Arrête de rire, tu vas pleurer
31/12/2007
Témoignages > Cyclothymie
J’ai 20 ans - je fais partie du Club Cyclo Artistes.
Voici mon histoire personnelle
Depuis toute petite je suis très difficile à suivre et à vivre pour mon entourage. Pour eux, je suis en crise d’adolescence depuis ma naissance. Je me souviens avoir souvent ressenti des moments de grande exaltation, que je prenais pour quelque chose de divin, tellement je montais haut, et des moments de grande détresse, sans raison apparente. Dans ces moments, je savais que je n’avais aucune raison de crier mais je hurlais à l’intérieur de moi ? au secours ? J’avais l’impression que le poids du monde entier s’abattait soudainement sur moi, tout me faisait mal, tout me faisait pleurer.
Si je voyais quelqu’un trébucher dans la rue je me mettais â pleurer, si l’on annonçait à mes parents au restaurant que le plat qu’ils avaient choisi n’était pas servi ce jour là.
Inversement, lorsque j’étais ? en haut ?, cela faisait rire mon entourage, mais un court moment, car celui-ci était vite excédé par mon comportement. J’avais tendance à vouloir accaparer l’attention, rire et parler fort et très vite, passer d’un sujet à un autre. Ma mère me dit souvent qu’elle se sentait noyée sous ma présence et étouffée par mes paroles. Lorsqu’on me disait de me calmer, je devenais très agressive, car je ne comprenais pas qu’on veuille refreiner ma bonne humeur.
Mes parents étaient souvent angoissés lorsque j’étais ? en haut ? car ils savaient par expérience que plus je montais haut, plus je tombais bas et brutalement ensuite. Leur phrase d’avertissement était ? Arrête de rire, tu vas pleurer ? ! Ils ne savaient pas que j’étais cyclothymique, ils pensaient juste que j’avais un caractère difficile et peu stable. D’ailleurs nous avons mis des années à savoir que j’avais un trouble bipolaire.
Toute mon enfance j’ai vécu comme ça. J’ai des souvenirs très heureux de mon enfance, mais également de nombreux souvenirs plus douloureux, qui étaient dus à la cyclothymie.
J’avais notamment du mal à finir tout ce que je commençais. J’étais souvent prise d’une "boulimie" d’activités et d’idées et puis ça retombait et j’abandonnais tout. C’était presque toujours des échecs. J’avais l’impression de ne rien pouvoir mener à terme convenablement, et j’ai souvent eu une image péjorative de moi à cause de ça. Aujourd’hui encore je doute beaucoup de moi, mais je travaille pour reprendre confiance.
Je me souviens également des jours où je me sentais terrassée par le désespoir dès mon réveil, je regrettais de m’être réveillée et je voulais juste me rendormir, non pas parce que j’étais fatiguée mais parce que je ne voulais pas sortir dans le monde. Même petite cela m’est souvent arrivé. J’ai honte de dire ça, mais j’ai simulé être malade pour ne pas avoir â affronter la vie certains jours.
Je culpabilisais énormément de rater l’école notamment, car je sais que je passais pour une petite nature et une feignante aux yeux de tout le monde, et à mes yeux aussi, puisque je n’expliquais pas pourquoi j’étais comme ça.
Ma seule réponse alors était que ma nature était pervertie et mauvaise, que j’étais un parasite.
Je ne détestais pourtant pas du tout l’école, c’était souvent assez ennuyeux mais assez facile aussi. J’ai toujours pu me distinguer facilement à l’école et rendre fiers mes parents. Heureusement d’ailleurs que j’étais une bonne élève car cela excusait plus facilement mes absences à répétition.
Parallèlement â ma cyclothymie je suis boulimique, depuis je pense toujours.
Je me rappelle que déjà au début du primaire, la seule réponse que je pouvais apporter aux angoisses inexpliquées que je ressentais c’était de m’empiffrer jusqu’au mal de ventre. Cependant petite, mon métabolisme et les nombreuses heures d’équitation que je faisais devaient rééquilibrer tout ça, donc cela ne se voyait pas physiquement.
Ensuite je suis partie un an en échange linguistique au Canada, une année très enrichissante, mais qui m’a tout de même fait prendre 10 kilos, dus au changement de nourriture, à la quantité, au mode de vie, et puis certainement au stress et au mal du pays quelque part.
Je suis rentrée en France. Alors que je me sentais très bien dans mon corps là-bas, je me suis dégoûtée ici. Je me trouvais obèse à côté des autres et j’avais honte de moi. J’ai entamé un régime draconien, qui s’est vite transformé en anorexie. Je sais que j’étais folle de faire ça, mais je garderais toujours de cette période un superbe souvenir. Je me sentais invincible, super efficace, super belle. Je contrôlais toutes les facettes de ma vie, rien ne m’échappait. Je dormais très peu, j’utilisais ces heures pour travailler, et être la meilleure en cours. J’étais la fille parfaite. Populaire, jolie, sportive, intelligente?
J’ai très vite perdu mes 10 kilos et plus, seulement j’ai craqué, j’avais trop restreint mon corps et il reprenait violemment le dessus. Je suis devenue boulimique non vomitive (enfin presque car je passais des nuits entières à essayer sans vraiment y parvenir, mon corps ne voulait pas, et pourtant j’ai tout essayé !) avec des phases de jeûne pour "limiter la casse", comme je disais. Je me suis coupée de tout le monde. Ca a été la traversée du désert. Je ressentais une haine contre moi, je voulais me faire du mal. J’avais souvent des phases ou ça remontait et j’essayais de tout reprendre en main et tout retombait ensuite. J’étais complètement anéantie et désespérée. J’appréhendais mes phases "en haut" car je savais que la chute faisait tellement mal. Je ne savais pas ce que j’allais pouvoir faire de ma vie. Je me voyais partir très mal.
Ma mère me voyant dépérir comme ça m’amena à la maison de l’adolescence dans ma ville, ou une infirmière voulu m’hospitaliser en cure de repos car j’avais des "idées noires". Je refusais. Je ne voulais pas être définitivement considérée comme une folle. J’ai vu un psychiatre. Je me sentais de plus en plus mal en le voyant, j’ai donc tout arrêté.
Et puis j’ai vu de nombreux médecins et psychologues ensuite. Mon entourage pensait que je ne voulais pas me soigner, tout simplement parce que toutes ces thérapies ne marchaient pas.
J’ai ensuite été traitée pour une dépression sous Prozac. C’était ou pire, ou pas mieux?
Un jour ma mère entend une émission à la radio par hasard, sur la cyclothymie. Elle m’appelle et me dit de me renseigner car selon elle mes symptômes pourraient correspondre. J’ai pris rendez-vous avec le docteur H. l’année dernière sur Paris. Il m’a fait faire le test de "dépistage" de la cyclo, et youpi j’étais malade ! C’est bizarre à dire, mais j’étais contente de savoir que j’avais une maladie, car ça voulait dire que je n’étais pas une malade imaginaire, une feignante, et surtout qu’on allait pouvoir m’aider !
Depuis je suis sous Lithium et Epitomax (pour la boulimie). Je prends du Zoloft également. Et ça va de mieux en mieux. Je me dis que je vais enfin pouvoir faire ce que je veux de ma vie et non plus être handicapée par mes ? dents de scie ?
Voilà j’ai été en prépa Science Po, j’ai tout arrêté pour aller vers ma passion, le théâtre, et devenir comédienne. Nous réfléchissons au rapport entre cyclothymie et créativité, je ne me sens pas particulièrement créative, je cherche à l’être, puisque je veux évoluer dans le monde du spectacle. Peut-être suis-je créative au fond de moi, mais que je n’ose pas encore l’être lorsque je suis "normale". Car je sais que mon imagination est florissante en période "en haut". Seuls mes proches peuvent me suivre car ils me connaissent. D’ailleurs je ne sais pas si certains membres de ma famille sont cyclothymiques, ou ont un tempérament cyclothymique mais on se ressemble parfois. Du moins on retrouve des similitudes de comportement. Je devrais peut-être les envoyer consulter !
Commentaire posté le 12/10/2008
"Et maintenant... comment le dire ?"
Le 27/10, j’ai pris rendez-vous avec le centre pour ma petite fille de 10 ans et sa soeur de 9 ans.Je pense que la première souffre de bipolarité et que la seconde souffre de la situation. Le problème est que je n’arrive pas à expliquer à mes enfants la véritable raison de notre voyage à Paris, d’autant que je ne suis pas soutenue par leur père dans cette démarche. J’ai listé certains "troubles" avec ma fille : troubles de l’endormissement (des peurs inexpliquées), du sommeil (donc réveils fracassants), troubles de la concentration (mais pas toujours maman, j’ai aussi de bonnes notes et puis je fais des dessins géniaux!), manque d’estime de soi (je suis nulle, c’est trop dur , j’y arriverais jamais). J’avoue m’être arrêté lâ car : "tu penses que je suis folle ?". Quant â la seconde "de toute façon je suis un fantôme pour toi, tu préfère ma soeur" et vlan.
COMMENT LE DIRE ? Franchement je suis fatiguée d’être seule, j’ai éliminé les cause physiques possibles: sa vue OK, son audition OK, orthophonie OK. Puis a commencé la ronde du psychologique : Elle a vu un pédopsychiatre, un psychiatre, deux psychologues, une psychotechnicienne, et rien. A si tout de même : "madame vous devriez consulter" ou •c’est votre situation de couple• ou •c’est dû â ses hospitalisations• (pour une chute assez grave). J’oubliais que j’ai aussi demandé un test de QI, non, elle n’est pas surdouée (on ne sait jamais, vu ses difficultés scolaires et ses difficultés avec ses camarades, l’école l’ennuie ou lui fait peur).
OK, maintenant il me reste l’option suivante : bipolarité. Je vais vite en besogne mais : son grand-père paternel a été diagnostiqué maniaco-dépressif (mais ne l’admet pas), le père de ma fille "dysthymie" lors d’un séjour en HP, sauf qu’il est bien plus que dépressif, c’est Dr JEKILL et Mr HIDE. Il y a longtemps que je pensais à cette possibilité mais je ne distinguais pas du tout chez ma fille de phases "hautes" et "basses" comme chez son père (en même temps elle n’est pas alcoolique, ne joue pas au casino et ne découche pas), jusqu’au ce que j’écoute une émission à la radio et que je rende visite au site du CTAH. Chez l’enfant, les épisodes ne sont pas aussi nets que chez l’adulte et les changements d’humeur peuvent être successives dans la même journée.
Voilà, je ne pensais pas écrire si longtemps mais je n’ose plus en parler autour de moi et j’avoue, j’espère me tromper.