Cyclothymie : un trouble longtemps et toujours négligé
31/12/2007
Auteur : Dr hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Cyclothymie
Pour quelles raisons a-t-on négligé une maladie aussi importante et fréquente... C’est un sujet passionnant et curieux ! Comment peut-on arriver à un tel constat ? Est-ce un déni collectif ? L’absence de formation adaptée ? L’influence des écoles psychiatriques ? Le triomphe de la psychanalyse au détriment de la clinique ? Les mauvaises définitions actuelles des formes cliniques de la bipolarité ? Ou un mélange de tout ? Récemment, dans une de mes conférences, j’ai parlé de l’importance de la cyclothymie dans la révision des classifications des troubles de l’humeur. Parmi les arguments que j’ai cités : "la cyclothymie permet de capter tout un ensemble de troubles atypiques et complexes" et "le recours à ce diagnostic est utile pour que ces formes ne soient plus un foutoir sémiologique".
Parler de cyclothymie évoque systématiquement soit un tempérament soit un trouble léger de l’humeur.
Ce qui est vrai et faux.
La cyclothymie peut représenter un tempérament mais dans les cas cliniques, je peux l’affirmer, il s’agit bien d’un trouble complexe, souvent sévère et difficile à stabiliser (2, 3).
D’où la question, "sommes-nous tous des cyclothymiques ?" et cette question renvoie à l’éternelle interrogation actuelle : "est-ce que les psychiatres et les médias sont-ils en train de sur-diagnostiquer les troubles psychiatriques, notamment la bipolarité ?"
Curieux de constater que cette question est soulevée par des philosophes, sociologues ou des psychiatres "anti-bipolaires". Comme si les hypothèses qu’on défend souvent plaisent à nos préjugés et conviennent à notre cerveau. Un expert qui n’aime pas la bipolarité, déjà ne la comprend pas et de plus va défendre tous les arguments contre elle.
Mon expérience depuis plus de 20 ans montre le schéma contraire : "la bipolarité est largement sous diagnostiquée" et pour défendre cette observation, on dispose de tas d’études. Des enquêtes récentes qui montrent que seulement 20% des bipolaires typiques (BP I et BP II) sont correctement diagnostiqués ! (5) Qui est le juge dans tout cela ? Où est la vérité ? Quelle est l’opinion des patients dans ce dilemme ?
Parler de cyclothymie, est-ce parler d’une nouvelle entité clinique ? N’a-t-elle pas ses propres racines historiques ?
Mes études ont révélé que plus d’un tiers de la totalité des dépressifs consultant en psychiatrie serait des cyclothymiques et la moitié des patients souffrant de toc le sont aussi ! (2) alors, nouvelle ou pas nouvelle, la cyclothymie n’est pas un artefact clinique - c’est une vraie réalité qui a été décrite il y a plus de 100 ans maintenant (6) - mais pour des raisons encore mystérieuses, elle est aujourd’hui plus fréquente et se manifeste plus ouvertement et surtout à des âges de plus en plus précoces.
La cyclothymie représente une maladie fréquente ; elle touche 2 à 5% de la population (2, 3), peu connue, alors qu’elle était bien définie à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème par Hecker et Khalbaum en Allemagne puis par Deny et Kahn en France (6).
Les drames de la cyclothymie
Dans un entretien dans le magazine "psychologies", je disais qu’on est dans l’ère de la bipolarité qu’on le veuille ou pas, une réalité qui va éclater un jour en pleine figure de la psychiatrie qui pour ’instant reste inerte. face â cette évolution, la cyclothymie mérite d’être plus connue par les médecins, le grand public et par les médias.
Références
1. ghaemi sn, hsu dj, soldani f et al. antidepressants in bipolar disorder: the case for caution. bipolar disord. 2003 ; 5 : 421-33.
2. hantouche eg, akiskal hs. les tempéraments affectifs. chapitre 20, in "les troubles de la personnalité" (féline, guelfi, hardy), flammarion, médecine-sciences, 2002
3. hantouche eg, blain r. cyclothymie :pour le pire et pour le meilleur - bipolarité et créativité. robert laffont, paris, 2008.
4. hantouche e, angst j, demonfaucon c, perugi g, akiskal hs (2003). cyclothymic ocd: a distinct form ? journal of affective disorders 75 : 1-10.
5. hirschfeld rm, calabrese jr, weissman mm et al. screening for bipolar disorder in the community. j clin psychiatry 2003 ; 64 : 53-9.
6. kahn p. la cyclothymie : de la constitution cyclothymique et de ses manifestations (dépression et excitation intermittentes), g. steinheil, paris, 1909.
7. perugi g, akiskal hs. (2002). the soft bipolar spectrum redefined: focus on the cyclothymic, andious-sensitive, impulse-dyscontrol, and binge-eating connection in bipolar ii and related conditions. psychiatry clinical north of america, dec; 25: 713-737.
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