthodologiques comme inclure des patients du même sexe et pour les bipolaires, en phase de rémission.
Méthodologie de cette étude
L’étude a été conduite en constituant 3 groupes, uniquement de sexe féminin : "borderline" (n = 31), "bipolaire" en rémission (n = 25) et "témoin sain" (n = 29, essentiellement des étudiantes).
Les deux mesures principales concernaient les tempéraments affectifs (avec le questionnaire TEMPS-A de Memphis, Pisa, Paris, and San Diego dans sa version abrégée de 39 items) et le questionnaire des schémas de vie de Young.
Résultats
Comparé aux groupes bipolaire et témoin sain, les patientes borderline se distinguaient par des scores significativement plus élevés sur l’ensemble des tempéraments à part le tempérament hyperthymique (le seul à être plus élevé dans le groupe bipolaire).
Voici les scores moyens dans les 3 groupes, respectivement "Borderline" versus "BP" versus "témoin" :
De même, les scores sur les schémas mal-adaptatifs de vie sont dans leur majorité plus élevés dans le groupe Borderline.
Quant au groupe bipolaire, il différait par rapport au groupe témoin par 2 mesures :
Conclusion
Les résultats de cette étude suggère que les patientes borderline présentent des dérèglements plus sévères et complexes au niveau affectif (comme en témoigne les scores plus élevés sur les tempéraments cyclothymique, dépressif, anxieux et irritable) et sur la majorité des schémas de vie. Les auteurs danois pensent que ces résultats indiquent des différences phénoménologiques entre les troubles bipolaires et Borderline, donc possibilité de parler de 2 troubles distincts.
commentaire du Dr Hantouche du CTAH
Il y a certainement des différences, notamment quand le groupe bipolaire n’inclut que des personnes avec la forme BP-I ! La majorité des patientes cyclothymiques vues au CTAH présentent un profil tempéramental complexe avec des niveaux élevés sur tous les tempéraments, notamment cyclothymique, anxieux et dépressif.
Pour moi, cette étude n’est qu’un argument complémentaire qui confirme la dichotomie "intra-bipolaire", à savoir la distinction majeure entre deux formes distinctes de bipolarité : les "BP-I typiques" (à évolution épisodique) et les bipolarités cliniquement atténués cyclothymiques (à évolution chroniquement instable). Cette dernière forme est souvent confondue avec le diagnostic de borderline.
Mon ami, Pr Giulio Perugi, vient de publier une étude qui confirme la distinction, même au sein des BP-I, entre deux formes de bipolarité en fonction de la dominance tempéramentale : "hyperthymique" versus "cyclothymique".
Un détail important signalé dans cette étude concerne le pourcentage assez important de cas avec un traitement actuel comportant des antidépresseurs : 74% du groupe Borderline versus 44% du groupe bpolaire. Les pourcentages de cas traités avec lithium (0% groupe borderline versus 36% du groupe bipolaire), anti-convulsivants (13% dans borderline versus 68% des bipolaires) et antipsychotiques (respectivement 10% versus 52%). Une réalité, malheureusement classique chez nos patients cyclothymiques quʼon ne se lasse jamais de déplorer et dénoncer.
Si les psychiatres ont prescrit les AD pour réduire lʼimpulsivité des patientes borderline, cʼest raté ! En effet, en cas où le traitement aurait une influence sur les cotations des tempéraments et des schémas de vie, le constat qui se dégage : ces patientes borderline sont dans un état plus sévère et grave que les BP-I en rémission, donc possible implication du traitement AD dans lʼaccentuation de la psychopathologie des cas "apparemment borderline" et, selon moi, sont dʼauthentiques cyclothymiques.
Références
Compr Psychiatry. 2010 Sep-Oct;51(5):486-91.
J Affect Disord. 2010 Feb 1.

La complexité de la catégorie
Spécificité apparente de la personnalité borderline
Trouble de la personnalité borderline et le spectre bipolaire
Automutilation: un indice de bipolarité et non de borderline !
Borderline
