05 : Google - Bipolarité - Dépression - Paris...
1/01/2008
Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan
Ce désir de saisir tout ça, de me donner dautres choix que celui du dégoût, car jen étais arrivé jusque-lâ certains jours, tournait â lobsession.
Et plus je me forçais plus les pièces du puzzle se dissociaient. On perd de la perspective â rester focalisé les yeux pendu au plafond ou enfermé en intercalaires entre deux pages. Alors Parfois je devais me forcer â sortir prendre des bols dair pour, les poignets endoloris, oser les ouvrir et faire couler de mes veines un sang frais, minjecté de loxygène. Au début jy allais â reculons car lorsque jarrivais â mettre le nez dehors pour me changer les idées, javais des élans morbides en regardant les trains et les métros passer. Il me fallait refreiner avec peine les poussées paranoâ?aques, les crises de panique. La chaleur des mois dété, les gens et leurs contacts, tout me paraissait insupportable. Jévitais les yeux des passants comme si de leurs regards, ils pouvaient violer et pénétrer la chair meurtrie de ma conscience. Ma démarche était traînante, mon allure chétive. Je maintenais barbe et tête hirsute, vissées entre des épaules salles et usées â force de longer les murs crasseux des couloirs souterrains et ceux des rues engorgées de touristes et de badeaux.
Lagoraphobie a fini par passer progressivement tout au long du mois de septembre. Les émotions se sont tempérées. Jéprouvais même parfois une certaine quiétude â allais me baigner dans le chao des artères Parisiennes tout feu tout flamme des conflits sportifs des débuts de soirées bariolées des couleurs multiraciales de la coupe du monde de rugby. Aux détours des croisements, aux passages des allées piétonnes de terrasses en terrasses entendre parler, espagnole, roumain, surtout anglais, voir la joie des familles, des couples main dans la main et inévitablement repenser â toi, â Glasgow et tous les moments magiques que javais vécu. Les personnes formidables que javais connues puis déçues. Le fait de me plonger dans lanonymat en me fondant dans la masse aura été aussi très bénéfique car ça maura permis de rester â labri caché derrière des lunettes noires tout en gardant un lien avec la société. Je ne connaissais plus grand monde ici ne fréquentais personne. Je ne faisais rien non plus pour être abordable car non seulement javais perdu toute confiance en lêtre que jétais devenu mais jéprouvais aussi un besoin indispensable de cette solitude protectrice. Elle me permettait de me recentrer.
Aujourdhui encore, 6 mois après avoir de nouveau étranglé mon stress et mes angoisses avec des cravates trop serrées et redresser mon dos voûté pour rentrer dans des costumes de camouflages afin de pouvoir faire la seule chose dont je sois réellement capable de faire correctement, travailler, enchaîner les heures sup., de nuits ou de week-ends. Je la conserve soigneusement cette solitude, alors que dautres pourraient la subir, jen ai tout au contraire fait mon allié et mempresse de la retrouver des que je sors du bureau et que je me noie dans la foule. Cest dur â expliquer tout comme létaient mes fluctuations dhumeur et léquilibre que je trouvais dans lantagonisme de la cacophonie urbaine qui mentourait et le sentiment deuphonie intérieure que je ressentais. Si on fait vraiment attention dans ce brouhaha, on peut percevoir un son porteur despoir, le bip dune balise qui vous indique la direction où trouver la berge.
Cest ainsi quun soir début octobre dans le métro au hasard dune conversation entre deux dames que jécoutais â moitié plongé dans mes réflexions, jai reconnu dans les plaintes dune dentre elles sur les relations quelle entretenait avec son fils de 26 ans, des mots qui métaient familiers. ? Il narrêtait pas de déprimer, était incontrôlable parfois, des pics dhyperactivité, rechute, comportements anormaux, Il faisait des crises de folies ?. Il y avait dans la manière dont elle décrivait leur situation certaines similitudes frappantes ? jétais perplexe découragé face â lincompréhension, la souffrance? Malgré les psys, les antidépresseurs il nétait jamais stable très longtemps? Je ne le reconnaissais plus, cétait devenu un inconnu ?. Jai ce soir-lâ raté ma station et dans la correspondance qui me ramener du terminus de la ligne 4 â mon arrêt Les Halles, jai fais mentalement les liaisons, les associations, une somme dhypothèses avec en retenue la dernière phrase que javais été capable dentendre alors quelles descendaient et séloignaient sur le quai ? grâce â Argos, nous avons finalement? ?. ? Argos ? â?tait-ce un nouveau médicament ? Une institution ? Le nom dun éminent Psy de Paris ?
Google => Argos+Dépression+Paris,
â?? Argos 2001 association pour les personnes atteintes de TOC, dépression et troubles Bipolaires.
Google => Bipolaire+Bipolarité, malade des troubles de lhumeur anciennement dite Maniaco-dépressive caractérisée par lalternance dépisodes de manie ou hypomanie et de dépression.
Quelques clics et plusieurs heures plus tard ont suffit pour ouvrir une brèche par laquelle perça une pale lueur. Prématurément je me suis permis des illusions de compréhensions en me laissant aller â des humeurs chamarrées despoirs tels cents issues de secours qui mauraient autorisées peut-être de mitiger les sentiments qui me rongeaient. Les recherches et les lectures se sont enchaînées, Bipolaire Type I, II, Cyclothymie, état mixe. Cela faisait beaucoup dinformations intéressantes, mais qui suscitaient tout autant de questionnement supplémentaires. Comment faire la différence et me cibler, schizo, névrosé, affabulateur chronique, pervers alcoolique, borderline, bipolaire ? Il me fallait de laide car de nature lenvie et la motivation sont pour moi des démarches saccadées et trébuchantes telles les variations dune mélodie dorganes désaccordés et asynchrones. Les pas vers lacceptation devaient se faire lentement sans précipitation.
Javais décidé dêtre rigoureux et réellement dur avec moi-même. Il nétait pas question de me laisser aller â trouver des excuses faciles. Javais opté pour la pondération contre la précipitation, car mon expérience aura montré que mes choix tendaient toujours vers les extrêmes. Je navais aucune confiance en lêtre que jétais devenu tout comme je me méfiais des thérapeutes que javais pu voir et qui â coup de Xanax?, Risperdal?? sétaient contentés de me booster aux point de me transformer en un Icare aveuglé dun optimisme ostentatoire. Sous des euphories chimiques, je navais pas su sentir les courbes arriver, en allant trop bien, trop vite javais tiré tout droit. Je métais brûlé les ailes en passant précipitamment de lobscurité au zénith.
Comme un plongeur remonterait des grands fondeurs â la surface sans paliers, loxygène avait fait exploser mes tympans et dembolie je métais asphyxié.