Autour d‘Abilify
15/09/2010
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Traitements
Docteur Hantouche, nous avons remarqué sur notre forum et sur d?autres que de plus en plus de bipolaires se voient prescrire de lʼAbilify et nous aimerions faire le point avec vous sur ce médicament.
Si nos informations sont exactes, lʼAbilify a été développé dʼabord pour être une alternative au Zyprexa et était, comme lui, destiné aux schizophrènes. Il avait lʼimmense avantage de ne pas faire grossir et de ne pas provoquer de troubles métaboliques graves, comme le Zyprexa...
Docteur Hantouche
En effet, l’Abilify a suivi la trajectoire classique des antipsychotiques dits "atypiques" - en premier, obtenir l’approbation dans le traitement de la schizophrénie puis en second une extension de l’indication dans le traitement de la "Manie".
BI
Docteur, nous avons noté quʼun nombre non négligeable de patients se plaignaient dʼêtre non pas calmés, sédatés par lʼAbilify (qui est rappelons le un neuroleptique) mais au contraire comme boostés, excités. Quelle est votre expérience clinique à ce sujet ? Vous arrive-t-il dʼexploiter ce phénomène ? De quelle façon, dans quels cas ? A quelle dosage ? Sur quel type de bipolaires ? Dans les cas gênants, que faites vous pour y remédier ?
Docteur Hantouche
Un pourcentage non négligeable de patients bipolaires (autour de 25%) présentent au début du traitement avec Abilify une sorte d’excitation psychique, une agitation psychomotrice, parfois une attaque de panique avec la sensation très désagréable de blocage respiratoire (certains ont du passer aux urgences pour cet effet adverse).
Cela s’explique par la propriété pharmacologique de l’Abilify : contrairement aux antipsychotiques, il n’est pas antagoniste des récepteurs de la dopamine (càd il ne bloque pas les récepteurs DA) : il est plutôt un agoniste partiel de ces récepteurs ; ce qui signifie, qu’en cas d’excès de DA, il se comporte comme un antagoniste et en cas de déficit de DA, il se comporte comme un stimulant dopaminergique.
L’Abilify est également un antagoniste des récepteurs sérotoninergiques 5HT2A : ce qui signifie un effet potentiel désinhibiteur ou antidépresseur.
Est-ce une explication suffisante pour comprendre ce phénomène d’agitation ou l’absence d’effet sédatif observé avec les neuroleptiques. Il faut savoir que certains anciens neuroleptiques, surtout ceux de la classe des "incisifs" comme l’haldol, sont capables d’induire au début du traitement des phénomènes similaires.
Dans ma pratique, j’ai observé ce phénomène quand l’Abilify était prescrit avec une dose initiale de 15 mg ou plus et surtout dans les cas où un traitement antérieur a été arrêté comme le zyprexa ou le risperdal. Ce qui signifie que dans ces cas, il faut respecter un délai de 2 à 3 semaines où le neuroleptique et l’abilify sont administrés en même temps (délai pour qu’abilify commence à agir et pour permettre la baisse progressive du neuroleptique).
En cas d’agitation sous abilify, le réflexe est de revoir la dose (à la baisse) ou d’ajouter un sédatif pour 2 semaines (comme un anxiolytique puissant ou un neuroleptique sédatif comme tercian)
BI
Beaucoup des personnes qui ont une prescription dʼAbilify nʼont pas de thymorégulateur associé. Quʼen pensez-vous ?
Docteur Hantouche
Je crois que c’est une erreur car les études au long cours, n’ont pas montré un effet thymorégulateur d’abilify ; surtout en ce qui concerne la prévention des phases dépressives. J’ai constaté, comme d’autres experts, qu’abilify peut être excellent pendant 2 à 3 mois sur un épisode dépressif bipolaire puis survient un phénomène de tolérance càd une disparition brutale de l’effet. Dans mon expérience, l’abilify est systématiquement associé à un thymorégulateur
BI
Dans votre pratique, à quelles fins utilisez-vous lʼAbilify ?
Docteur Hantouche
Vu qu’au CTAH, la majorité des patients traités présentent des troubles du spectre bipolaire (BP-II, cyclothymie, BP-III ou hyperthymie), des dépressions résistantes ou des TOCs difficiles, j’ai recours à abilify aux doses de 5 mg et souvent 2,5 mg comme adjuvant au traitement anti-TOC, antidépresseur ou aux thymorégulateurs.
Dans les cas d’hypomanie sévère ou de virage maniaque, la dose doit passer à 10 mg voire 20 mg.
BI
Y a-t-il autre chose que vous souhaiteriez dire à nos lecteurs sur ce médicament ?
Docteur Hantouche
C’est un médicament original à manier avec expertise et prudence surtout quand il s’agit de substituer un neuroleptique antérieur qui ne marche pas ou qui a induit une prise de poids excessive. Donc, respecter la période de 2 semaines avec le chevauchement des 2 traitements (p. ex. un sevrage qui survient après l’arrêt brutal de zyprexa ou autres neuroleptique sédatif n’est pas réduit par abilify)
Il convient d’être vigilant aux phénomènes d’agitation au début du traitement et aux syndromes extra-pyramidaux (observés avec des doses élevées) comme akathisie, dyskinésie aiguë, tremblements, rigidité musculaire? Cela dit, abilify offre l’avantage de soigner la manie à moyen terme sans avoir l’effet sédatif des autres neuroleptiques.
Enfin, il faut être averti du phénomène de tachyphylaxie (disparition de l’effet thérapeutique) après une certaine période, notamment dans les dépressions bipolaires
Ps : les visiteurs du site peuvent aller sur ce lien de la HAS pour avoir plus de détails sur l’approbation de ce produit dans le traitements des manies en aigu et à moyen terme (prévention des rechutes maniaques)
abilify
