24 : Un fond d’angoisse et d’insatisfaction
31/12/2008
Témoignages > Bipolarité > La vie bipolaire de Melle M
Lundi 16 février 2009
07h59
Je suis arrivée très tôt au travail pour je ne sais quelle raison car je ne suis pas submergée de boulot aujourd’hui, sans doute pour ne pas tourner en rond au lit.
Comme je me suis ennuyée ce week-end ! J’arrive â lire dans le métro alors que je ne suis plus capable d’ouvrir un livre chez moi, rajoutez â cela que je suis très casanière, que sortir me demande toujours autant d’efforts, que je suis rarement d’humeur pour voir quelqu’un et vous obtenez une fin de semaine pitoyable. Je suis habituée â ce rythme depuis gamine et pourtant je ne cesse d’espérer que tout ceci évoluera tôt ou tard.
La baisse de lithium ne fait toujours pas effet, encore un coup d’épée dans l’eau. A vrai dire, je ne recherche pas spécialement l’hypomanie mais juste un peu plus d’espace pour "évoluer" car je me sens â l’étroit dans cette vie ci. Je me contente du traditionnel "boulot, métro, dodo" ce qui suffit déjâ â me fatiguer. Je n’arrive plus â faire de la place pour la philosophie. C’est tout â fait naturel comme dirait ma mère. Reprendre une activité professionnelle après des années d’errance demande un temps d’adaptation que j’ai un peu de mal â accepter bien que travailler contribue â une certaine stabilité. J’ai beau avoir conscience de tout ceci, j’ai la sensation que je vais rester coincée ad vitam eternam dans cet état larvaire, je n’arrive plus â me projeter dans un futur plus stimulant.
Je ne pense pas être mélancolique, seulement une impression d’être hors de la vie, insatisfaite de moi-même, â la recherche d’une stimulation qui me fasse me propulse au-delâ de mes limites dans le quotidien car ce n’est pas demain que je défierai l’apesanteur en parachute.
Le cannabis ne me fait presque plus d’effet. Je ne fume pas exagérément pourtant. La prise de neuroleptiques depuis tant d’années serrait-elle â l’origine de ce changement ? Rassurez-vous, je ne vais pas chercher une autre drogue de substitut, j’en ai trop peur et je ne recherche plus les sensations fortes car elles ont le don de réveiller mon TOC et je ne veux plus revivre les bouffées délirantes, ni même une crise d’angoisse. Par contre, ce qui me fait tiquer c’est que je n’ai plus de quoi me soulager en cas de grande souffrance psychique car les médicaments n’ont pas d’action en pareille situation. Ils se limitent â me faire dormir pour m’anesthésier. Et encore, je dois combiner deux médicaments pour y arriver.
Mardi 24 février 2009
07h49
Ca fait trois jours que je craque sur la nourriture, j’ai plus de mal â jeûner que les années précédentes, sans doute parce que je travaille j’imagine. Ca me met le moral en bémol de voir la balance stagner.
On ne me met aucune pression au boulot et pourtant j’en fais deux fois plus que les autres : perfectionnisme ou comment se stresser pour rien. Tout est source d’angoisse pour moi. Rien que de sortir de chez moi après m’y être confinée 24 heures suffit â ce que ce soit paniquant de sortir. Rencontrer une personne nouvelle m’angoisse tout autant et j’en passe des meilleures et des plus ridicules. Une vie de stress dans un monde apeurant : bingo et bienvenue !
J’ai prévenu quelques collègues que j’étais bipolaire pour éviter les mauvaises surprises. La compréhension est au rendez-vous, ça me permet de traverser les mauvais jours sans culpabilité en donnant un minimum le change, ou bien on m’accorde un jour de repos. Je mesure la chance d’avoir atterri dans un service tolérant. Je crois que ça m’aide â abandonner mes regrets sur mes études interrompues. Il est vrai que j’ai beaucoup enduré les dix dernières années au niveau de la maladie, il est vrai que depuis petite j’ai assumé ma mère et autres chocs, mais il est tout aussi vrai que j’ai été gâtée en amour et bien chanceuse de pouvoir faire équipe gagnante avec vous.
Après deux mois, l’augmentation du marsilid ne donne rien donc je songe â revenir â la dose initiale car inutile d’ingurgiter de la chimie en trop. Il est encore tôt pour se prononcer sur la baisse de lithium mais d’ici notre prochain rendez-vous, j’en saurai plus. Vous me faites confiance sur mes tests en posologie tout comme je prends au sérieux vos explications quand c’est nécessaire. Tout ceci n’a rien de l’automédication ni de l’apprentie sorcière ni même du surf sur le net mais bel et bien d’une excellente communication, de mon implication active et surtout de la confiance.
La confiance, sujet bien épineux pour beaucoup. Elle ne s’acquière que par le dialogue, l’apprentissage de l’autre. Elle est aussi source de liberté, quoi de mieux que de vivre sans la peur du jugement de l’ami et quoi de mieux que de laisser vivre l’autre pour qu’il apporte de l’eau au moulin des sentiments et du quotidien ? Une relation est unique alors je ne vois pas ce qui pourrait rivaliser. Même une infidélité ne peut remplacer l’histoire construite, et l’on peut décliner cet aspect en amitié et probablement dans bien des domaines. C’est pourquoi je ne connais pas la jalousie et que mon couple n’a pas souffert de mes écarts sexuels pendant les périodes hypomaniaques étant donné que Y. partage ce point de vue, je dirais même qu’il m’a aidé â pauser des mots sur ce que je pouvais concevoir sans en faire l’expérience. Par contre, ce qui a été le plus difficile était l’engagement. Ce n’était pas la peur qui me freinait mais la maladie car si je n’étais pas franchement déclarée bipolaire â ce moment, j’avais un comportement d’angoissée et je ne parvenait pas â gérer les changements car â la moindre turbulence je tangue très vite. C’est d’ailleurs pour ça que je prends les rendez-vous longtemps â l’avance pour avoir le temps de juguler l’angoisse d’une nouvelle situation que ce soit pour aller visiter des amis ou bien pour aller chez le dentiste ; alors je ne vous raconte pas lorsque je dois prendre le train ! Je suis capable de le louper en restant sur le quai en pleine crise de panique. Heureusement Y. est toujours â mes côtés pour m’aider â passer le cap.