La prise en charge thérapeutique des schémas de vie
16/09/2014
Auteur : M Trybou
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Tempéraments
1° dʼun point de vue intellectuel
2° dʼun point de vue émotionnel
3° persister, car les schémas ne cassent pas aussi facilement
Les schémas sont durs à modifier car ils représentent notre vision du monde, nous les connaissons, ils nous aident à comprendre à gérer lʼunivers. Ils nous sécurisent. Mais avec le temps on y arrive. Il faut avoir conscience que lʼon utilise beaucoup la révolte et la fuite aussi dans la thérapie, donc que la vidange des émotions est souvent entravée. Les schémas ont été intégrés, ils sont notre réalité, il faut arriver à comprendre que lʼon croit à des choses illégitimes, même si cela nous culpabilise.
Lʼémotionnel
La thérapie des schémas ne vise pas le procès des parents, car pour Young, bien souvent les parents ont tenté de faire au mieux avec leurs propres schémas hérités de leurs parents, ce qui peut expliquer des « malédictions familiales ». On transmet généralement le schéma que lʼon a soi même. Nous travaillons sur ce que nous avons enregistré de nos parents, leurs voix qui sont devenues nôtre, et comment nous laissons ces « traces » dans nos têtes gérer nos vies, et non pas sur les vrais parents. Le plus souvent, les souvenirs sont flous, parcellaires, imprécis, ce qui est normal. Parfois, la situation actuelle qui relance le souvenir infantile nʼa pas de rapports apparents avec celui-ci. Cʼest en fait dû au fait que cʼest lʼémotion qui est similaire, pas le scénario.
Pour de nombreux patients, lʼémotionnel est une dimension étrange. De nombreux patients trouvent toutes ces techniques idiotes, comme si on revenait inutilement sur le passé, on faisait de faux procès. Le but nʼest pas tant de revenir sur le passé que modifier notre vision de ce qui est normal et anormal, et changer la légitimité des voix qui sʼexpriment dans notre tête. Le but nʼest pas le tribunal mais lʼexpression légitime et naturelle dʼémotions et besoins légitimes et naturels du cerveau.
Pour mieux comprendre cela, Stéphanie Hahusseau utilise une comparaison intelligente et très parlante : « Quand nous avons soif, des sensations physiques apparaissent, et notre cerveau prend conscience que notre bouche est sèche. Nous interrompons nos comportements pour aller chercher de lʼeau. Nous nous désaltérons. Nous nous sentons mieux et nous reprenons tranquillement ce que nous étions en train de faire. Nous ne négligeons pas cette sensation en la qualifiant dʼexcessive. (…) Nous devrions apprendre à avoir la même attitude avec les émotions » (Tristesse, peur, colère, p. 21, 22). Cʼest à dire réapprendre à ressentir, verbaliser et faire sortir les émotions même si nos parents nous ont appris lʼexact inverse. Apprendre à demander, apprendre quʼêtre imparfait est humain, que la colère est légitime, que le plaisir nʼest pas superficiel, quoi quʼen pensent nos parents. « Donner de la valeur à ses émotions négatives est dʼautant plus difficile quʼautour de nous nous entendons souvent dire quʼil faut prendre sur soi, quʼavec un peu de volonté on peut tout à fait dominer sa tristesse, sa colère et sa peur » (p. 22). A quel moment lʼéducation, la morale, la culture, commencent à maltraiter lʼexpression naturelle des émotions ? A maltraiter notre biologie.
Pour Stéphanie Hahusseau, le travail émotionnel passe par :
Beaucoup de patients regardent leur souffrance avec froideur comme si elle était méritée, ou estiment que se défendre revient à agresser les parents, preuve que les schémas et le Parent Punitif ont été très bien intégrés. Stéphanie Hahusseau propose souvent à ses patients dʼapporter une photo dʼeux enfant, ou dʼimaginer un autre enfant, afin de libérer lʼempathie qui est bloquée quand il sʼagit de soi même, « pour quʼils se rendent compte combien ils étaient petits, fragiles, démunis, émouvants et combien ils méritaient dʼêtre guidés, protégés, aimés » (p. 218). Beaucoup de patients ne se pardonnent pas de ne pas avoir fait comme les parents lʼexigeaient, estimant leur tort réel, leur imperfection réelle. Or, un enfant nʼavait ni les connaissances ni les moyens à son âge pour remplir les critères demandés par les parents. Et les enfant ne peuvent pas non plus deviner à lʼavance ce quʼon attend dʼeux, ni être aussi sages à 10 ans quʼun adulte lʼest à 40 ans.
Les techniques dʼécriture sont aussi intéressantes : jʼécris aux personnes qui mʼont fait du mal, pour me libérer émotionnellement, en écrivant les souvenirs en détails, ce qui sʼest passé, ce que jʼai ressenti, ce que jʼen pense aujourdʼhui avec le recul, et ce qui aurait dû être fait si la famille nʼavait pas été dysfonctionnelle. Je donne raison à lʼenfant de lʼépoque. Je nʼenvoie pas la lettre, car ce nʼest pas le but. Je pourrai leur pardonner plus tard, si je le souhaite en imaginant notamment quʼils ont subi le même traitement quand ils étaient eux mêmes enfants.
En effet, pour Stéphanie Hahusseau, penser nos problèmes provoque que lʼon tombe vite dans les ruminations, et penser empêche de ressentir et de vidanger. Le rationnel, malheureusement, bloque le travail de vidange émotionnelle. Lʼécriture étant moins violente que la parole, cʼest souvent une bonne technique pour débuter dans le travail de libérer les poches émotionnelles coincées au fond du cerveau : que sʼest-il passé ? Quʼai je ressenti ? Quʼest ce que je me suis dit de tout cela ? Quʼest ce que jʼai pensé de moi et de la situation ? A force dʼécriture, on commence à comprendre quelles sont les thématiques les plus sensibles chez nous, et quels sont nos schémas les plus à vif. Cʼest dans un second temps que peut venir lʼoral avec les jeux de rôles, en laissant les sensations dans le corps sʼexprimer et mourir naturellement, sans aucune tentative de notre part de les bloquer, sans la juger, sans émettre dʼopinion sur lʼacte de vidanger. Cela me fait du bien, donc je le fais. Bloquer me fait souffrir. « Lutter par exemple contre notre tristesse nous conduit de la même manière à lʼépuisement. (…) La meilleure façon de nous en défaire, cʼest de nous laisser porter par la vague, même si elle nous pousse, au départ, à lʼopposé de là où nous voulions aller … » (p. 202). Il faudra faire ce travail à de nombreuses reprises pour prendre de bonnes habitudes dans notre gestion des émotions, et pour diminuer la charge émotionnelle dʼun souvenir ou dʼune situation.
La suite, dʼun point de vue pratique, cʼest un habile mélange dʼexposition aux émotions négatives quand elles surviennent, et, bien évidemment, de sʼaffirmer dans ses rapports de tous les jours. « Le rapport à soi se transforme. On nʼest plus tributaire de personne pour satisfaire son besoin dʼêtre écouté, dʼêtre considéré avec bienveillance. On attend moins des autres, on se donne davantage » (P . 210).
Bibliographie
Psychothérapies de 3emeG
Le bonheur et lʼApprentissage de lʼÉchec selon Tal Ben Shahar
TDA/H ou Cyclothymique ? Quand cognitions et émotions sʼemmêlent
3 : l’embouteillage émotionnel
