Impact des tempéraments sur la santé physique
14/07/2014
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Traitements
Lʼinfluence des tempéraments sur le métabolisme a été explorée dans le diabète type 2 (de maturité). Parmi les diabétiques, les personnes avec un tempérament dépressif présentent le plus de complications psychologiques pour sʼadapter à leur diabète et assurer un contrôle métabolique (Gois et al, 2011). De même, le tempérament anxieux exerce un impact sur cette maladie ; ainsi on a montré que les taux de lʼhémoglobine glycolée au début de lʼétude et à 6 mois du suivi sont inversement corrélés avec le niveau du tempérament anxieux. Il est donc possible de penser que le tempérament anxieux exerce un impact sur le métabolisme du sucre au début de lʼétude (il agit comme un facteur de prédisposition au pré-diabète) et non sur lʼacquisition des comportements dʼautogestion et de contrôle du diabète (Gois et al, 2012 ; Hall et al, 2009). Selon le Dr Coudé, pédiatre et généticien, un des critères majeurs des enfants « Dys-affectifs » est représenté par lʼappétence accrue et lʼaddiction aux sucres et les problèmes coliques chroniques.
Les tempéraments peuvent donc affecter la santé physique à plusieurs niveaux :
Rovai et al (2013) pensent que les troubles psychosomatiques peuvent résulter dʼeffets de réciprocité entre les deux composantes somatique et psychiatrique ou de la présence de facteurs sous-jacents communs. Par exemple, lʼinfection HIV est déterminée par des facteurs de risque comportementaux (usage de substances en injection, homosexualité) et psychiatriques (forte prévalence des indices de bipolarité atténuée). Ce dernier résultat a été obtenu en comparant des groupes de patients dépressifs majeurs séronégatifs versus séropositifs (Perretta et al, 1998). Ces derniers montrent des indices de bipolarité type 2 avec des traits significatifs de cyclothymie et dʼhyperthymie. La question provocante est de stipuler que les facteurs tempéramentaux sous-jacents à lʼimpulsivité et la prise de risque soient responsables de lʼinfection à travers les rapports sexuels non protégés et le partage imprudent des seringues. Les tempéraments peuvent donc influer la morbidité somatique en agissant sur les capacités dʼadaptation émotionnelle et comportementale, plus positives avec le tempérament hyperthymique et négatives et dysfonctionnelles avec le névrosisme cyclothymique. Dans ce contexte, il est important de tenir compte des liens existants entre les tempéraments et les conduites addictives, comme la boulimie et lʼabus de substances (alcool, opiacés, stimulants). Au total, un nombre grandissant de publications montre un décalage important entre le tempérament hyperthymique (fonction protectrice de la santé) et le tempérament complexe cyclothymique – anxieux – dépressif – irritable qui comporte une double morbidité, psychiatrique et somatique.
Une étude récente réalisée dans 3 centres dʼoncologie en Italie montre à lʼévidence que les traits hyperthymiques sont corrélés avec une meilleure qualité de vie chez des patients cancéreux : notamment un faible niveau dʼévitement (moins dʼanxiété, de passivité et plus dʼinitiatives) et un niveau élevé des traits en rapport avec lʼoptimisme, lʼautoresponsabilité, la tolérance envers soi-même (qui modulent le concept de soi). Un autre argument en faveur de la dichotomie entre les tempéraments « stables » versus « instables cyclothymiques ». Les impacts différents des tempéraments stables et instables sur la santé mentale et physique ont été observés chez les personnes saines et atteintes de troubles somatiques et psychiatriques. Il est légitime que les tempéraments exercent cet impact en modulant dʼune part le style de vie et de conduites et dʼautre part la sensibilité au stress et lʼensemble des mécanismes hormonaux et psychobiologiques qui sont liés au stress.
Bipolarité atténuée et sensibilité au stress : lʼœuf et la poule
La présence dʼun stress majeur dans lʼenfance induit certainement des conséquences sur le trouble bipolaire : début plus précoce, épisodes mixtes, cycles rapides, tentatives de suicide, automutilations, traits de personnalité borderline… en dʼautres termes, une forme évolutive plus sévère (Garno et al, 2005). De plus, un abus dans lʼenfance rend le patient bipolaire plus fragile vis-à-vis des attaques ou stress violents à lʼâge adulte pour développer un trouble de stress post-traumatique. Mais ce qui est nouveau cʼest lʼexploration des rapports entre une bipolarité atténuée et la formation de stress post-traumatique (SPT) et de deuil compliqué. Ainsi, dans de nombreuses études récentes, on a constaté la présence de symptômes bipolaires discrets avant la survenue du SPT (DellʼOsso et al, 2009, 2012). Il est facile de lier la survenue dʼun épisode bipolaire à la présence dʼun événement stressant juste avant – ce rapport chronologique ne signifie point une causalité ; dans la majorité des cas, on constate que lʼévénement stressant est en réalité le début de lʼépisode. Une revue de la littérature (Strawn et al, 2010) sur les rapports entre bipolarité et stress post-traumatique (SPT) a montré que la prévalence du SPT est nettement plus faible chez les enfants et adolescents par comparaison aux adultes. Cette constatation laisse supposer que la bipolarité serait un facteur prédisposant à la survenue du SPT et non lʼinverse. En faveur de cette hypothèse, la démonstration dʼune relation significative entre des anomalies biologiques impliquées dans la sensibilité au stress (comme réduction de TSPO, 18kDa mitochondrial TranSlocator PrOtein density, protéine essentielle pour la synthèse des stéroïdes, hormones déterminants dans le processus de réaction au stress) et la présence de symptômes (hypo)maniaques avant la survenue du SPT. Cela a été validé dans une étude italienne évaluant lʼimpact psychologique du tremblement de terre à Aquila en 2009 (DellʼOsso et al, 2010). Ces données appuient le rôle fragilisant dʼune cyclothymie tempéramentale (réactivité et instabilité émotionnelles excessives, anxiété de séparation persistante à lʼâge adulte), ce qui peut faciliter le repérage des sujets à risque de développer du SPT ou de deuil compliqué et la mise en place de stratégies préventives.